« Il faut des mesures d’urgence » : les responsables politiques confrontés au défi de la jeunesse
A mesure que l’inquiétude sanitaire liée au Covid-19 reflue, d’autres urgences plus politiques passent au premier plan : à quel avenir destine-t-on les 18-25 ans qui ont vu leurs études interrompues, leur insertion professionnelle compromise avec le confinement ? Mi-mars, le coup d’arrêt porté à l’économie, aux écoles et universités avait pourtant peu fait débat, tant la peur de contaminer mortellement ses aînés était forte dans la population et le discours public.
Aujourd’hui, à l’heure où les manifestations qui ont éclaté en France en écho à la mort de George Floyd aux Etats-Unis rassemblent une majorité de jeunes, les responsables politiques redoutent d’avoir « sacrifié » une classe d’âge et semé le ferment d’une révolte tenace, en forme de conflit des générations.
Aux racines de cette inquiétude, la crise sanitaire n’avait pourtant pas éveillé d’opposition entre générations, bien au contraire, souligne la sociologue Monique Dagnaud, spécialiste au CNRS de la jeunesse et des médias. « Quand on a compris que le confinement allait être long, on aurait pu imaginer que des jeunes se lèvent en disant, non ce n’est pas possible, mais il y a une sidération qui a gelé la protestation », note-t-elle.
Cette cohésion intergénérationnelle pendant la crise, la sociologue l’explique par la prééminence de la famille. « Il n’y a jamais eu autant de solidarité économique entre les générations, la famille est la seule institution qui n’est pas remise en question. Le reste, la politique, les partis, font tous l’objet d’une forte défiance. Tout le monde a voulu protéger les vieux, les grands-parents », souligne-t-elle, notant que le virus a représenté le « premier vrai ennemi » de la génération des « inoxydables » de l’après-guerre, ces « boomers » au sujet desquels on a cessé d’ironiser pendant la crise.
« On a fait vivre quelque chose de terrible à la jeunesse »
A mesure que l’épidémie recule, le sommet de l’Etat mesure pourtant l’ampleur de l’épreuve qui, imposée à tous, cause un malaise particulièrement aigu chez les jeunes adultes. Ainsi, pour Emmanuel Macron, les manifestations contre les violences policières et le racisme traduisent autant une mobilisation liée à l’affaire George Floyd – un Afro-Américain de 46 ans asphyxié par un policier blanc, le 25 mai, aux Etats-Unis – qu’une réaction à la crise du Covid-19. « On a fait vivre quelque chose de terrible à la jeunesse lors du confinement, a récemment confié en privé le chef de l’Etat. On a interrompu leurs études, ils ont des angoisses sur leurs examens, leurs diplômes et leur entrée dans l’emploi. Ils trouvent dans la lutte contre le racisme un idéal, un universalisme. »
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