Le lien assemblant un chauffeur et Uber est officiellement « contrat de travail »

Or, le patronat y est totalement alarment comme l’a redit Hubert Mongon (Medef) à l’issue des pourparlers de mercredi : « Le bonus-malus n’est pas la réponse adaptée à la problématique. » Les mouvements d’employeurs ont donc invité leurs interlocuteurs syndicaux à engager une réflexion « complémentaire » afin d’élaborer des « propositions alternatives ». Une sorte de négociation bis, conduite en parallèle de la première, qui va donner lieu à de nouveaux échanges sur la lutte contre la précarité, lors d’une réunion programmée le 22 janvier.
« Du pipeau »
Sur les pistes programmés, M. Mongon s’est montré peu disert, évoquant les groupements d’employeurs, un mécanisme où des salariés sont mis à disposition et partagent leur temps de travail entre plusieurs sociétés. Le représentant du Medef a, par ailleurs, expliqué que six branches professionnelles avaient conclu, en 2018, des accords susceptibles de « servir de source d’inspiration ». Ces derniers concourent, selon M. Mongon, à allonger les périodes d’emploi tout en octroyant de nouveaux droits aux travailleurs (en matière de formation, notamment). Exemple : dans la métallurgie, le compromis ficelé prévoit – entre autres – de réduire les périodes de carence entre deux CDD ou deux missions d’intérim, c’est-à-dire la durée pendant laquelle une entreprise ne peut pas embaucher sur le même poste, sous l’un de ces statuts. Est également créé un contrat de chantier ou d’opération, qui lie l’employeur et le salarié pendant au moins six mois, pour la réalisation d’un projet bien précis. Ce dispositif a également été instauré par l’accord relatif au monde de la distribution.
La position des organisations d’employeurs n’a, sans étonnement, guère été appréciée du côté des syndicats. Leurs chefs de file ont d’abord fait valoir que le bilan des tractations nouées dans les branches laissait franchement à désirer : « Pas nul mais très maigre », a jugé Marylise Léon (CFDT). D’une « pauvreté insigne », a enchaîné Jean-François Foucard (CFE-CGC). « C’est du pipeau », a martelé Denis Gravouil (CGT), considérant que les accords signés tiennent de « l’enfumage » et ne contribuent nullement à résorber la précarité.
En outre, les secteurs, notamment concernés par la prolifération des contrats courts et le phénomène de réemploie d’une personne dans une même société n’ont pris aucune disposition à ce stade : Mme Léon a cité le domaine du médico-social mais l’hôtellerie-restauration fait également partie des retardataires, tout comme « les autres activités spécialisées, scientifiques et techniques » (les instituts de sondage, notamment).
Quant aux axes de réflexion suggérés par le patronat (sécuriser « l’accès à l’emploi durable » et « les parcours professionnels »), Eric Courpotin (CFTC) les a trouvés « pas consistants », pour le moment. « Je cherche l’inventivité », a ironisé Michel Beaugas (FO). C’est « très gazeux », a complété Mme Léon. Tout comme d’autres de ses homologues, elle a réaffirmé que la centrale cédétiste était pour le bonus-malus, sa préférence allant pour un système dans lequel le taux de cotisations diminue à mesure que les contrats s’allongent.
Toutes les options pourront être confrontées le 22 janvier, a déclaré M. Mongon. Mais l’issue de ce « débat contradictoire » semble cousue de fil blanc : le patronat entend, en effet, démontrer la nocivité du bonus-malus, durant cette prochaine séance de négociation, et « ouvrir la voie » à d’autres solutions. On ne voit pas bien, dans ce contexte, comment les points de vue pourraient converger. Comme l’a observé M. Gravouil, mercredi, « il y a un moment où on va se rapprocher du mur ». Avec la menace d’un échec des discussions.
Quelle entreprise ? Quels salariés ? Qu’est-ce qu’un poste comparable ? Le décret diffusé mercredi définit les champs d’application du dispositif visant à éliminer les écarts de paye entre les femmes et les hommes.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel exige aux entreprises d’au moins 50 salariés de prendre « en compte un objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ». Il s’agit d’une obligation essentielle de résultat fixé par la loi : le but doit être atteint à l’issue d’un délai de trois ans.
