Conquête spatiale : « Un programme est couronné de succès si la triade coût, calendrier et performance a la même priorité »
Tribune. L’Agence américaine de l’aéronautique et de l’espace (NASA) a de nouveau fait des prouesses, avec Perseverance qui a atterri comme une fleur sur Mars. Elle a aussi renoué avec les ambitions de la conquête de la Lune en 1969 en voulant y installer une présence permanente autour de (et peut-être sur) la Lune, sans parler de Mars.
Mais entre perfectionner ce qu’elle a déjà accompli (des sondes vers Mars) et l’inconnu d’une présence sur la Lune et d’un voyage habité vers Mars, il y a une différence. La NASA d’aujourd’hui n’est plus celle de 1969. Là, elle faisait tout elle-même avec ses programmes Mercury ou Apollo.
Sécurité et succès
Qui oserait encore ne rien sous-traiter aujourd’hui ? Eh bien même plus la NASA ! Elle demande déjà à un Boeing ou un SpaceX de prendre son relais pour des vols habités vers la Station spatiale internationale (SSI), après une dépendance peu glorieuse aux Russes. Elle compte aussi recourir au privé pour Mars et la Lune.
Si même la NASA sous-traite, ce qui n’a jamais été fait auparavant sauf par elle, pourquoi les entreprises se priveraient-elles ? C’est justement l’objet du rapport du conseil consultatif de la NASA pour les questions de sécurité (« Nasa’s Aerospace Safety Advisory Panel Releases 2020. Annual Report »). La NASA dans son flirt avec l’impossible se dépare de ses atours.
C’est l’éternelle question du « make or buy » (« faire ou acheter ») avec un avantage au « acheter », mais l’objectif du conseil consultatif n’est pas la rentabilité de l’un ou l’autre, mais, plus subtilement, la sécurité et le succès rapide de missions jamais tentées auparavant.
Avec Mercury, Apollo ou Skylab, la NASA formulait les missions, définissait les spécifications pour les équipements au sol et en vol et s’occupait de la réception et de la validation de tous les équipements fabriqués par l’industrie. C’est encore la NASA qui jouait le rôle d’intégrateur et qui prenait la responsabilité totale, lancement et mission compris. Avec la navette spatiale, la NASA accepta de déléguer un peu plus les développements et les tests aux sous-traitants principaux, mais l’agence restait fortement engagée à travers ses experts les plus seniors.
Zone de risque
En 2006, la NASA franchit une étape supplémentaire avec son programme Commercial Crew & Cargo Program (CCP), pour reprendre des vols habités et alimenter la station SSI. Il ne s’agissait plus que de donner des exigences de haut niveau sur la performance, la sécurité et les interfaces pour que tout ce qu’elle commande puisse s’interconnecter et s’intégrer. Cela donne aux contractants la liberté d’innover sur la conception, le développement et la fabrication. Pour la partie « cargo », force est de reconnaître que cela marche plutôt bien mais l’expertise était déjà là, tant à la NASA que dans l’industrie.
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