Coronavirus : les syndicats d’Amazon continuent de demander l’interruption du travail
Deux semaines après l’annonce des premières mesures de confinement par Emmanuel Macron, les syndicats d’Amazon continuent de revendiquer l’arrêt du travail. « Amazon continue de privilégier ses ventes au détriment de la santé des ses employés. Chaque jour, il y a des milliers de contacts entre employés dans les entrepôts, c’est incohérent avec le fait de demander au reste des salariés de rester chez eux pour éviter la propagation du coronavirus », estime Julien Vincent, délégué central CFDT.
Signe de l’inquiétude, le taux d’absentéisme total atteindrait « autour de 50 % » dans la branche logistique d’Amazon, selon M. Vincent. Ce chiffre cumule les droits de retrait − que l’entreprise ne veut pas payer −, les congés, les congés sans solde et les maladies. Selon Alain Jeault, délégué central de la CGT, la direction a, elle, évoqué le taux de 30 % lors du comité d’entreprise extraordinaire de ce jeudi 26 mars. Contactée, la branche logistique d’Amazon estime ce chiffre trop élevé. L’entreprise objecte notamment que ces totaux intègrent des absences liées aux congés accordés aux parents d’enfants sans mode de garde. L’absentéisme total avoisinerait plutôt les 20 %, selon la direction.
Collègues en quarantaine
L’intersyndicale continue d’estimer les mesures de sécurité insuffisantes : « Manque de gel hydroalcoolique, pas de masques, pas de gants », liste Tatiana Campagne, élue SUD-Solidaires du site de Lauwin-Planque (Nord). Venir au travail chez Amazon implique aussi des contacts dans les transports en commun et il n’y a pas de contrôle de température, ajoute Jean-François Bérot, élu SUD-Solidaires du site de Saran, cité par La République du Centre. Dans cet entrepôt du Loiret, un employé a été diagnostiqué positif au coronavirus ce lundi et 32 collègues ont été envoyés en quarantaine pour avoir été à son contact.
Amazon a renforcé progressivement sur ses sites les mesures pour tenter de faire respecter l’hygiène et la distanciation sociale entre salariés. « Avec une distance minimum de deux mètres, nous sommes mieux-disants par rapport aux recommandations des autorités », soutient la direction. Le gel hydroalcoolique est disponible sur les sites, selon l’entreprise. Quant au port de masques et de gants, « ce n’est pas une recommandation » des autorités.
« En tout cas, certains deviennent plus radicaux : on voit des profils qui faisaient du zèle se mettre à haïr l’entreprise. » Julien Vincent, délégué central CFDT
Les syndicats ont un nouvel angle d’attaque : selon eux, Amazon a menti en assurant ne distribuer que des « produits essentiels » pour répondre à la crise due au coronavirus. L’entreprise a annoncé, le 18 mars, se concentrer sur les produits pour la maison, alimentaires, médicaux, de soins de beauté… Or, Amazon livre aujourd’hui des transats, ironise une salariée du site de Boves, près d’Amiens, dans une photo partagée sur un groupe Facebook.
« On voit des ballons de foot, des consoles de jeu vidéo, de l’engrais pour gazon… et pas plus de riz ou de pâtes qu’avant », renchérit M. Vincent, qui a écrit au cabinet du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, pour l’alerter. De fait, sur Amazon.fr, tout semble disponible, de la robe à l’appareil photo. Certes avec des délais de livraison rallongés. Ces derniers sont en moyenne plus longs pour les produits non prioritaires, assure la direction. Selon cette dernière, la politique de restriction est bien réelle et devrait être « de plus en plus visible ». « Nous sommes les seuls à avoir pris ce genre de décision », ajoute-t-on.
Dans ce conflit, Amazon peut se prévaloir d’une forme de soutien du gouvernement. Interrogée mercredi 25 mars à propos d’Amazon sur Europe 1, Muriel Pénicaud, la ministre du travail, a d’ailleurs répondu : « De ce que je sais, maintenant, les conditions de sécurité sont là. » Tout en demandant le respect du « dialogue social ».
Face à la fermeté d’Amazon, les salariés ne se découragent-ils pas ? « En tout cas, certains deviennent plus radicaux : on voit des profils qui faisaient du zèle se mettre à haïr l’entreprise », selon M. Vincent. « Nous n’allons pas lâcher le morceau, dit M. Jeault. Nous étudions avec les syndicats des recours judiciaires. Aux prud’hommes, pour faire payer les jours de droit de retrait. Et aussi au pénal, pour mise en danger de la vie d’autrui. »