Coronavirus : « Le gouvernement ne se rend pas compte de l’exposition des ménages modestes à la crise »
Tribune. La France bénéficie d’un atout sérieux pour faire en sorte que la crise sanitaire et économique qui commence ne soit pas immédiatement amplifiée par une crise sociale majeure. Une partie significative du revenu des ménages (retraite, chômage, congé maladie, allocations familiales, RSA…) n’est pas strictement dépendante des soubresauts de l’économie. De plus, dès les premières heures de la crise, le gouvernement a annoncé des mesures volontaristes qui devraient permettre, à court terme, de protéger une grande partie du revenu d’une large fraction des salariés du privé en emploi stable. Les traitements des agents publics fonctionnaires ou sous contrat sont également maintenus. Ces mesures, si et seulement si elles sont correctement et rapidement mises en œuvre, pourraient protéger les revenus d’un grand nombre de ménages.
Mais pas tous, loin de là. Car le gouvernement qui, à juste titre, fait la liste des risques économiques par secteur (spectacle, commerce, agriculture, librairie…) et des réponses qui pourraient y être apportées, ignore jusqu’ici des segments entiers de la population, particulièrement exposés aux conséquences immédiates de la crise.
En premier lieu, les ménages les plus modestes, allocataires de minima sociaux et en particulier du RSA. Ces minima sociaux sont fixés à des montants trop faibles pour vivre (par exemple 841 € de RSA pour un couple avec enfant), dans le but de ne pas « désinciter » au travail. Ils sont articulés à des dispositifs comme la « prime d’activité » dont le montant augmente en fonction du nombre d’heures travaillées dans le mois. En temps normal, ces montants très faibles conduisent les « bénéficiaires » à un travail quotidien intense pour trouver des ressources, sous forme de travail informel, d’échange de services, ou de quelques heures d’intérim ou de CDD.
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Cette économie, déjà difficile en temps ordinaire, est incompatible avec le confinement. De plus, la fermeture des cantines scolaires et des marchés augmente la facture alimentaire. Les ménages concernés (1,8 million de foyers au RSA en 2019) vont voir s’aggraver leurs difficultés financières pour s’approvisionner, payer leur loyer, se soigner, et rester confinés dans des logements inadaptés à la situation.
En second lieu, il y a tous les ménages qui ne sont pas ou mal couverts par la protection sociale. Un chômeur sur deux n’a pas assez de « droits » pour être indemnisé. C’est notamment le cas des autoentrepreneurs, dont le nombre a considérablement augmenté dans la dernière décennie, qui ne sont quasiment pas couverts. Parmi ceux-ci, les jeunes de moins de 25 ans n’ont même pas accès au RSA. Côté emploi, il y a toutes celles et ceux dont les emplois ne sont pas protégés par les mesures de chômage partiel : les intérimaires, les personnes en fin de CDD, les intermittents ou encore les pigistes, ont déjà très massivement perdu leur emploi. Leurs revenus risquent de décrocher fortement.