En Allemagne, les économistes redoutent surtout la peur de l’inflation
La tendance est nette : 4,5 % d’augmentation (sur un an) en octobre, après 4,1 % en septembre, 3,9 % en août et 2,3 % au mois de juin. Depuis près de six mois, la courbe de l’inflation en Allemagne suit une pente fortement ascendante, qui pourrait atteindre en taux annualisé le seuil des 5 % fin 2021. Au point de raviver une inquiétude solidement ancrée dans la culture nationale : une spirale incontrôlée de hausse des prix, comme lors de l’épisode traumatisant d’hyperinflation qu’a connu le pays en 1923.
Le tabloïd Bild voit la coupable toute désignée en la personne de Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne. Surnommée « Madame inflation » et photographiée en veste Chanel, elle est accusée de poursuivre une politique monétaire expansive en dépit de la progression des prix, alimentant les angoisses de fonte des retraites, de l’épargne et du pouvoir d’achat des citoyens modestes.
Qu’en est-il réellement ? Les économistes insistent sur le fait que cette hausse est d’abord liée à celle de l’énergie et des matières premières, ainsi qu’aux problèmes d’approvisionnement de l’industrie et du commerce, qui devraient s’apaiser tôt ou tard. « L’économie allemande est très mondialisée, c’est la raison pour laquelle les problèmes de logistique nous affectent beaucoup plus qu’en France, par exemple. Là-bas, les chaînes d’approvisionnement sont plus courtes et se déplacent souvent à l’intérieur du pays », explique Timo Wollmershäuser, économiste en chef à l’Institut économique de Munich, interrogé par le magazine Wirtschaftswoche.
« Des effets temporaires »
L’Allemagne subit des problèmes de fourniture de produits intermédiaires comme les composants électroniques, qui touchent de plein fouet les industriels, en particulier dans les entreprises de taille moyenne, forcées d’interrompre leur production par manque des pièces nécessaires. « La situation est invraisemblable, poursuit M. Wollmershäuser. Nous avons des commandes record et, en même temps, un million de salariés au chômage partiel dans l’industrie. La question est de savoir combien de temps cela va durer. »
C’est effectivement la question qui agite le plus les économistes. La plupart estiment que l’évolution des prix devrait se normaliser ces prochains mois. « Les facteurs qui gonflent l’inflation actuellement sont des effets temporaires, mais qui surviennent malheureusement tous en même temps », analyse Kerstin Bernoth, de l’institut DIW, dans une étude parue fin octobre. Elle note que la pression sur les salaires reste pour l’instant modérée en Allemagne.
Il vous reste 49.71% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.