En Espagne, l’impossibilité d’un débat serein sur les horaires de travail

En Espagne, l’impossibilité d’un débat serein sur les horaires de travail

La ministre du travail espagnole, Yolanda Diaz, à Madrid (Espagne), le 10 janvier 2024.

« Il n’est pas raisonnable que l’Espagne soit un pays où l’on convoque des réunions à 20 heures. Et ce n’est pas raisonnable, un pays dont les restaurants sont ouverts à une heure du matin. » Yolanda Diaz, la ministre du travail de la gauche radicale, Sumar, a jeté un pavé dans la mare, le 4 mars, en plaidant pour la « rationalisation des horaires » dans une contrée qui vit à un rythme décalé, largement incompréhensible dans le reste de l’Europe.

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« L’Espagne a la meilleure vie nocturne du monde, avec des rues pleines de vie et de liberté. Et ça aussi crée de l’emploi, a immédiatement réagi, sur X, la présidente du gouvernement régional de la Communauté de Madrid, Isabel Diaz Ayuso, figure de la droite du Parti populaire (PP). Ils nous veulent puritains (…). Ennuyés et à la maison. »

En Espagne, on déjeune entre 14 heures et 16 heures, ce qui désespère les touristes et ne manque pas de compliquer les relations professionnelles avec les entreprises du reste de l’Europe. Alors que les Allemands sont depuis longtemps rentrés chez eux, près de 30 % des travailleurs espagnols sont encore au bureau à 19 heures, selon une récente étude commandée par le gouvernement. Et près de 10 % y restent après 21 heures. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles, à la télévision, le prime time ne commence pas avant 22 heures.

Quasi pathologique

A cette heure tardive, les boutiques de vêtements ferment à peine leurs portes à Madrid, où les horaires commerciaux sont libéralisés depuis 2012, et les Espagnols se mettent à table pour dîner. Ils ont le temps : à Barcelone, les restaurants servent, en salle, jusqu’à 2 h 30 du matin. Et les terrasses de Malaga sont ouvertes jusqu’à 2 heures, au grand dam des habitants, qui aimeraient parfois dormir.

Les Espagnols entretiennent un rapport quasi pathologique avec ces horaires décalés, source à la fois d’une certaine fierté, tant ils sont associés à un mode de vie festif, et d’insatisfaction, car ils signifient, pour beaucoup, l’étalement de leurs heures de travail sur de longues journées, entrecoupées de grandes pauses et terminant tardivement. Le débat qu’ils suscitent n’est pas nouveau. Cependant, Yolanda Diaz a décidé de s’y attaquer, avec la même fermeté que lorsqu’elle a mené la dernière réforme du travail, limitant efficacement le recours aux CDD et autres contrats temporaires.

Son objectif, pour commencer, est de réduire le temps de travail, fixé depuis quarante ans à 40 heures par semaine, et de l’abaisser à 37,5 heures hebdomadaires d’ici à 2025, sans réduction de salaire, l’alignant ainsi sur les heures pratiquées dans la fonction publique. Dès cette année, il devrait passer à 38,5 heures par semaine. Alors qu’avancent les négociations avec les syndicats – et avant que le patronat, très réticent sur la mesure, ne formalise son opinion –, Mme Diaz a aussi proposé d’ouvrir « un grand débat social » sur la « rationalisation des temps de travail ». « C’est une folie de continuer à augmenter les horaires (de travail) à l’infini », a-t-elle ajouté.

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LJD

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