Covid-19, un an après : « Il faut construire un néosyndicalisme pour les travailleurs de plate-forme »
Tribune. Ils travaillent souvent dans des conditions difficiles, voire dangereuses, et cela pour des salaires de misère (500 euros par mois pour 250 000 d’entre eux). Ils ne bénéficient d’aucune couverture sociale, donc pas de droit à des congés à de la formation, à des points de retraite. Des sans-papiers ? Non, des sans-statut. Ils sont environ 1,3 million en France : livreurs de repas, chauffeurs ubérisés, travailleurs à domicile réalisant des microtâches sur leur ordinateur, de plus en plus nombreux à l’heure du couvre-feu et du télétravail.
Tous, néanmoins, ont un point commun : ils ne peuvent avoir du travail que apr le biais d’une plate-forme. Là aussi, le numérique a transformé les relations du travail. Grâce à la plate-forme, plus aucun lien entre une entreprise qui a ponctuellement un besoin et un demandeur de travail. L’entreprise s’affranchit ainsi des contraintes contractuelles : pas de salariés, donc pas de charges ni contraintes juridiques, pas de problème de recrutement, de formation, de licenciement. C’est la plate-forme qui fixe au travailleur les plages de disponibilité, les critères d’efficacité, de qualité de la prestation. Les optimistes y voient le retour à la liberté de l’artisan. Le coursier répond aux missions qui lui conviennent. Pas de contrat de travail, donc pas de lien de subordination. La liberté oui, mais aussi la précarité. Le coursier qui se retrouve à l’hôpital, jambe cassée, immobilisé pour deux mois, de quelles ressources dispose-t-il ?
Dans tous les pays, le législateur s’efforce de clarifier la situation de ces nouveaux travailleurs. En France, à l’occasion de la loi d’orientation des mobilités, l’Etat s’en est mollement préoccupé. La justice constitue-t-elle une voie de recours ? Des actions sont intentées. Les dossiers se révèlent complexes pour obtenir une requalification en contrat de travail. Aucune action de groupe n’a pour l’instant vu le jour.
Sans doute pour prévenir une loi plus contraignante, certaines plates-formes tentent d’améliorer la situation, soit en prenant en charge une partie des frais d’entretien des vélos de leurs coursiers, soit, comme Deliveroo, en mettant en place une couverture maladie. Just Eat France vient de secouer le monde des plates-formes en créant un réseau de livreurs salariés, en CDI de surcroît. Quelque 350 coursiers en bénéficient à Paris. La formule pourrait s’étendre aux grandes villes de France, avec 4 500 recrutements possibles. En contrepartie, quelques exigences, comme une tenue et un comportement corrects, l’image du restaurant qui fait livrer étant en jeu.
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