Covid-19 : un numéro vert pour patrons en détresse
Le jour ne s’est pas complètement levé. Canards et oies s’éveillent dans le jardin, quand Eric Doazan, psychologue, s’installe dans son cabinet, à Vulaines-sur-Seine (Seine-et-Marne). Il est bientôt 8 heures, et le thérapeute s’apprête à prendre sa permanence dans le cadre de la cellule d’écoute et de soutien psychologique pour les chefs d’entreprise en détresse, mise en place par Bercy.
Une demi-heure plus tard, un homme appelle, car il a besoin d’« un peu vider [son] sac ». Ce jeune patron qui s’est lourdement endetté pour ouvrir, à l’été 2020, un magasin où travaillent plusieurs salariés, ne parvient plus à payer les cotisations Urssaf et explique ne pas avoir droit aux aides gouvernementales. Il travaille sept jours sur sept, ne dort plus et n’ose raconter ses problèmes à son entourage. « Je suis un peu paumé dans ma vie, et je n’en vois pas le bout », lâche-t-il.
M. Doazan lui propose d’être rappelé dans la journée par un confrère de son département, avec lequel il pourra bénéficier de trois consultations gratuites. L’homme accepte, avant de raccrocher. La conversation a duré une dizaine de minutes. Parfois, il est nécessaire de prendre plus de temps. Comme ce jour où, à l’autre bout du fil, une dame lui explique avoir tout préparé pour se suicider. Elle refuse de lui donner son adresse, mais accepte de ne rien tenter avant d’être de nouveau contactée. « Mon rôle, c’est de comprendre les besoins de la personne, là où elle en est », explique le psychologue.
Ce sont surtout des autoentrepreneurs, des artisans, souvent avec un ou deux salariés, qui composent le numéro vert de la cellule d’écoute et, « en ce moment, beaucoup de restaurateurs », précise-t-il. Accessible du lundi au dimanche, de 8 heures à 20 heures, le 08 05 65 50 50 a été mis en place en avril 2020, vers la fin du premier confinement. Pour le gérer, le ministère de l’économie a fait appel à l’association Apesa (Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë).
« Parfois, on sauve aussi des vies »
Créé en 2013, ce réseau est né d’un besoin : ne pas laisser un chef d’entreprise seul face à des idées noires. « Dans la boîte à outils existante, il n’y avait rien pour prendre en charge cette réalité humaine, explique Marc Binnié, cofondateur de l’association et greffier au tribunal de commerce de Saintes (Charente-Maritime). Face à nous, on a des chefs d’entreprise qui sont ruinés financièrement et moralement. Rester les bras croisés, c’est de la non-assistance à personne en danger. »
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