Devant le tribunal de Saint-Omer, le procès de centaines de milliers d’euros gagnés sur le dos du crédit personnel de formation

Devant le tribunal de Saint-Omer, le procès de centaines de milliers d’euros gagnés sur le dos du crédit personnel de formation

Matériel informatique pour travail à domicile.

« Il existe des start-up qui inventent des technologies incroyables qui leur permettent d’exploser leur chiffre d’affaires en quelques mois. Mais pas dans la formation en bureautique », ironise le procureur de la République, Mehdi Benbouzid, dans son réquisitoire devant le tribunal correctionnel de Saint-Omer (Pas-de-Calais), mardi 21 juin.

Et c’est bien ce qui a attiré les soupçons de la cellule antiblanchiment du ministère des finances, Tracfin : comment Happy-Form, petite société unipersonnelle de formation, lancée début 2020, est-elle parvenue à réaliser plus de 3 millions d’euros de chiffre d’affaires en seulement quelques mois d’existence ?

Assise bien droite sur son banc dans sa veste rouge, Aurore M., créatrice et dirigeante de la société, n’a que peu à voir avec Steve Jobs ou Elon Musk. Cette quadragénaire blonde aux ongles manucurés de rose a pourtant trouvé une martingale, qui lui a permis de se verser en deux ans plus de 300 000 euros de dividendes sur le dos du crédit personnel de formation (CPF). Depuis 2019, cette cotisation versée par les entreprises est à libre disposition du salarié, qui peut librement financer une formation de son choix, via une plateforme gérée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Un principe vertueux, mais qui a ouvert l’appétit des centaines d’escrocs désireux de capter cette manne ; des grands – qui inondent de SMS ou d’appels intempestifs des millions de salariés – aux plus petits.

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Aurore M. fait partie de la seconde catégorie. Elle-même ancienne salariée d’instituts de formation, elle se lance dans l’aventure en créant sa société début 2020. Du fait du confinement, plaide-t-elle, elle choisit une méthode particulière : ses formations aux logiciels de bureautique (Word, Excel, Powerpoint), qu’elle facture plusieurs milliers d’euros à la CDC, sont dispensées sous la forme d’une simple clé USB contenant cours et exercices, envoyée au domicile de ses stagiaires. Coût de revient : 193 euros pour le kit de formation, acheté clés en main auprès d’entreprises spécialisées, plus 6,90 euros pour la clé, résume Me Georges Holleaux, l’avocat de la CDC, partie civile.

« Vous vendez 1 800 euros une formation, mais concrètement, que faites-vous ? Est-ce que vous faites les supports, les cours ? Non, vous donnez une clé USB », fustige le procureur.

La cheffe d’entreprise peine à répondre. Tout comme elle a le plus grand mal à justifier l’autre recette qui a assuré le succès de sa petite entreprise auprès des salariés. En échange de la souscription à l’une de ses formations, ils reçoivent des cadeaux : ordinateurs, tablettes, smartphones… « Je voulais mettre à leur disposition un support de formation », tente-t-elle, expliquant que, crise sanitaire aidant, elle a du mal à se procurer ce matériel informatique.

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LJD

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