Les syndicats croisent le fer avec le président du Conseil d’orientation des retraites

Lors d’une manifestation contre la réforme des retraites, à Paris, le 5 juin 2025.

Copie à revoir. C’est ce que les syndicats vont réclamer, jeudi 12 juin, lorsque le Conseil d’orientation des retraites (COR) débattra de son rapport annuel avant que celui-ci ne soit rendu public, le même jour. La version quasi définitive du document, qui a été récemment transmise en amont de la réunion, est critiquée par les organisations de salariés, car elle tend à suggérer que le report de l’âge légal d’ouverture des droits à une pension est la meilleure voie pour garantir l’équilibre financier de notre système par répartition. Une fois de plus, l’instance de réflexion pénètre dans des eaux agitées en raison d’une querelle opposant son président, l’économiste Gilbert Cette, aux représentants des travailleurs.

La polémique a commencé à poindre peu après que le COR a envoyé, vendredi 6 juin, son projet de rapport annuel aux membres de l’institution – dont font partie les syndicats. Le document examine les mesures permettant de résorber le déficit des régimes, pris dans leur globalité : revaloriser les retraites à un niveau inférieur à celui de l’inflation, augmenter les cotisations vieillesse des salariés, majorer celles qui sont payées par les employeurs, reporter l’âge légal de départ, comme dans la réforme de 2023, qui a décalé ce paramètre de 62 à 64 ans.

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Le Conseil d’orientation des retraites suggère un recul de l’âge de départ

Lors d’une manifestation pour, notamment, la revalorisation des pensions de retraites, à Paris, le 20 mars 2025.

Le Conseil d’orientation des retraites (COR) vient d’ajouter une petite pointe de piment dans le débat déjà très épicé sur notre système de pensions. Vendredi 6 juin, cette instance, présidée par l’économiste Gilbert Cette, a diffusé à l’ensemble de ses membres une version quasi définitive de son rapport annuel. Le contenu du document, qui doit encore donner lieu à une discussion, le 12 juin, avant d’être approuvé et officiellement rendu public, penche implicitement en faveur d’une option pour assurer l’équilibre financier des régimes : le recul de l’âge légal de départ. Critiquée par plusieurs syndicats, cette contribution intervient alors que les partenaires sociaux se trouvent dans l’ultime ligne droite d’une difficile négociation sur le sujet.

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D’après le COR, notre système par répartition devrait être déficitaire en 2030 à hauteur de 6,6 milliards d’euros, soit 0,2 point de produit intérieur brut (PIB). Ce solde négatif pourrait ensuite se dégrader plus encore, représentant un montant égal à 1,4 point de PIB en 2070.

Pour combler le trou, le rapport examine les « leviers mobilisables » : revaloriser les pensions à un rythme moins rapide que l’inflation, accroître les « contributions » vieillesse payées par les salariés, relever les cotisations des employeurs, repousser l’âge d’ouverture des droits à la retraite (comme dans la loi de 2023 qui l’a fait passer de 62 à 64 ans).

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« Mon père a tout donné à sa carrière. Il a fini par faire un gros burn-out et une dépression » : comment des jeunes ont construit leur rapport au travail en fonction de celui des parents

Mathéo n’a pas encore mis les pieds dans un bureau qu’il est déjà désenchanté du travail. Adolescent, il observe sa mère rentrer du boulot, année après année, toujours plus accablée. « Elle a été pendant plus de vingt ans à La Poste. Elle a toujours travaillé très dur pour pouvoir évoluer, partant sans qualification. Mais elle a vu son travail perdre son sens », raconte le jeune homme (qui a demandé à garder l’anonymat), aujourd’hui âgé de 25 ans et résidant en Bretagne. Dans un contexte de rationalisation des services publics, elle subit « des changements de postes forcés, des objectifs chiffrés inatteignables, des tensions grandissantes avec la clientèle », relate Mathéo, qui a vu ces difficultés peser sur le moral de sa mère.

