« Dans l’OCDE, en dix ans, un quart des créations d’emplois l’ont été dans le numérique »
Entretien. Pour Stefano Scarpetta, responsable de la direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales à l’OCDE, la crise liée au Covid-19 va donner une accélération à la transition digitale.
En France, le volume d’offres d’emploi est reparti à la hausse depuis le mois de mai. En septembre, les campagnes de recrutements sont relancées. Comment réagissent les autres pays de l’OCDE ?
Certaines évolutions françaises sont partagées en Europe. A très court terme, les entreprises avaient interrompu leurs recrutements. Elles les reprennent, surtout aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, où le taux de chômage a grimpé beaucoup plus haut qu’en France et où il n’y avait pas de chômage partiel.
Les Etats-Unis ont utilisé un dispositif de « licenciement temporaire », qui permet de licencier un salarié avec promesse d’embauche si l’activité repart dans les six mois. La moitié de ces « licenciements temporaires » ont été réembauchés. Et le taux de chômage, qui avait atteint 14,7 % en avril, contre 3,5 % en février, est redescendu à 8,4 % en août. Il n’y a pas un pays dans lequel les embauches n’ont pas baissé, mais ce qui a fait la différence, c’est l’ampleur de l’ajustement pendant le confinement.
En Europe, comment évoluent les embauches par secteur ?
A très court terme, le rebond est similaire d’un pays européen à l’autre. On est dans la première phase de reprise économique des activités qui s’étaient totalement arrêtées. Dans certains secteurs, les embauches sont reparties très vite et très fort : la finance, l’agriculture, les services et même, dans certains cas, l’industrie manufacturière. L’emploi dans la culture, en revanche, est toujours gelé. Dans l’informatique, où les embauches avaient moins baissé que dans d’autres secteurs, la reprise est peu spectaculaire. Mais, à moyen terme, les entreprises qui ont du potentiel vont reprendre les recrutements.
Quelles traces le Covid laissera-t-il sur le marché de l’emploi ?
Pour le moment il est difficile d’identifier des évolutions sociétales majeures car il y a beaucoup trop d’incertitudes. Mais comme toute crise, celle du Covid amène une transition économique et structurelle plus rapide. En dix ans, un quart des créations d’emplois l’ont été dans le numérique dans les pays de l’OCDE. Cette crise va donner une accélération à la transition digitale.
Les entreprises avaient sous-estimé les opportunités du télétravail, qui a été beaucoup plus utilisé que prévu, en Europe comme aux Etats-Unis. Cela pourrait avoir des conséquences à moyen terme sur le recrutement. Mais, le télétravail généralisé n’a pas profité à tout le monde. Les mieux rémunérés avaient 50 % de plus de probabilité de travailler chez eux que les moins rémunérés ; en revanche, ces derniers avaient une probabilité double de s’arrêter de travailler. Certains, peu qualifiés, ont simplement perdu leur travail. Une de nos préconisations est d’utiliser les aides à l’embauche, les encouragements fiscaux pour les jeunes et la formation pour les moins qualifiés, car ils ne vont pas retrouver le job qu’ils ont perdu. La France, sur ce point, est un bon exemple. Lors de la crise financière en 2009, les aides pour les jeunes étaient intervenues un peu tard : le problème était devenu structurel.
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