David Spector, économiste : « Pour rendre acceptable le recul de l’âge de départ à la retraite, rémunérons mieux le travail »

Le constat a été maintes fois formulé : l’envolée de la dette publique et le décrochage de l’économie française au cours du dernier quart de siècle – l’écart de produit intérieur brut (PIB) par habitant avec l’Allemagne est passé de 7 % à 21 % – s’expliquent largement par la divergence des taux d’emploi – il est aujourd’hui plus élevé en Allemagne de 8,5 points. De nombreux commentateurs ou dirigeants politiques déplorent que « les Français ne veulent pas travailler plus », une conclusion pourtant discutable.
Certaines mesures peuvent augmenter la quantité de travail sans coûter un centime, comme un plus grand recours aux dispositifs de retraite progressive ou la facilitation du cumul emploi-retraite. Mais il faut aussi que le travail paye. Contrairement à une idée reçue, il n’est pas démontré que les Français ne veulent pas travailler : il serait plus juste de dire qu’ils ne veulent pas travailler pour rien.
Aujourd’hui, les prélèvements fiscaux et sociaux sur le travail sont exorbitants : pour un salarié qui gagne le salaire moyen et vit avec un conjoint inactif et deux enfants, le « coin fiscalo-social » – l’écart entre le coût pour l’employeur et ce qui reste au salarié après cotisations et impôts – est plus élevé que dans tous les autres Etats membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – 39,1 % en 2024, contre 25,7 % en moyenne.
Le retour de la corvée prévu dans le « plan Bayrou » – la suppression de deux jours fériés sans rémunération supplémentaire, et dont l’Etat aurait été le principal bénéficiaire – revenait à alourdir encore ce prélèvement. Faut-il s’étonner de l’hostilité qui a accueilli cette proposition ? Les salariés n’ont pas réservé un meilleur accueil à une réforme des retraites qui dégradait le taux de rendement déjà presque nul de leurs cotisations, sans introduire une dose de capitalisation pour améliorer ce rendement, ni augmenter les salaires, ni demander le moindre effort aux retraités actuels.
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