De ce premier aperçu, lui est restée la solide conviction que le « monde du travail est un piège, résume-t-il. J’ai bien constaté que les efforts qu’on peut faire, comme salarié, se heurtent à des murs ». A l’heure où Mathéo fait désormais son entrée sur le marché de l’emploi, après des études en médiation culturelle, il peine à se projeter dans un horizon professionnel serein. « Surtout que j’ai déjà l’impression de subir. J’ai enchaîné les stages et j’ai encore dû me contenter d’un contrat ultraprécaire, en service civique. Quand je pense à l’avenir, c’est l’incertitude », témoigne-t-il. Pour lui, pas de doute : il est plus raisonnable de « trouver du sens ailleurs que dans la vie professionnelle ».

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Papeterie Chapelle-Darblay : le projet de relance obtient le soutien de l’Etat, « étape-clé » dans un dossier industriel à rebondissements

L’usine de Chapelle-Darblay, à Grand-Couronne (Seine-maritime), le 22 septembre 2022.

La route est encore longue jusqu’à la reprise de l’activité de la papeterie Chapelle-Darblay à Grand-Couronne (Seine-Maritime), mais ses soutiens veulent croire qu’une « étape-clé » vient enfin d’être franchie. Après des mois de lobbying de la CGT et des collectivités locales, et un ultimatum de l’industriel Fibre Excellence menaçant de jeter l’éponge d’ici au mardi 10 juin, l’Etat s’est finalement engagé par écrit à soutenir financièrement ce projet emblématique à plus d’un titre, lors d’une énième réunion à Bercy, vendredi 6 juin.

Une « magnifique victoire », preuve que « la lutte syndicale paie », a salué la CGT dans un communiqué, rappelant « le temps qu’il aura fallu pour éviter la destruction de ce fleuron industriel » : « 2 096 jours, soit 5 ans, 8 mois et 26 jours ».

Le projet est en effet porté depuis l’origine par les représentants CGT de l’usine, seuls rescapés de la fermeture du site annoncée fin 2019 par son propriétaire UPM (228 licenciements). L’usine nonagénaire qui produit alors du papier 100 % recyclé à partir de 480 000 tonnes de déchets de papier par an – l’équivalent de ce que rejettent 24 millions d’habitants – n’est pas jugée assez compétitive, et la demande de papier journal décline. Alors qu’un consortium d’acheteurs propose une reconversion dans l’hydrogène vert, la CGT bâtit un plan alternatif et en fait le projet phare de son alliance « Plus jamais ça » avec les organisations Attac et Greenpeace, pour une réindustrialisation respectueuse de l’environnement.

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Deliveroo à nouveau contraint à la requalification de ses livreurs en tant que salariés

Un livreur Deliveroo, à Toulouse, le 18 mars 2025.

C’est une nouvelle victoire pour les livreurs contre les plateformes : 46 coursiers autoentrepreneurs de la plateforme Deliveroo ont récemment été requalifiés comme salariés. Vingt-quatred’entre eux ont obtenu ce jugement en première instance en janvier, décision admise de fait par la plateforme puisqu’elle a abandonné son appel faute de conclusions envoyées à temps. Les 22 autres livreurs ont gagné en appel fin mai.

Deliveroo avait déjà été condamnée, par le passé, aux prud’hommes et en appel pour le même motif, mais c’est la première fois qu’un groupe de livreurs aussi conséquent l’emporte. Ces derniers ne travaillent plus pour la plateforme et sont indemnisés comme s’ils avaient été licenciés. Une soixantaine de dossiers supplémentaires sont en attente de décision d’ici début juillet.

Les tribunaux ont donc reconnu les preuves avancées par les livreurs, confirmant l’existence d’un lien de subordination entre eux et Deliveroo. « La cour d’appel a épluché chaque dossier, et remarqué que l’absence de réelle indépendance était une constante : on leur donne des procédures précises pour la livraison des boissons alcoolisées, on leur interdit pendant des années de livrer en vélo-cargo… », décrit Kevin Mention, l’avocat de tous ces livreurs.

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Les pistes du gouvernement pour rééquilibrer la concurrence entre taxis et VTC

Des chauffeurs de taxi bloquent l’autoroute A1 afin de protester contre la concurrence des voitures privées avec chauffeur et contre des changements proposés dans le financement des services de transport médical, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), le 21 mai 2025.

