« Le management utilitariste n’est clairement pas soutenable »

Tribune. Les conséquences d’un management réduit à sa plus petite expression – la minimisation des coûts et la maximisation des gains – s’exprimaient jusqu’ici au travers du stress, du burn-out, de la perte de sens du travail, plus tragiquement de suicides. Mais la crise sanitaire donne à voir une nouvelle perspective. La « managérialisation » de l’action publique a, par exemple, fait perdre de vue qu’un Etat souverain ne pouvait pas déléguer à un autre pays, à l’autre bout de la planète, par l’intermédiaire d’entreprises, la fabrication de médicaments de base nécessaires à la santé de ses citoyens. A court terme, les gains financiers d’un tel choix sont réels, mais dans le temps long, une crise comme celle du coronavirus en montre les limites.

Ainsi, le « bon » management finit par exclure, au profit de l’efficient, tout ce qui ne peut pas être saisi par les tableurs Excel : le Vrai, le Juste, le Bien, le Beau. Le management semble donc s’être mué en cet « état paresseux du savoir » dont parlait le philosophe Georges Canguilhem [1904-1995], une sorte d’idéologie de l’action efficace basée sur des « bonnes pratiques » qu’on ne remet jamais en question et dont les prescriptions sont pourtant plus que jamais engageantes pour l’homme et pour son rapport au monde.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Chez Leclerc, la crise sanitaire révélatrice d’un management par la peur

Ce management « sans feu ni lieu », qui nie les spécificités du contexte, les métiers et le temps long, n’est cependant pas une fatalité, car il repose sur au moins trois fictions : il serait neutre ; l’humain serait une « ressource » prédéterminée par le calcul ; la procédure serait un déterminant de l’action collective.

La neutralité supposée du management découle d’une certaine conception de l’économie. Ainsi, du moment où l’économie se veut science et que l’objectif de l’entreprise est de maximiser la valeur actionnariale, elle ne se laisse pas distraire par des questions morales. De fait, un management ainsi armé par ce postulat économique porte une certaine philosophie gestionnaire utilitariste, qui exclut toute la complexité de l’être, mais aussi de l’écosystème dans lequel l’organisation évolue.

C’est ainsi qu’un hôpital mis sous management et expurgé de tout ce qui ne peut pas être mesuré, c’est-à-dire de tout ce qui fait l’essence du soin, devient assimilable à un hôtel et donc « géré » comme tel. Au prix d’une efficacité apparente, le travailleur est élevé au rang d’abstraction chiffrée gommant la réalité du travail, la complexité de l’homme derrière le travailleur et la nature des métiers. Le chiffre devient ainsi le signifiant et le signifié, ne laissant aucune place au récit, à l’expression des sentiments ou à toute narration porteuse de sens. C’est une situation ubuesque, d’autant plus qu’au même moment, la perte de sens au travail semble être une des causes du désengagement en entreprise.

Il vous reste 49.77% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Intermittents du spectacle » : la première fois que « Le Monde » l’a écrit

Un cortège d’intermittents du spectacle, le 26 juin 2014, à Marseille.

En plein confinement, Florence Loiret-Caille, la Marie-Jeanne du Bureau des légendes, avouait dans Télérama qu’elle n’avait pas « son statut d’intermittente ». Et le lecteur découvrait qu’une actrice tenant un rôle important dans l’une des séries les plus regardées de ces dernières années pouvait galérer. Depuis près de vingt ans, l’intermittent du spectacle est certes devenu une figure récurrente des luttes sociales, mais une figure anonyme, métaphore de la fragilité du secteur culturel.

Florence Loiret-Caille lui a donné un visage au moment où la pandémie plongeait la culture dans une crise sans précédent. Début mai, Emmanuel Macron a annoncé que les 130 000 intermittents français auraient droit à une « année blanche » pour compenser ces semaines, devenues des mois, sans pouvoir travailler. En clair, ils verront leurs droits au chômage prolongés d’un an. Un geste fort adressé à un milieu qui se sent néanmoins délaissé. Dans son discours du 14 juin annonçant un déconfinement quasi total, le président de la République n’a pas fixé d’horizon susceptible de le rassurer.