Dans cette vision, la loi du 5 septembre prévoit que « l’employeur publie chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer, selon des modalités et une méthodologie définies par décret ». On se souvient que ces « modalités et méthodologie » avaient été publiées en partie par la ministre du travail, Muriel Pénicaud, en novembre 2018.
Accords de correction sous trois ans
Elle avait expliqué que l’accord annuelle de suppression des inégalités se ferait sur la base d’indicateurs auxquels correspond un nombre de points : écart de paye entre les femmes et les hommes par âge et poste comparable (40 points), écart d’augmentation (20 points), écart dans les promotions (15 points), augmentations au retour de congé maternité (15 points), présence des femmes dans les dix plus gros salaires de l’entreprise (10 points) ; les indicateurs liés aux promotions et aux augmentations étant réunis pour les entreprises de 50 à 250 salariés. Finalement, chaque année, 75 points sont requis sur un total de 100 ; à défaut, des mesures de correction doivent être mises en œuvre pour remplir l’objectif dans le délai de trois ans, sous peine d’être sanctionné par une pénalité financière.
Le décret qui témoigne ces annonces a été publié mercredi 9 janvier et détaille les modalités de calcul et d’évaluation des indicateurs. Il fait une différenciation entre les entreprises de plus de 250 salariés (annexe 1) et celles entre 50 et 250 (annexe 2), mais les procédés sont à peu près similaires.
A Londres, le 10 décembre 2018. DANIEL SORABJI / AFP
La lente fuite de la City, au goutte-à-goutte, ne cesse d’augmenter. TransferWise, l’un des plus influents groupes de « fintech » (« technologie financière »), a proclamé, jeudi 10 janvier, qu’il ouvrait un bureau à Bruxelles pour faire face au Brexit. La société britannique de transfert international d’argent sollicite une licence de monnaie électronique auprès du régulateur belge et va déplacer « un petit nombre d’employés » dans la capitale européenne. « Bruxelles est au cœur de toutes les affaires européennes. Ouvrir un bureau dans cette capitale nous semble tout à fait logique », explique Kristo Käärmann, PDG et cofondateur de TransferWise.
Indépendamment de la taille de l’entreprise – 1 400 employés à travers le monde et déjà dix bureaux internationaux –, la décision est presque marginale. Mais l’accumulation de déménagements similaires commence à peser. Selon le décompte tenu, chaque trimestre, par le cabinet de consultants EY – qui interroge d’une façon anonyme 222 entreprises de la City –, 7 000 emplois ont été ou vont être déplacés « à court terme » du centre financier londonien vers l’Union européenne (UE). Il faut y ajouter 2 000 personnes que ces sociétés ont recrutées localement, dans différents pays de l’UE. Soit 9 000 emplois gagnés au total par les Vingt-Sept.
Les salariés ne sont qu’une partie du phénomène. Les banques, les assureurs et les gérants d’actifs ont aussi dû transférer une partie de leur bilan au sein de l’UE. Les régulateurs l’exigent : pas question pour eux d’accorder une licence si les fonds propres ne sont pas déménagés, au moins en partie. Selon EY, au moins 800 milliards de livres (885 milliards d’euros) ont été déplacés dans un des vingt-sept pays.
Une lente décomposition
Il a fallu aussi changer des contrats. Certaines polices d’assurance britanniques ont, par exemple, été enregistrées dans les filiales européennes nouvellement créées. De même, des fonds d’investissement ont été transférés sous le contrôle d’un régulateur européen.
