Coronavirus: les précaires en première ligne, avec une protection sociale très variable d’un pays à l’autre
Comme beaucoup de travailleurs indépendants, Julien Bonzom a vu son agenda professionnel chamboulé. Confiné avec sa famille dans un trois pièces de 70 m² dans le centre de Toulouse, ce graphiste et directeur artistique indépendant a réduit de moitié son temps de travail. Le freelance consacre désormais ses matinées à s’occuper de sa petite fille. Et s’interroge sur son avenir professionnel, bien incertain. « Pour l’instant j’ai encore des chantiers, mais dans deux semaines ça risque d’être difficile, s’inquiète-t-il. En plus, on se demande quand on va être payés. J’ai même regardé s’il y avait des postes à pourvoir afin de retourner dans le salariat ».
Alors que des pans entiers de l’activité économique se retrouvent à l’arrêt, indépendants et travailleurs en contrat à durée déterminée se retrouvent sur un siège éjectable. Factures non honorées, non-renouvellement de contrats… En temps de crise, les entreprises sacrifient d’abord leurs collaborateurs non permanents. « On estime à 75% le taux d’intérimaires qui se retrouvent aujourd’hui en intermission », alerte Mathieu Maréchal, délégué FO.
Une étude de l’OCDE publiée le 20 mars s’est penchée sur la vulnérabilité de ces travailleurs au chômage forcé, variable selon les pays européens. Les indépendants, les CDD et les actifs à temps partiel ont 40 à 50% de chances de moins d’être couverts par des mécanismes de protection sociale que les autres catégories de salariés dans les pays baltes et ceux d’Europe centrale (République tchèque et Slovaquie), de même qu’au Portugal. En Europe du Sud (Italie, Espagne, Grèce et Slovénie), ils bénéficient d’une couverture, mais beaucoup moins étendue que les travailleurs standards.
En comparaison, les travailleurs de l’Hexagone sont relativement bien lotis : selon l’étude de l’OCDE, la France est l’un des pays où les salariés « non standard » et les indépendants sont les mieux protégés quand ils perdent leur emploi, aux côtés du Luxembourg, de la Belgique ou encore de l’Espagne. L’étude se base sur des estimations datant de 2014-15 et exclut l’Allemagne, la Hollande et les pays de l’Europe du Nord, par manque de données.
Mais en France comme ailleurs, le niveau de protection sociale dépend du temps travaillé et des revenus. C’est le cas pour la retraite, le chômage, ou encore l’assurance-maladie. « Comme de nombreux pays établissent des seuils d’éligibilité pour accéder à la sécurité sociale – nombre d’heures minimales par semaine, minimum de revenus, ancienneté minimale dans l’emploi occupé – de nombreuses personnes se retrouvent sans protection suffisante, ce qui les rend vulnérables », souligne sur son blog Janine Berg, économiste principale à l’OIT.