Après les organisations de conducteurs de véhicules de tourisme avec chauffeurs (VTC), lundi, et les représentants des plateformes (Uber, Bolt, Heetch), mardi, c’est aux syndicats de taxis que le gouvernement a présenté, mercredi 4 juin, les pistes à l’étude pour améliorer les « conditions d’exercice » dans le secteur, et lutter contre la fraude.

Ce cycle de trois réunions avec divers ministères (transports, travail, économie…) et services de l’Etat est l’une des réactions gouvernementales à la grève nationale des taxis, lancée le 19 mai.

Les taxis avaient d’abord demandé plus de contrôles et de sanctions : ce sera chose faite, notamment par la généralisation, au 1er juillet, de trois nouvelles amendes, dont le défaut d’inscription au registre des VTC et la prise en charge d’un client sans réservation.

Une rémunération en baisse

Fabian Tosolini, délégué national livreurs-VTC du syndicat Union-Indépendants, a néanmoins observé un changement de ton : « Les ministres ont acté le fait que la problématique dans le secteur ne venait pas de la fraude des chauffeurs, car la majorité du secteur est en règle, mais bien d’une structuration des plateformes, qui crée un déséquilibre d’offre et de demande qui pousse à accepter les courses les moins rémunératrices, et engendre le développement de gestionnaires de flotte peu regardants des conditions de travail. »

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Au procès d’un maraîcher jugé pour avoir fait travailler des sans-papiers dans des conditions indignes : « Qui c’est qui va ramasser mes tomates ? J’ai pas le choix ! »

A Saint-Paterne-Le Chevain (Sarthe), bourg de 2 000 habitants près d’Alençon, Jean-Luc Pottier cultive les tomates, les herbes aromatiques et les poursuites judiciaires. Le maraîcher de 64 ans qui s’avance, mardi 10 juin, à la barre du tribunal correctionnel du Mans a le corps sec, la peau tannée, les cheveux très blancs, les yeux très bleus. Il porte bermuda, tee-shirt et chaussettes mi-basses dans des mocassins fatigués. La liste des faits qui lui sont reprochés est longue comme le bras : travail dissimulé, rétribution inexistante ou insuffisante de plusieurs personnes vulnérables, traite d’êtres humains, blanchiment, fraude fiscale aggravée, violation délibérée d’obligation de sécurité ou de prudence.

Lire aussi (2021) | Article réservé à nos abonnés Traite des êtres humains : en France, une lente évolution juridique

Les parties civiles à son procès se prénomment Enkbold, Abdoulaye, Soulimane, Moufida, Mohamed, Mamoudou, Mahdi, Mamar, Armen, Tamaz, Anvar, Wahid, Mate, Anis, Aliou. Ils viennent d’Algérie, d’Arménie, de Russie, du Sénégal, de Georgie ou de Mongolie. Tous sont sans papiers. Non déclarés, payés entre 6,50 et 8 euros de l’heure en espèces, ils ont travaillé plusieurs mois, certains plusieurs années, dans la serre de Jean-Luc Pottier. Quinze heures par jour. Six, voire sept, jours sur sept en période de récolte. Le montant de la fraude au préjudice de la Mutuelle sociale agricole est estimé à 520 000 euros.

C’est la deuxième fois que Jean-Luc Pottier est jugé pour travail dissimulé. « Dissimulé, c’est pas un mot pour moi. Moi, je suis un homme de la vérité », dit-il. Il est d’ailleurs « content d’être là » pour s’expliquer. Alors, oui, il ne déclarait pas ses salariés. « Je trouve personne pour travailler dans mon entreprise. La régularisation, j’ai essayé une fois, j’y suis pas arrivé. J’ai convoqué France Travail, impossible de trouver des salariés. Qui c’est qui va ramasser mes tomates ? J’ai pas le choix. »

« La victime, c’est moi »

L’emploi d’un mineur ? Il reconnaît aussi. « Il était mineur mais costaud. » Et, non, ça ne lui a pas posé de problème. « Ben, mon fils, il a travaillé quand il était mineur. Moi, j’ai travaillé à 11 ans. » La traite d’êtres humains ? Alors, là, Jean-Luc Pottier ne comprend vraiment pas. « J’ai jamais été chercher personne. Ce sont eux qui viennent me voir. Ils se connaissent tous, ils font venir les copains. C’est du bouche-à-oreille. »

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L’Europe a-t-elle oublié la catastrophe du Rana Plaza ?