A l’échelle de la City, ces préparatifs restent limités. Ils représentent 2 % des effectifs et moins de 10 % des actifs des banques. Le centre financier londonien reste, de très loin, le principal d’Europe et il le restera pour de nombreuses années. « Mais ces plans ne sont que ceux du premier jour, prévient Omar Ali, chargé des services financiers à EY. En cas de non-accord, ils ne représenteront que la partie émergée de l’iceberg. Sur le long terme, les préparatifs seront plus
Choquée, elle se rend à une consultation Souffrance et travail, dont lui a parlé une amie. « Enfin, quelqu’un m’écoutait ! Le médecin m’a fait comprendre que le patron n’avait pas à m’humilier et que ce harcèlement, ce n’était pas de ma faute. Il m’a interdit de retourner au cabinet. » Elle est en arrêt-maladie depuis le début de 2017, sous antidépresseur et somnifère. En stimulant le fil des événements, elle s’est rappelée de l’instant où les relations sont devenues « complètement invivables ». A son retour d’un arrêt-maladie de cinq mois pour une opération, son travail avait été réparti entre ses collègues. Une façon de lui dire de partir…
« Pousser à bout les salariés pour qu’ils partent »
Pour Jacques, 53 ans, infirmier en hôpital psychiatrique, l’enfer a débuté par des pressions avec une aide-soignante « qui ne travaillait pas ». « Moi, j’aime travailler, mais, au bout de deux ans, j’ai craqué, car je me retrouvais seul avec 26 patients adultes : des drogués, des caïds, et autres. J’ai dénoncé ma collègue à ma supérieure. J’ai compris plus tard que cela ne se fait pas », se souvient-il.
Les soucis s’aggravent. Arrive un nouveau manageur, qui venait d’une raffinerie et a appliqué à l’hôpital la même méthode que dans l’industrie lourde : « Pousser à bout les salariés pour qu’ils partent. » Un jour, sa supérieure l’accuse, à tort, selon lui, d’avoir quitté le service durant deux heures. Il craque et est mis en arrêt de travail pour « anxio-dépression réactionnelle ». « Toute mon équipe a subi le même traitement en 2017 et en 2018. Tous les anciens sont partis. C’est du management de boucherie. »
BONHOMME
Les examens spécialisés dans la souffrance au travail sont doublées. La demande des salariés augmente et les délais pour obtenir un rendez-vous s’allongent. En 2018, l’Association de santé au travail interservices (ASTI), par exemple, a reçu 1 600 personnes, contre 1 400 en 2017. « Nous faisons face à des situations de plus en plus compliquées, qui peuvent mettre la vie en jeu, avec toujours plus d’arrêts-maladie longs, des burn-out…, explique Christophe Maneaud, le directeur. Notre problème est de trouver des cliniciens formés. » Il faut un mois, en moyenne, pour obtenir un premier rendez-vous dans cette association qui fédère huit services de santé au travail d’Occitanie.
Le public qui sollicite évolue. « Au début, se souvient le psychiatre et psychanalyste Christophe Dejours, la majorité des patients étaient des salariés aux conditions de travail les plus dures. Aujourd’hui, ils exercent de plus en plus des métiers de niveaux élevés : beaucoup de cadres, de médecins des hôpitaux, d’enseignants, jusqu’aux membres de cabinets ministériels. » A l’image de Nathalie (prénom modifié), directrice marketing dans le secteur du luxe, en arrêt-maladie depuis un an et demi, après deux burn-out. Pour avoir critiqué le harcèlement moral de sa supérieure, « connu de tout le monde », elle est écartée des réunions de lancement d’un produit, et donc mise en situation de ne pouvoir exercer son métier…
Harcèlement moral ou sexuel, burn-out, brimades, placardisation… : comment réagir face à ces violences dans l’entreprise dont sont victimes, selon M. Dejours, des salariés « de plus en plus jeunes » ? Comment s’en protéger ? A qui en parler ? Ces questions sont au centre des soirées des Cafés santé et travail, des rencontres-débats réunissant, chaque mois, à Paris et en province, des spécialistes de la souffrance en entreprise (médecins, psychologues, avocats…) et le public.
« Remettre les gens debout »
Conçues en septembre 2017, dans le cadre de l’association Thema, ces réunions sont planifiées en partenariat avec le réseau de enquêtes spécialisées Souffrance et travail, fondé par Marie Pezé, psychanalyste et psychologue clinicienne. Après l’intervention, en décembre 2018, de la sociologue Danièle Linhart, sur le thème « Imaginer un salariat sans subordination », ce sera au tour de Marta Serafim, psychologue du travail, et d’Eric Hamraoui, maître de conférences en philosophie au Conservatoire national des arts et métiers, de répondre, mardi 22 janvier, à Paris, à la question « Entre courage et peur au travail, comment se situer et agir au quotidien ? »
C’est un retour de plus dans l’histoire mouvementée des Chantiers de l’Atlantique. Après la déficience de STX, son ancien actionnaire coréen majoritaire, le chantier de Saint-Nazaire, nationalisé à l’été 2018, était promis à l’italien Fincantieri afin de créer un grand groupe naval européen. Mais Bruxelles y met son grain de sel.
