« Chief Bullshit Officer », de Fix : de l’art de rire d’une entreprise sans âme

« Chief Bullshit Officer », de Fix : de l’art de rire d’une entreprise sans âme

Livre. Monsieur le directeur n’a ni nom ni prénom. En revanche, il a parfois des intuitions. Et toute une armée de collaborateurs qui s’exécutent pour les mettre en application, sans réellement s’interroger sur leur viabilité. « Nous devons devenir une entreprise numérique et disruptive, assène-t-il un jour à Léonce, manageur fatigué et responsable informatique. Nous devons devenir une “licorne” ! »

Se transformer en « licorne », ces start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars ? Léonce, comme les autres salariés, s’exécute. Il porte désormais une corne en carton au milieu du front. Un code qui permettra aux « esprits éclairés qui œuvrent à transformer [le] groupe » de se reconnaître dans les couloirs. Quant aux autres, ils seront considérés comme terriblement « XXe siècle ».

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Bienvenue dans l’entreprise vue par François-Xavier Chenevat, alias Fix, dessinateur au crayon aiguisé et ancien consultant. A travers sa bande dessinée Chief bullshit officer (Diateino), il nous entraîne dans les aventures d’un bestiaire de bureau, entre un DRH froid, l’ambitieux adjoint du responsable informatique et une armée de jeunes recrues qui s’adaptent tant bien que mal au monde professionnel.

Au temps du Covid-19

L’auteur dépeint une organisation où le cynisme côtoie l’absurde, où l’incantation fleure bon l’hypocrisie. Le trait est forcé, évidemment, la part belle étant donnée à la caricature. Mais derrière les situations prêtant à rire, de réelles déviances des organisations sont mises au jour. A commencer par cette capacité à user et abuser d’un vocabulaire prétendument inspiré, consécration de l’entre-soi.

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On veut « monétiser une user experience », évoquer la « scalability de l’agilité », assister à un « informal meeting ». On disrupte aussi, bien sûr. Mais tout cela en « mode agile », et avec « bienveillance ». Les lieux communs du management, récités sans conviction, sont également pointés et tournés en dérision. « Lambert, je vous délègue ce dossier absolument crucial, explique Léonce à un membre de son équipe. Soit nous réussissons ensemble, soit vous échouez seul. » Un autre jour, le même Léonce assure à son collaborateur : « Mais bien sûr que notre entreprise encourage le télétravail. » Avant d’ajouter : « Veillez simplement à bien garder votre bracelet électronique. »

Le travail à distance est d’ailleurs largement évoqué, dans des planches consacrées à la pandémie de Covid-19, ce temps où les salariés se sont mis à rêver d’une « discussion à la machine à café », des « jérémiades des collègues » et de la « cantine douteuse ».

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LJD

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