Dominique Méda, sociologue : « Cessons de répéter que les jeunes ne veulent plus travailler »

Dominique Méda, sociologue : « Cessons de répéter que les jeunes ne veulent plus travailler »

L’idée semble largement partagée : les jeunes n’accorderaient plus d’importance au travail, ne voudraient plus travailler, en un mot, seraient des flemmards – témoignant ainsi du déclin de la « valeur travail » dans notre société. Les générations Y et Z seraient dotées de caractéristiques spécifiques, porteuses d’aspirations radicalement différentes de celles des générations précédentes.

La réalité est nettement plus complexe et nuancée, comme l’ont montré les travaux présentés lors des rencontres organisées par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), le 21 novembre.

Ceux-ci ont d’abord permis de rappeler que les critiques envers la jeunesse ne sont pas nouvelles : en 1972, une enquête menée par des chercheurs du Centre d’études de l’emploi et du travail rapportait déjà que les employeurs se plaignaient de ne plus trouver chez cette main-d’œuvre « les qualités d’amour du travail, d’ambition et de sérieux qui, à les en croire, caractérisaient les générations précédentes ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Emploi : les jeunes et les moins qualifiés plus souvent insatisfaits

En 2008, une vaste recherche européenne avait permis de constater l’existence de stéréotypes et de préjugés identiques à l’endroit des jeunes de la part des employeurs et des générations plus anciennes. A presque quarante ans d’intervalle, les deux enquêtes avaient pourtant mis en évidence que les jeunes accordaient plus d’importance au travail que les plus âgés, que leurs attentes étaient similaires – tout comme ces derniers, ils souhaitaient un travail intéressant, une bonne ambiance de travail et bien gagner leur vie –, mais que ces attentes étaient encore plus fortes.

Groupes hétérogènes

C’est toujours le cas aujourd’hui, contrairement à ce qu’affirment les discours soutenant que le Covid-19 aurait provoqué une rupture. En octobre, une enquête Harris Interactive a posé aux moins de 30 ans la question classique des sondeurs lorsqu’il s’agit de rendre compte de l’importance accordée au travail : « Que feriez-vous si vous n’aviez pas besoin d’argent pour vivre ? » 77 % continueraient à travailler. Parmi ceux-ci néanmoins, 28 % changeraient de métier.

Cette réponse invite à s’intéresser aux conditions concrètes d’emploi et d’insertion des jeunes sur le marché du travail, ce que permet de faire la très riche enquête « Génération 2017 » du Centre d’études et de recherches sur les qualifications. Ses résultats, présentés par Dominique Epiphane et Julie Couronné lors des rencontres de l’Injep, ont permis de mettre en évidence un autre élément essentiel : loin d’être une catégorie uniforme, la jeunesse est constituée, au contraire, de groupes très hétérogènes, dont le rapport au travail dépend étroitement des conditions d’emploi.

Il vous reste 60% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.