Les occurrences du mot « intermittent » dans Le Monde sont un véritable baromètre des crises traversées par la culture. Il fait son apparition le 18 juin 1968 alors que les musiciens demandent la « revalorisation » de leur profession. « Chaque année, de nombreux instrumentistes sortent du Conservatoire. Trois perspectives s’ouvrent à eux : “décrocher le gros lot”, c’est-à-dire trouver un emploi à l’Opéra [] ou à l’Orchestre de Paris ; entrer dans un orchestre de variétés ; courir le cachet dans des ensembles occasionnels, à la radio ou comme professeur, c’est-à-dire dans une situation de chômeur intermittent. Aussi beaucoup abandonnent-ils la musique », déplore Jacques Lonchampt.

Les fragiles artisans de « l’imaginaire »

Deux ans plus tard, ce sont tous les professionnels du spectacle qui appellent à l’aide. « Pour le public, les artistes du spectacle demeurent des êtres qui bénéficient d’un niveau et d’un mode de vie privilégiés, des êtres “à part”, en somme ! Parce qu’ils participent à la création de l’“imaginaire”, on tend volontiers à considérer que leur existence quotidienne relève aussi de l’“imaginaire”, qu’elle échappe à ces contingences dont le monde moderne est loin de nous avoir délivrés », s’emporte, le 2 mars 1970, dans une tribune, Robert Sandrey, délégué général du Syndicat français des artistes-interprètes, qui constate : « Neuf dixièmes d’entre eux n’ont exercé leur profession qu’accidentellement. Le chômage s’est peu à peu installé dans nos professions comme un état normal : il peut être évalué à 80 %, partiel ou total. Ainsi, ces gens “à part” sont-ils surtout des gens “en marge”. »

Il vous reste 58.36% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le déficit de l’assurance-chômage atteint des proportions vertigineuses

Depuis sa création au début de la Ve République, l’assurance-chômage n’a jamais subi un séisme d’une telle magnitude. En 2020, elle pourrait être amenée à indemniser quelque 630 000 personnes supplémentaires, qui ont perdu leur emploi à cause de la crise entraînée par l’épidémie de Covid-19. Dans le même temps, ses finances plongeraient dans le rouge écarlate, avec un déficit susceptible d’atteindre 25,7 milliards d’euros en décembre prochain, soit un niveau 13,5 fois plus élevé en douze mois.

Ces chiffres vertigineux ont été dévoilés, jeudi 18 juin, lors d’une réunion du bureau de l’Unédic, l’association copilotée par les partenaires sociaux qui gèrent le dispositif. Des projections qu’il convient, toutefois, de prendre avec prudence car elles sont empreintes de « beaucoup d’aléas », du fait des incertitudes sur la croissance de l’économie, comme l’explique la note diffusée à cette occasion.

Lire aussi Activité, déficit, confiance… Le point en graphiques sur la crise actuelle et celle à venir

Reste que la crise, « inédite par son ampleur », a des conséquences ravageuses. Sous l’effet de la récession et des destructions de postes par centaines de milliers, le taux de chômage pourrait progresser en un an de près de trois points, passant de 8,1 % à la fin 2019 à 11 % douze mois après. Du coup, les allocations versées aux demandeurs d’emplois s’accroîtraient de 6,6 milliards d’euros en 2020. Mais l’Unédic fait face à une autre source de dépenses, encore plus importante : celle liée à l’activité partielle (ou chômage partiel), qu’elle finance pour un tiers, le solde étant pris en charge par l’État. Cette mesure pourrait coûter un peu plus de 10 milliards au régime.

Effondrement des ressources

Parallèlement, les ressources s’effondreraient de 16 %, pour plusieurs raisons : reports et exonérations de cotisations, baisse de la masse salariale sur laquelle sont assises les contributions à l’assurance-chômage – à la suite des réductions d’effectifs dans le privé –, recul des rentrées d’argent imputable à l’activité partielle (l’indemnité versée aux salariés étant exemptée de cotisations)… Résultat : un déficit abyssal, représentant les trois quarts des recettes attendues en 2020, et une dette qui s’envolerait à 63,1 milliards à la fin de l’année, contre 37,4 milliards en décembre 2019.

« Pendant combien de temps l’État acceptera-t-il de voir le déficit filer ? », s’interroge Jean-Pascal Higelé, maître de conférences à l’université de Lorraine

Comme d’autres secteurs de la protection sociale, l’Unédic encaisse un choc budgétaire d’une violence inouïe. « Les chiffres sont malheureusement en ligne avec la situation inédite que nous vivons », commente Eric Le Jaouen, président (Medef) de l’Unédic. Ils « traduisent la façon dont le régime est intervenu pendant la crise et interviendra très largement après », ajoute la vice-présidente (CFDT), Patricia Ferrand. Sous-entendu : l’assurance-chômage a rempli et continuera de remplir sa fonction d’amortisseur en faveur des salariés comme des employeurs : « Il n’y a pas de risque que l’Unédic ne verse pas leurs indemnités aux demandeurs d’emploi et aux entreprises qui ont recours au chômage partiel », affirme-t-elle.

