Entre embouteillages et carnets de commandes qui débordent, les mille et un visages de la reprise économique en France

Après une année de confinement dans leur petit deux-pièces parisien, ponctuée de dizaines et de dizaines d’heures de réunions en visioconférence, Manon et Edouard, la trentaine tous les deux, sortent essorés de leur été. Depuis juin, pas moins de neuf week-ends ont été consacrés aux mariages de leurs amis ou aux enterrements de vie de jeune fille. Des événements qui avaient été reportés une à deux fois pendant la pandémie et qui ont enfin pu se tenir. « On n’en peut plus, soupire Manon, et en plus ça nous a coûté un bras, entre les billets de train, les nuits d’hôtel, les cadeaux, nos diverses tenues… Cette année, on n’offrira rien à Noël ! » Mais ce qui semble pesant pour le jeune couple apparaît comme une vraie résurrection pour un secteur – l’événementiel – sinistré par le Covid-19, reparti avec une vigueur inespérée.
Se retrouver « en présentiel », se réunir, se parler : dans tous les secteurs, la reprise semble rimer avant tout avec retrouvailles. L’édition 2021 du Sirha, le grand salon de l’agroalimentaire à Lyon, a fait le plein : 2 000 exposants, pas loin de 150 000 visiteurs se sont pressés dans les allées d’Eurexpo. A Chantilly (Oise), ce week-end, l’ambiance sera plus chic pour les Journées des plantes, annulées en 2020, « mais on s’attend à faire le plein », assure Nathalie Cassagnes, directrice de l’agence Vie publique, qui travaille sur l’événement. « Les gens ont envie de se voir, de se rencontrer. » De quoi alimenter la machine économique : la production en France devrait globalement retrouver à la fin de l’année son niveau d’avant-crise, selon les prévisions de l’Insee,
« Tout le monde veut se retrouver ! » : c’est aussi la conviction de Victor Carreau, le PDG et cofondateur de Comet, un espace de coworking situé dans le 16e arrondissement parisien, près des quartiers d’affaires, et spécialisé dans les réunions d’entreprise. Sur le seul mois de septembre, pas moins de 1 400 séminaires, brainstormings et autres comités de direction se sont tenus dans ses locaux, dix fois plus qu’en juin, et le double d’avant le Covid-19. « Beaucoup d’entreprises ont constaté le désengagement des équipes, une hausse du turnover et expriment le besoin de recréer une dynamique de groupe », décrit-il. Et les « afterwork » explosent : « Nous en avons eu une centaine en septembre contre une dizaine en moyenne mensuelle en 2019. »
Le retour des bouchons
L’envie de retourner voir ses amis, collègues, clients ou fournisseurs a remis les Français dans leur voiture, avec effet immédiat sur les embouteillages. Depuis la mi-septembre, TomTom constate un quart de trafic en plus à Paris par rapport aux mêmes semaines de 2019, avec des pics le week-end. Mais le retour des bouchons serait plutôt bon signe, argue Olivier Chopin, hôtelier à Bordeaux, bizarrement ravi d’être à touche-touche sur la rocade le matin : « C’est l’élément le plus frappant : on a passé dix-huit mois à aller bosser sans qu’il y ait personne sur la route. Et depuis septembre, les embouteillages sont repartis de plus en plus fort – tout comme mon taux d’occupation. » Car plus ça bouchonne sur la route, plus ça bouchonne à l’accueil de ses huit hôtels dans la région bordelaise, a-t-il constaté.
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