La Commission européenne a avisé, mardi 8 janvier, le lancement d’une enquête sur ce projet de rachat en raison de ses craintes en matière de concurrence dans le secteur de la construction navale. Les deux groupes sont les seuls au monde, avec l’allemand Meyer Werft, à construire des bateaux de croisière.
Contrairement à la fusion Siemens-Alstom dans l’industrie ferroviaire, ce projet n’atteint pas le seuil de chiffre d’affaires au-delà duquel il doit être notifié à l’exécutif européen. La Commission s’est saisie du dossier à la demande de l’Autorité de la concurrence française, appuyée par son homologue allemande. Cette action est relativement rare, mais pas inédite. Fin 2017, six pays ont demandé à Bruxelles d’étudier le rachat de Shazam, l’application de reconnaissance musicale, par Apple. L’exécutif européen l’a validé en septembre 2018.
« Sur la base des éléments fournis par la France et l’Allemagne, et sans préjudice de l’issue de son enquête exhaustive, la Commission considère que l’opération pourrait nuire de manière significative à la concurrence en matière de construction navale, en particulier sur le marché mondial des bateaux de croisière », souligne l’exécutif européen dans un communiqué.
« Pas une mesure de réplique politique »
« Il s’agit d’une procédure tout à fait normale et instruite sans aucune intervention politique », prévient-on à l’Elysée. « Le gouvernement n’est pas à l’origine de cette procédure. Ce n’est donc pas une mesure de rétorsion politique, déclare-t-on au sommet de l’Etat, en référence aux récents commentaires de Matteo Salvini et Luigi Di Maio, les deux vice-premiers ministres italiens, en faveur des « gilets jaunes ».
Ces dénis de l’Elysée ne suffisent pas à écarter le soupçon, côté italien, de rétorsions. Matteo Salvini a déclaré sur Facebook qu’il s’agissait d’une « nouvelle démonstration du fait que l’Europe n’existe pas ou existe seulement à sens unique ». Le premier ministre, Giuseppe Conte, a, lui, fait part de sa « surprise ». Sur la Rai, il a plutôt cherché à se montrer confiant pour la suite : « Je trouverais étrange que des obstacles nous soient imposés. J’espère qu’il n’y en aura pas. »
Droit Social. Durant son congé maternité, la salariée perçoit, au lieu et place de son salaire et sous certaines conditions des compensations journalières de Sécurité sociale. Plusieurs conventions collectives prévoient des compléments d’indemnisation, pouvant aller jusqu’au maintien du salaire net.
A la paye de base peuvent s’ajouter des majorations diverses pour travail du dimanche ou travail de nuit, pour heures additionnels, des avantages en nature, mais également certaines primes ou bonifications liées aux conditions de travail.
Ces salaires complémentaires, fruits de la négociation, peuvent porter les noms les plus divers, correspondre à des situations répétitives ou particulières et connaître des modes de calcul variés. S’il est clair que du fait de l’accord collectif le salaire de base doit être maintenu pendant le congé de maternité, qu’en est-il de ces autres éléments de rémunération ?
Ce problème a été porté en justice dans le cadre d’un conflit né à l’annonce de la fermeture d’une succursale d’une entreprise et d’un transfert d’activité à une filiale italienne. Pour y mettre fin, certains salariés avaient obtenu le paiement d’une « prime de coopération », inscrite dans un accord signé par les représentants du personnel. La prime récompensait un travail de formation et de transmission du savoir-faire des salariés de la succursale aux salariés du repreneur. Elle était subordonnée à la coopération effective du salarié en question avec les équipes du repreneur.
Pas de ségrégation
Face à une salariée qui réclamait la prime versée durant son congé maternité, se plaignant de discrimination fondée sur le sexe, la Cour de cassation a rejeté l’argument. L’employeur pouvait donc, en toute légitimité, considérer que ce bonus n’était pas dû pendant son congé de maternité : l’exigence d’un travail effectif n’était pas remplie et il n’y a pas discrimination puisque la règle s’applique à tout salarié absent.
Cet arrêt de la chambre sociale de la haute juridiction judiciaire du 19 septembre 2018 est dans la ligne de décisions antérieures, considérant que la réduction ou la suppression de la prime de fin d’année ou d’assiduité d’une salariée en raison de son absence pour congé de maternité n’était ni ségrégationniste, ni illégale, à condition que toutes les absences, hors celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail réel, entraînent les mêmes effets sur son attribution.
Congé parental : ce que font les autres pays
Peu de pays ont réellement exercé un revenu parental en tant que tel ; la plupart indemnisent le congé lié à une naissance (congé maternité et/ou de paternité) et aident, plus ou moins généreusement, à la prise en charge d’un enfant en bas âge (congé parental d’éducation). Sept pays de l’Union ne paient pas du tout le congé parental : le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Irlande, la Grèce, les Pays-Bas et Chypre.
La Suède est le pays qui prime le mieux les parents : le congé parental ouvre droit à un revenu de remplacement, correspondant à 80 % du salaire antérieur, durant les treize premiers mois (les trois derniers mois étant indemnisés environ 500 euros chaque). Le modèle suédois est cohérent avec ce concept de revenu : ce dernier est taxable et, en contrepartie, tous les droits sociaux du bénéficiaire sont maintenus. Il continue à cotiser pour sa retraite, la période de congé est comptabilisée dans le calcul des avantages liés à l’ancienneté et il bénéficie de la garantie du retour à son poste.
Si le parent au foyer tombe malade, il reçoit une indemnité journalière et ses jours de maladie ne sont pas comptabilisés dans le congé parental. Il faut toutefois avoir travaillé au moins huit mois avant l’arrêt. « Les parents ne satisfaisant pas à ces conditions touchent, pour leur part, une indemnité forfaitaire d’environ 18 euros par jour. Les modalités de ce congé incitent donc assez fortement à s’intégrer sur le marché du travail avant d’avoir des enfants », expliquent la docteure en sociologie Nathalie Morel. De plus, la Suède a mis en place des mesures incitatives pour pousser les hommes à davantage utiliser le congé : chaque parent est obligé de prendre au moins trois mois pour bénéficier du reste du congé parental.
Même logique en Allemagne : si les deux parents prennent le congé (deux tiers du salaire, plafonné à 1 800 euros par mois), ils ont droit à deux mois additionnels. Une « prime aux fourneaux » de 150 euros mensuels avait, en outre, été initiée en 2013 par les conservateurs pour relancer la natalité, mais elle a été invalidée en 2015 par la Cour constitutionnelle qui a jugé que le gouvernement fédéral avait empiété sur les prérogatives des Etats régionaux.
L’Islande a le modèle le plus égalitaire avec un congé parental de neuf mois, dont un tiers est réservé à la mère, un tiers au père et un tiers divisible entre les deux, avant les dix-huit mois de l’enfant, chaque partie étant perdue si elle n’est pas prise par son destinataire. Il est rétribué à 80 % pour tout salaire en dessous de 1 260 euros par mois et 75 % pour les salaires supérieurs, avec un plafonnement à 1 890 euros mensuel.
A l’opposé d’un ouvrage social de la rémunération parentale, et dans une proportion probablement anecdotique, une version néocapitaliste aurait déjà été expérimentée dans la sphère privée : à New York, certaines femmes au foyer toucheraient un « bonus d’épouse » au titre de leur bonne gestion du budget du foyer ou de la qualité de l’éducation apportée aux enfants et de la capacité de ces derniers à intégrer de bonnes écoles. Les Etats-Unis sont actuellement le seul pays de l’OCDE à ne même pas financer un congé maternité.
Même chose, pour la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), les « travailleuses ne peuvent utilement invoquer le bénéfice » des règles antidiscriminatoires de l’Union européenne « pour revendiquer le maintien, pendant leur congé de maternité, de leur rémunération intégrale comme si elles occupaient effectivement, comme les autres travailleurs, leur poste de travail ».
« Dictionnaire des inégalités et de la justice sociale », sous la direction de Patrick Savidan. PUF, 1748 pages, 39 euros.
Les distances de rémunérations ne cessent de s’approfondir par le haut aussi bien que par le bas. Ils ont même, dans les trente-quatre pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), atteint un niveau record depuis trente ans. Au cours des années 1980, le revenu moyen des 10 % les plus riches était sept fois plus élevé que celui de 10 % les moins riches. Aujourd’hui, il est près de dix fois plus élevé.
Les transformations multiples que connaissent nos sociétés et les processus qui accompagnent la mondialisation rendent sans doute plus difficile l’appréhension des tenants et des aboutissants de la justice sociale aujourd’hui. « Promouvoir concrètement la justice partout où nous estimons qu’elle doit s’appliquer reste manifestement un défi des plus difficiles à relever. On aurait tort d’en conclure toutefois à une impossibilité de principe », tranche Patrick Savidan.
Rendre abordable un savoir sûr, actualisé, pluraliste, qui permette d’interroger nos aspirations en matière de justice et les moyens de les réaliser : telle est l’ambition du Dictionnaire des inégalités et de la justice sociale, sous la direction du cofondateur de l’Observatoire des inégalités. L’inégalité est devenue « la forme matricielle de l’injustice », rappelle le professeur de déontologie et de philosophie politique à l’université Paris-Est-Créteil : elle montre de plus en plus restrictivement un écart social jugé illégitime entre les individus et les groupes, et un problème qu’il convient de résoudre.
Inégalité, le problème
Les raisons invoquées sont multiples : l’inégalité elle-même peut être considérée comme un problème, ou alors ce sont les dynamismes qui la produisent qui sont injustes, ou les conséquences qu’elle entraîne qui sont néfastes ou condamnables. « Le projet moderne établit un lien entre égalité et justice », et c’est précisément un tel lien que le Dictionnaire des inégalités et de la justice sociale s’est assigné comme tâche et comme ambition de déployer, « tant du point de vue des valeurs et des normes qui l’animent et le justifient, que dans ses manifestations concrètes ».
Un travail de spécialistes de tous les domaines – philosophie, économie, sociologie, psychologie sociale, géographie, sciences politiques, littérature, histoire de l’art – le dictionnaire s’adresse à tous ceux qui savent l’urgence et la nécessité d’un retour réflexif sur les valeurs qui forment nos idéaux de justice, sur les mécanismes, les comportements, les dispositifs et les divers causes générateurs d’injustice, aussi bien que sur les moyens d’y remédier.
« Les “new collars”, les “nouveaux cols”, [est] un terme inventé par Ginni Rometty, la dirigeante du groupe IBM, afin de qualifier cette main-d’œuvre du XXIe siècle que l’entreprise recherche désespérément » (Photo: IBM, Armonk, EtatsUnis, en 2009). STAN HONDA / AFP
Sa vie d’infirmière est réduite. Après avoir passé vingt-quatre ans à l’hôpital, l’Américaine Tara Welch sait qu’elle ne peut plus courir d’une chambre à l’autre pour s’occuper des patients. Elle est touchée d’une maladie chronique – une douleur musculosquelettique – qui l’empêche de marcher abondamment et de porter des objets lourds. Alors que faire ? Doit-elle rester assise à la maison ? Il n’en est pas question. Tara Welch se fait poser un modulateur dans le dos qui envoie des signaux électriques à son cerveau pour annuler la douleur, et elle retourne à l’école.
500 000 emplois à pourvoir
500 000, c’est, selon une étude du ministère du travail américain, le nombre d’offres d’emploi high-tech qui étaient non satisfaites aux Etats-Unis lorsque IBM a lancé son programme d’apprentissage pour les « new collars ».
3,9 %, c’est le taux de chômage aux Etats-Unis, en décembre 2018, mais, dans le secteur high-tech, ce taux descend à près de 2 %. Autant dire que les recruteurs ont beaucoup de mal à garder certains postes.
90 % des intéressés reconnaissent un manque de talents high-tech, précise un sondage Indeed, réalisé auprès de mille chasseurs de têtes.
Tara Welch s’inscrit au Wake Tech Community College, un institut de formation continue pour lui ouvrir les portes de l’industrie high-tech. C’est là que son chemin croise le géant IBM surnommé également « Big Blue », à la recherche de profils hors normes. Le recruteur d’IBM estime qu’elle a « du cran ». Elle a 44 ans, mère et grand-mère de trois petits-enfants, fait partie des « new collars », « les nouveaux cols », un terme inventé par Ginni Rometty, la dirigeante du groupe IBM, afin de qualifier cette main-d’œuvre du XXIe siècle que l’entreprise recherche désespérément.
Ce ne sont ni les cols blancs des bureaux, ni les cols bleus des usines, mais une force et un amour pour le travail « nouvelle », intéressée par la technologie… sans en avoir les diplômes de l’enseignement supérieur. « Le ministère du travail recense 500 000 offres d’emplois techniques non satisfaites, explique Kelli Jordan, responsable IBM de l’initiative « New Collars », à Raleigh (Caroline du Nord). Les universités ne donnent pas les quantités nécessaires de programmeurs, designers et ingénieurs. En plus, ajoute-t-elle, « beaucoup de ces postes vacants ne nécessitent pas quatre ans d’études supérieures ».
Travail en équipe
La direction d’IBM a donc décidé de sortir des chemins battus et d’aller chercher ailleurs ses futures armadas, à la sortie du lycée, dans les community colleges, les classes de programmation, ou encore les vétérans de l’armée. Le programme, qui a commencé en octobre 2017, demande surtout à ses candidats de savoir travailler en équipe. « Ils doivent être de bons communicants, ils aiment les challenges et ont envie de les résoudre ensemble », détaille Kelli Jordan. Les qualités techniques ne sont plus l’élément décisif. « Le savoir-faire devient obsolète si vite qu’ils devront de toute façon apprendre de nouvelles technologies tous les six ans »,estime Mme Jordan.
Il s’agit de la « première fois » que la cour d’appel de Paris juge que la relation de travail entre un chauffeur VTC et Uber est un contrat de travail, a souligné Me Fabien Masson, du cabinet BNR, défenseur du plaignant.
En décembre 2017, la cour d’appel de Paris avait déjà requalifié le partenariat entre un chauffeur VTC indépendant et la plateforme LeCab en salariat, relevant que l’application « avait le pouvoir de donner des ordres et des directives (au chauffeur), d’en contrôler la bonne exécution ».
Dans la décision rendue jeudi, la cour explique particulièrement qu’« une condition essentielle de l’entreprise individuelle indépendante est le libre choix que son auteur fait de la créer (…), la maîtrise de l’organisation de ses tâches, sa recherche de clientèle et de fournisseurs ». Elle rappelle que le conducteur s’est engagé auprès d’Uber en signant un « “formulaire d’enregistrement de partenariat” », mais aussi en obtenant « sa carte professionnelle de conducteur de voiture de transport avec chauffeur » et en s’inscrivant « au registre Sirene, en tant qu’indépendant ». Or, le plaignant n’a pu se « constituer aucune clientèle propre », possibilité interdite par Uber, et ne fixait « pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport », relève la cour.
D’ailleurs, argumente-t-elle, Uber exerçait bien un « contrôle » sur lui puisque « au bout de trois refus de sollicitations, (le chauffeur reçoit) le message : “Êtes-vous encore là ?” ».
Constamment à disposition
Si un chauffeur veut de se déconnecter, la plate-forme « se réserve le droit de désactiver ou autrement restreindre l’accès ou l’utilisation » de l’application. Cette pratique a « pour effet d’inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui leur convient ou non », détaille la cour.
A ce titre, elle rappelle que le fait de choisir les horaires et jours de connexion « n’exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors qu’il est démontré que lorsqu’un chauffeur se connecte (…) il intègre un service organisé par la société Uber BV, qui lui donne des directives, en contrôle la réalisation et exerce un pouvoir de sanction à son endroit ».
La Cour de cassation a établi fin novembre pour la première fois un lien de dépendance entre la défunte société de livraison de repas Take Eat Easy et l’un de ses coursiers à vélo.