Entreprises. Dans leur empressement à réduire les normes qui pèsent sur les entreprises européennes, plusieurs pays, dont la France, plaident pour le retrait de la directive européenne sur le devoir de vigilance.

Parents de victimes de la catastrophe du Rana Plaza, lors d’une cérémonie souvenir organisée en 2019, au Bangladesh.

Inspirée pourtant par la loi française de 2017, cette directive de 2024 imposerait aux entreprises de l’Union européenne (au-delà d’une certaine taille) de se doter d’un plan de réduction des risques relatifs aux droits fondamentaux des travailleurs sur toute la chaîne mondiale d’approvisionnement.

Or, supprimer cette directive en l’accusant d’être une entrave administrative à la compétitivité repose sur trois erreurs dont les conséquences sur les droits humains dans le monde seraient graves.

Première erreur : le devoir de vigilance serait une tracasserie inutile. Or, il s’agit du seul garde-fou contre les formes particulièrement meurtrières de la production mondialisée et dont la catastrophe du Rana Plaza, au Bangladesh, a été la terrible révélation. Qui imaginait, en 2013, que les grandes enseignes de la mode et du vêtement faisaient assembler leurs produits dans un bâtiment mal construit, auquel on avait rajouté des étages sans autorisation et où étaient entassées sans règles de sécurité plusieurs milliers d’ouvrières ?

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Casa France, nouvelle victime de la baisse du marché de l’ameublement, pourrait être placée en liquidation judiciaire

La vitrine d’un magasin Casa, à Paris, le 21 mars 2025.

Clap de fin pour les 143 magasins de Casa en France. Après examen des propositions de reprise par le tribunal de commerce de Bobigny, mercredi 11 juin, la filiale française de la chaîne internationale de magasins de décoration, créée en 1975, s’achemine vers une liquidation judiciaire. Elle était en redressement judiciaire depuis le 2 avril. « Au regard des critères exigés par la loi, les offres pourraient être jugées irrecevables », a fait savoir Casa France, dont les administrateurs ont demandé la liquidation.

Le jugement du tribunal sera rendu le 27 juin, mais, pour les quelque 700 salariés de l’enseigne, selon la direction – 577 en CDI et une centaine en CDD –, il n’y a plus aucun suspense. « On va tous être au chômage, se désole Jean-Philippe Cheneble, délégué syndical CGT de Casa. D’ici là, les magasins restent ouverts. Les salariés pensaient que la délibération irait vite pour pouvoir passer à autre chose. Pour eux, le temps va être long, car les magasins et les réserves sont vides après des opérations de liquidation à – 60 % du prix. On a même dû ressortir les décos de Noël. »

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Négociations sur les retraites : les syndicats prêts à mettre de côté la revendication phare des 64 ans

Le président de la CFE-CGC, François Hommeril (au centre), entouré des secrétaires nationales du syndicat Christine Lê (à gauche) et Christelle Thieffinne (à droite), à Paris, le 17 mai 2023.

Une étape importante, peut-être décisive, vient d’être franchie dans la négociation entre partenaires sociaux sur les régimes de pensions. Pour la première fois depuis le lancement du processus, fin février, un syndicat – la CFE-CGC, en l’occurrence – a explicitement indiqué, mercredi 11 juin, qu’il était prêt à avaliser un texte, même si celui-ci maintient la retraite à 64 ans. Avec des éléments de langage difficiles à décrypter, la CFDT a, elle aussi, donné l’impression de soutenir cette position. Et tout porte à croire que c’est également la ligne de la CFTC.

Les trois organisations de salariés, encore impliquées dans les discussions, tirent ainsi les conséquences de l’attitude du patronat, qui reste arc-bouté dans son refus d’une remise en cause de l’âge légal de départ instauré par la réforme de 2023. Elles semblent prêtes à mettre de côté – au moins provisoirement – leur revendication phare (l’abrogation de la mesure d’âge adoptée il y a deux ans), sous réserve que des améliorations significatives soient apportées à d’autres mécanismes de notre système par répartition.

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