Il vous reste 49.35% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Dans le Loir-et-Cher, un artisan du BTP jugé pour violences sur un inspecteur du travail

Le tribunal de grande instance de Blois (Loir-et-Cher), en juin 2018.

C’est un contrôle de routine dans un lotissement propret de Vendôme (Loir-et-Cher) : ce jeudi 14 mai, l’inspecteur du travail se présente face à un artisan plaquiste, alors affairé sur le mur d’une maison individuelle. La visite inopinée du chantier ne se passe pas comme prévu. Vincent Deray, treize ans d’ancienneté, est insulté, frappé au visage et jeté au sol. L’agresseur sera placé en garde à vue et l’inspecteur en sera quitte pour sept jours d’incapacité totale de travail.

L’audience se déroulait mercredi 17 juin, au tribunal de grande instance de Blois. « Il n’est vraiment pas acceptable que nos agents, qui se présentent seuls avec un papier et un crayon, soient violentés lors de leurs contrôles », estime Pierre Garcia, à la tête de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi pour le Centre-Val de Loire. Avec ses collègues, il est venu afficher son soutien à M. Deray. « Nous avons une mission de protection des travailleurs contre les risques d’accident. Vous n’imaginez pas comme même les petits échafaudages peuvent être dangereux quand les salariés ne sont pas protégés. Quand ils en tombent, c’est la tête ou la hanche fracturée. »

« Un cas de conscience »

Une décision de justice est attendue début juillet. D’après les réquisitions du procureur (quatre-vingt-dix jours-amende), une peine tenant compte du profil de l’accusé devrait être retenue. « Ce plaquiste est seul pour s’occuper d’un enfant handicapé. C’est un autoentrepreneur qui sort d’une longue période de RSA et a des antécédents judiciaires. Cela pose un cas de conscience », précise M. Garcia. « Malheureusement, c’est quelqu’un d’agressif dans ses relations. Il l’a encore démontré à l’audience. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’inspection du travail recrute de nouveaux profils pour favoriser le dialogue social

Il rappelle la mobilisation de ses 80 inspecteurs en cette période d’épidémie, en particulier dans les supermarchés, pour s’assurer de la sécurité sanitaire des caissières, mais aussi sur les plates-formes logistiques et dans les abattoirs, comme celui de Fleury-les-Aubrais (Loiret), où 56 des 397 salariés avaient été testés positifs au Covid-19.

Ces jours-ci, ces fonctionnaires veillent au respect du dispositif du chômage partiel. « Et là, on voit bien qu’on est en train de lever pas mal de lièvres, avec de gros enjeux financiers. Des gens ont été recrutés uniquement pour être mis au chômage partiel ! », lance M. Garcia. « En face de nous, on va avoir des réseaux criminels, quasi mafieux. Des employeurs risquent de péter les plombs. Il faudra redoubler d’attention. »

Frémissements sur le marché de l’emploi

« Les deux régions les plus touchées par la crise du Covid-19  connaissent logiquement le plus fort redémarrage : l’Ile-de-France et la région Grand Est »

Le nombre d’offres d’emploi déposées sur ses sites RegionsJob et ParisJob a connu un redémarrage en trombe, au point de regagner dès le début du mois de juin leur niveau d’avant-crise (soit 90 % par rapport à début janvier), révèle une étude d’Hellowork, un groupe détenteur de plusieurs plates-formes de recrutement. Serait-ce les prémices d’une reprise ?

Bien que cette annonce détonne sur un fond économique très sombre, d’autres sites d’offres d’emploi font le même constat. Le 8 juin, la plate-forme de recrutement par intérim Qapa faisait état d’un « regain spectaculaire », avec une hausse de 44 % du nombre d’offres d’emploi publiées sur son site depuis le 11 mai, et une augmentation de 42 % des offres d’emploi publiées sur les sites agrégateurs partenaires.

Lire aussi Des lueurs d’optimisme pour l’économie française : le diagnostic de l’Insee après le déconfinement

Le même jour, une autre plate-forme d’intérim, Mistertemp’group, parlait de « reprise significative suite au déconfinement », avec des secteurs qui redémarrent en flèche : +45 % pour la restauration par rapport à mi-mai, 32 % pour le tourisme, 28 % pour le BTP et 25 % pour la logistique.

Des signaux encourageants mais à interpréter avec précaution

Puis la direction des statistiques du ministère du travail (Dares) est venue entretenir cette lueur d’espoir : sur un panel de 13 sites d’emploi suivis par la Dares, le nombre d’offres publiées du 1er au 7 juin se situe à 86 % du niveau préconfinement, après une hausse particulièrement marquée fin mai. Pôle emploi observe aussi un mieux : avec 587 814 offres d’emplois diffusées le 18 juin, au lieu de 470 000 en mai et 330 000 en avril. Le recul sur un an est passé de 47 % en avril à 22 % en mai.

Encourageants, ces signaux doivent néanmoins être interprétés avec précaution. Partant d’un point bas fixé par cette crise d’une ampleur inédite, la croissance du nombre d’offres d’emploi est logiquement très forte. « Par rapport à l’an dernier, Mistertemp’reste encore à 50 % » dans des secteurs comme la restauration sur la même période en 2019, temporise un porte-parole de la plate-forme.

Le mois de juin est traditionnellement un « bon mois » en termes d’offres d’emploi : les entreprises recrutent pour les jobs d’été et les contrats de saisonniers tout en anticipant leurs embauches de septembre. « On commence à repartir sur des volumes quasi similaires qu’à la même période en 2019 », assure David Beaurepaire, directeur délégué d’HelloWork.

Il vous reste 53.96% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Si l’action publique a besoin d’un encadrement, elle doit aussi libérer l’initiative des acteurs de terrain »

Tribune. La bureaucratie a été mise en cause dans la gestion de la lutte contre l’épidémie en France. D’abord, dans l’approvisionnement en masques : l’Etat en a commandé d’énormes quantités qui ont tardé à arriver. L’explication est liée à nos règles de marchés publics qui prévoient une avance de 5 % du prix à la commande et le solde à la réception, là où les fournisseurs chinois exigent 75 % d’avance et 100 % avant expédition.

Ces exigences ont sans doute fini par être acceptées, mais trop tard pour ne pas s’être fait doubler par d’autres acheteurs. Ensuite, en ce qui concerne le manque de tests, les laboratoires vétérinaires départementaux et ceux des établissements de recherche possèdent des capacités d’analyse précieuses pour renforcer celles des hôpitaux et des laboratoires médicaux, mais lever les obstacles à leur participation à la lutte contre l’épidémie a été un combat.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Ségur de la santé » : « La crise sanitaire et sociale doit amener à un rebond »

Il a fallu attendre un décret, puis une réquisition par le préfet, assortie d’une supervision par un hôpital ou un laboratoire médical. Seuls certains y sont arrivés. Il a fallu franchir les barrières qui enferment le droit dans chaque domaine (santé humaine, santé animale, recherche…).

Une dérive bureaucratique

Enfin, dans la définition des « normes de déconfinement » à l’usage des écoles et des transports publics, celles-ci ont suscité la bronca d’une partie des maires et des entreprises de transport. Certes, le protocole de réouverture des écoles, par exemple, se présente comme un simple guide et non comme un règlement, mais son degré de détail (54 pages), et l’usage du présent à valeur impérative, ont fait craindre aux maires que chacune des mesures prescrites soit considérée comme une obligation, dont le non-respect engagerait leur responsabilité pénale.

A-t-on affaire à une dérive bureaucratique, qu’il suffirait de corriger ? Il est à craindre que non, tant les difficultés rencontrées tiennent aux caractéristiques de l’Etat, fondé sur la réglementation et la hiérarchie, dont le sociologue Max Weber a décrit la logique. Les activités sont réparties, conformément à des règles écrites, entre des acteurs dont les compétences sont soumises à des limitations bien définies. L’organisation de ces acteurs obéit au principe de hiérarchie.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Coronavirus : « Nous devons rester des citoyens engagés et critiques »

Toute la gestion s’effectue conformément à des règles générales, sans considération de la personne. Son succès a été indéniable : les privilèges et l’arbitraire ont été sinon abolis du moins réduits. En plongeant plus loin dans le passé, c’est la bureaucratie qui a permis, depuis l’Antiquité, d’organiser la coopération de milliers de personnes autour d’une action commune.

Il vous reste 62.3% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Coronavirus : le monde de la nuit crie au secours

Les discothèques – ici le O’Club, à Toulouse (Haute-Garonne), le 7 juin – seront les derniers établissements recevant du public à pouvoir rouvrir.

Dans les loges du Moulin-Rouge, les effets personnels éparpillés des danseuses témoignent d’un départ précipité. Sur les coiffeuses en bois, le gel hydroalcoolique côtoie depuis longtemps les trousses de maquillage. Romane, dont le costume orné de milliers de strass et de plumes repose dans le casier, a « tout laissé en plan ». « Je pensais vite revenir. »

Depuis le 13 mars, le mythique cabaret et ses 800 places sont plongés dans le silence et l’obscurité. « Nos portes n’ont jamais été closes aussi longtemps, rappelle Jean-Victor Clerico, son directeur général. Même pendant la seconde guerre mondiale, l’établissement continuait d’accueillir du public. » La moquette rouge n’est foulée que par le personnel de maintenance et de sécurité, qui œuvre à la réouverture du lieu.

Lire aussi Ce qu’il faut retenir des annonces du gouvernement sur la « phase 2 » du déconfinement

Quand ? La nuit se lamente de ne pas entendre un bruit. Ou alors des rires : ceux des députés lorsque l’un des leurs, Christophe Blanchet (LRM, Calvados), alerta pour la première fois à l’Assemblée sur le statut des discothèques, grandes absentes du processus de déconfinement. C’était le 19 mai. Neuf jours plus tard, le premier ministre, Edouard Philippe, les évoquait, pour dire qu’elles resteraient fermées au moins jusqu’au 21 juin. « Si on est capable de donner une date aux professionnels, cela leur donnera un espoir, insiste M. Blanchet. Il leur faut une réponse. Même si ça doit être septembre. »

Les loyers parfois à cinq chiffres, la difficulté de négocier avec les banques car le métier a mauvaise presse, il connaît : avant d’être député, il fut patron de boîte de nuit pendant vingt-quatre ans. Avec 38 collègues, il a écrit, mardi 16 juin, au chef du gouvernement pour alerter sur la nécessité « d’envisager une réouverture très rapide de ces établissements », avant l’été.

Vendredi 19 juin, le ministre de la culture, Franck Riester, a annoncé qu’il recevrait « très prochainement » des représentants du secteur des discothèques pour « trouver des solutions avec eux ». « Les conséquences sont dramatiques, c’est tout un secteur de l’économie qui est sinistré, avec une dimension culturelle puisqu’il y a toute la musique électronique qui est pénalisée par ce virus », s’est inquiété Franck Riester sur RTL.

Interdiction de fumer et contrôle d’alcoolémie

Le monde de la nuit revendique 42 000 emplois directs, souvent des jeunes dont le pécule accumulé l’été paiera le loyer et les études. Il craint une hémorragie, qui accélérerait l’érosion du secteur. Il reste 1 600 discothèques en France, moitié moins qu’il y a trente ans et 400 de moins que lors de la dernière étude de la Sacem, en 2013.

Il vous reste 64.31% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Plan de départs en vue chez Webedia

Marc Ladreit de Lacharrière, président du groupe Fimalacn dont Webedia est une filiale, et François Hollande, alors président de la République, le 10 mars 2015, dans les locaux du média en ligne à Paris.

« La vérité, il faut savoir la dire de manière assez brute… » C’est la mine grave et le costume sombre que Cédric Siré a annoncé la mise en place, jeudi 18 juin après-midi, lors d’une visioconférence, d’« un plan d’économies et [d’un] plan de départs » chez Webedia.

Graphique à l’appui, le fondateur et PDG du puissant groupe de médias numériques a tenté de démontrer que la baisse du chiffre d’affaires au cours de ces derniers mois (− 28 % en avril, − 39 % en mai) l’acculait à ces mesures drastiques. « Et les perspectives ne sont pas bonnes », a-t-il ajouté, estimant qu’il faudrait sans doute attendre 2023 pour que la société, qui chapeaute notamment PureMédias ou Allociné, retrouve la forme qu’elle affichait en 2019.

Lire aussi LeLive, qui se voulait « le premier média multiplate-forme en direct », vire à l’échec

Conséquence directe : « jusqu’à 80-90 personnes » devront quitter l’unité économique et sociale Webedia au plus vite (soit entre 10 % et 15 % des effectifs), et sur la base d’une rupture conventionnelle collective. Celle-ci doit toutefois d’abord être négociée avec les représentants des salariés, acceptée par le syndicat majoritaire dans l’entreprise, la CFDT, puis validée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. Les discussions se sont ouvertes lundi. « