Autoentrepreneurs : d’autres droits sociaux en cours de réalisation
La loi « avenir professionnel », décrétée en septembre 2018, prévoit, sous de nombreuses conditions, que les indépendants puissent disposer d’un droit au chômage.
Annoncée en septembre 2018, la loi « avenir professionnel » contient une mesure susceptible de progresser le sort des autoentrepreneurs : celle qui étend l’assurance-chômage aux travailleurs indépendants. Le texte prévoit, en effet, d’accorder, sous certaines conditions, une allocation aux personnes bénéficiant de ce statut, « en cas de cessation involontaire d’activité ». Le dispositif n’est pas encore entré en vigueur, le décret d’application devant être publié au Journal officiel dans les semaines à venir. Cette rémunération pourrait se présenter sous la forme d’une somme forfaitaire de 800 euros par mois, versés pendant six mois.
Les autoentrepreneurs étant observés comme une catégorie de travailleurs indépendants, ils sont, en principe, éligibles à une telle couverture. Mais très peu y auront recours, pronostique Grégoire Leclercq, président de la Fédération nationale des autoentrepreneurs car la mise en œuvre s’avère « complexe » et « peu rentable ». La loi « avenir professionnel » fixe plusieurs règles pour avoir droit à une telle allocation : il faut notamment avoir été placé en redressement ou en liquidation judiciaire. Or, très peu d’autoentrepreneurs se déclarent en arrêt de paiement et vont au tribunal de commerce, à l’heure actuelle. M. Leclercq souhaite par conséquent que les critères d’attribution soient revus.
Le projet de loi « avenir professionnel », dans la version élue au Parlement, avait par ailleurs donné la possibilité aux plateformes numériques de conclure des chartes, afin d’accorder des droits supplémentaires aux personnes qui travaillent pour elles, sous le statut d’autoentrepreneur (par exemple un accès amélioré à la formation continue). Invalidée par le Conseil constitutionnel pour des raisons techniques, cette disposition a été reprise dans le projet de loi « d’orientation des mobilités », que les sénateurs doivent observer en première lecture au mois de mars.
Au milieu de la crise sociale inédite que traverse la France avec les « gilets jaunes », le patronat est dans sa bulle. Sans doute craint-il les conséquences de la contestation sur l’activité économique. Mais pour le reste, il coule des jours tranquilles, choyé par Emmanuel Macron, qui a répondu à la plupart de ses attentes, et bizarrement ignoré par les « gilets jaunes ».
Quand ceux-ci réclament des hausses de salaires, ils ne se tournent pas vers le Medef mais vers l’Etat, comme si c’était lui qui arrêtait, au-delà du smic, les hausses de rémunération dans les entreprises privées. Et si bon nombre de manifestants sur les ronds-points souffrent de la précarité, on ne les a guère entendus exprimer des revendications sur la question du chômage.
Dans ce contexte tendu, la négociation sur l’assurance-chômage, engagée en novembre 2018, revêtait une importance capitale, ne serait-ce que pour montrer qu’il est encore possible dans ce pays d’obtenir des résultats par le dialogue entre partenaires sociaux. Les organisations patronales – le Medef, la CPME et l’Union des entreprises de proximité (U2P) – ont pourtant décidé, lundi 28 janvier, d’arrêter leur participation.
Le prétexte ? Le jeudi 24 janvier, dans la Drôme, le chef de l’Etat a affirmé une autres fois sa volonté de réguler le recours aux contrats courts par un système de bonus-malus. Face à la fronde, M. Macron a opportunément et fermement rappelé une promesse de sa campagne. Fin septembre 2018, le « document de cadrage » du premier ministre remis aux partenaires sociaux pour cette négociation, qui fixait l’objectif d’une économie de 3 milliards à 3,9 milliards d’euros pour l’assurance-chômage en trois ans, leur laissait le soin de trouver la bonne solution pour réduire le recours aux contrats courts.
L’Etat va prendre la main
Depuis vingt ans, les CDD de moins d’un mois ont été multipliés par 2,5, ce qui représente un surcoût de 2 milliards d’euros pour l’Unedic. Les entreprises, a affirmé Laurent Berger, « utilisent et surabusent des contrats courts ». Pour le secrétaire général de la CFDT, elles « font payer à l’assurance-chômage leur flexibilité interne ». Un système de bonus-malus finirait à moduler les cotisations chômage des employeurs, actuellement de 4,05 %, en fonction du taux de rupture des contrats de travail. Le patronat est vent debout face à une telle réforme, soutenue par les syndicats. Pour Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, elle mènerait à « détruire des CDD et des emplois d’intérim sans pour autant créer des CDI ».
Pour couvrir sa désertion des discussions en cours, qui étaient dans l’impasse et devaient s’achever le 20 février, le Medef a dénoncé l’intervention du président de la République « semblant indiquer que le bonus-malus se mettra en place et ce, quel que soit le résultat de la négociation ». « Tous les efforts menés par les négociateurs pour “déprécariser” les contrats courts ont ainsi été balayés d’un revers de main », a annoncé la CPME.
Le patronat pratique ainsi une politique de la terre brûlée. Alors que le chômage, malgré une légère baisse en 2018, reste à un niveau élevé, la recherche d’un compromis était urgente. C’était aussi l’occasion d’exposer à un président qui ignore volontiers les corps intermédiaires qu’ils savent faire preuve de sagesse. Le patronat a choisi l’option de l’irresponsabilité. L’Etat va prendre la main et, à l’arrivée, il n’y aura que des perdants.