Deliveroo dans le viseur de la justice belge
Le débat sur le statut des livreurs de repas à vélo a connu un nouveau rebondissement, en Belgique cette fois, qui ne plaît guère à Deliveroo. Après deux années d’enquête, l’auditorat du travail de Bruxelles (l’équivalent d’un parquet spécialisé en droit pénal social) estime que les livreurs de Deliveroo, qui ont le statut d’indépendant ou sont sous le régime des « revenus complémentaires non imposés » (sans impôt ni cotisations sociales), sont en réalité des salariés déguisés. « Ce qui implique un certain nombre d’obligations de la part de Deliveroo, notamment les déclarer à l’ONSS [Office national de la sécurité sociale] et payer des cotisations sociales », a indiqué à l’AFP Fabrizio Antioco, premier substitut à l’auditorat, qui a donc décidé de poursuivre la filiale belge devant le tribunal du travail.
Une première audience a eu lieu le 20 janvier, mais les plaidoiries ne débuteront qu’en octobre 2021. « Ce qu’on reproche à Deliveroo, c’est de ne pas avoir respecté ses obligations en droit social », a poursuivi M. Antioco.
Le statut d’indépendant des livreurs de repas à vélo est contesté dans de nombreux pays, et plusieurs décisions de justice ont déjà été rendues en défaveur de Deliveroo. Ainsi en juillet 2019, un tribunal de Madrid a estimé qu’environ 500 livreurs ayant travaillé pour Deliveroo dans la capitale espagnole étaient « soumis à une relation de travail » et qu’ils auraient dû être déclarés comme salariés. La sécurité sociale espagnole réclamait 1,2 million d’euros de cotisations non payées. Aux Pays-Bas, Deliveroo a été condamnée en 2019 à requalifier en contrats de travail les contrats de prestation de service de 2 000 livreurs.
3 500 livreurs « actifs »
En France, l’inspection du travail a commencé une vaste enquête en 2017, qui a donné lieu à un procès-verbal notamment pour travail dissimulé en 2018. Le dossier est entre les mains de l’Office central de lutte contre le travail illégal.
En Belgique, Deliveroo revendique 3 500 livreurs « actifs » sur sa plate-forme. Le syndicat belge Confédération des syndicats chrétiens (CSC) a appelé les livreurs de Deliveroo, anciens ou actuels, à engager une intervention volontaire dans ce procès pour faire valoir leurs propres droits et pour que la décision ne soit pas que symbolique. Interrogé dans le quotidien Le Soir, Pierre Verdier, patron de Deliveroo Belgique, a prévenu qu’en cas de décision allant « dans le mauvais sens », la plate-forme pourrait ne couvrir « plus que 2 % » du territoire belge contre 30 % aujourd’hui.
« C’est un chantage à l’emploi pas propre, alors que Deliveroo sait depuis le début qu’elle n’est pas dans les clous », réagit Jérôme Pimot, cofondateur du Collectif des livreurs autonomes de Paris. S’il se félicite de l’action de la justice belge, il précise cependant que son « combat, ce n’est pas d’obtenir la reconnaissance du salariat mais qu’on arrête de dire que les livreurs sont indépendants alors qu’ils ne le sont pas ». En particulier, ils ne fixent pas eux-mêmes leurs tarifs de livraison. C’est Deliveroo qui le fait. Elle les a d’ailleurs modifiés en août 2019, ce qui a entraîné une baisse de revenus pour bon nombre de livreurs.