Fermer les frontières ne fera pas revenir les usines délocalisées
Le prix Nobel d’économie estime que seule la politique budgétaire peut, actuellement, aider la croissance dans la zone euro.
Loin de mieux protéger les perdants de la mondialisation, la politique économique américaine va accroître les inégalités. Dans son nouvel ouvrage à paraître le 26 septembre, Peuple, pouvoir & profits (Ed. Les Liens qui libèrent, 24 euros), Joseph Stiglitz, professeur d’économie à l’université Columbia (New York), se montre très critique à l’égard du président des Etats-Unis. S’il juge que les risques d’une crise financière majeure sont limités à court terme, le prix Nobel d’économie 2001 appelle à une refonte du capitalisme, privilégiant la régulation et le rôle de l’Etat.
Guerre commerciale, agitation sur les marchés, Brexit… Faut-il craindre une nouvelle récession, voire une crise financière ?
Les sujets d’incertitudes sont abondants, et les interventions de la Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale), qui a injecté d’urgence des milliards de dollars de liquidités sur les marchés dernièrement, ont rendu beaucoup de monde nerveux. La probabilité que nous traversions d’ici peu une crise financière de la même ampleur que celle de 2008 reste cependant faible. En revanche, il est certain que nos économies vont enregistrer un ralentissement marqué.
En Europe, les nouvelles mesures accommodantes prises en septembre par la Banque centrale européenne (BCE) suffiront-elles à contrer ce ralentissement ?
L’action de la BCE a sorti la zone euro de la crise des dettes souveraines de 2012, mais elle ne va pas réussi à restaurer une croissance dynamique. Baisser à nouveau les taux a cependant un effet négligeable, voire négatif, sur l’activité comme l’offre de crédit. Aujourd’hui, le seul outil susceptible de soutenir efficacement la croissance est la politique budgétaire – surtout dans les Etats disposant de marges de manœuvre en la matière, tels que l’Allemagne.
Les autres pays membres, comme la France, sont limités par les règles du pacte de stabilité. L’idéal serait d’assouplir celles-ci, et que la zone euro se dote aussi d’un véritable outil budgétaire commun. Mais cela exige des réformes complexes et longues à mettre en œuvre.
Sur le fond, le président américain n’a-t-il pas raison de s’en prendre à la Chine, qui ne respecte pas toujours les règles du commerce mondial ?
Lorsqu’ils taxent les importations d’aluminium et d’acier au nom de la prétendue « sécurité nationale », les Etats-Unis non plus ne tiennent pas les règles du jeu définies au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ! Pire, en bloquant la nomination de nouveaux juges dans l’organe de règlement des différends de cette institution, ils remettent en cause le multilatéralisme sur lequel s’est bâtie la prospérité d’après-guerre.