Chez Sanofi, le grand malaise des chercheurs

Ce matin de l’été 2012, Renaud M. (qui n’a pas souhaité donner son nom) est en plein déménagement, lorsqu’il entend à la radio que son employeur, le groupe pharmaceutique Sanofi, a l’intention de se désengager du site de Toulouse, où il doit prendre un poste à la rentrée. « Comme mon activité à Strasbourg allait être interrompue, on m’avait orienté vers une autre spécialité, installée à Toulouse, se rappelle le chercheur. Pendant un an, j’ai suivi un master à la fac de Toulouse la semaine, je retrouvais ma femme et mes enfants à Strasbourg le week-end… Tout cela pour apprendre par hasard que le centre censé m’accueillir allait fermer ! » La famille reste un an et demi dans le Sud-Ouest, puis regagne Strasbourg, où Renaud M. est de nouveau invité à changer d’activité.
Rebelote en 2019, quand la direction demande à la cinquantaine de collaborateurs de recentrer leurs recherches sur l’immuno-oncologie. Il faut s’adapter, encore.
Et voilà qu’en juin 2020, le groupe annonce que dans le cadre d’un plan de restructuration global, dont un volet porte sur la recherche et développement (R&D), le projet « Evolve », il entend se séparer du site alsacien pour favoriser la « colocalisation » des équipes − les Strasbourgeois qui le souhaitent seront transférés sur le site de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), où le maintien de leur poste est garanti. « Cela a été un choc », se souvient Renaud M., qui préfère « attendre de connaître le nom du repreneur avant de choisir entre déménager en région parisienne ou quitter Sanofi ».
Lassitude, stress
Des parcours mouvementés comme celui-ci, la R&D de Sanofi n’en manque pas. Il y a cette cadre de laboratoire, « toujours au mauvais endroit au mauvais moment », qui a été affectée sur trois bassins d’emploi différents en dix ans. Ce biochimiste contraint de se reconvertir dans la formation, et qui travaille aujourd’hui à 700 km de sa famille.
Pour rester chez Sanofi, les chercheurs doivent être « acteurs de leur mobilité », aiment à dire les ressources humaines, se réinventer au gré des changements de directeurs généraux (quatre depuis 2008), des revirements de stratégie et des plans de restructuration (cinq depuis 2009, rien que pour la R&D), dont la seule constante semble être la réduction des effectifs, divisés par deux en France en treize ans (d’environ 7 000 collaborateurs en R&D répartis sur douze sites en 2008, à 3 800 sur quatre sites à l’issue du plan en cours).
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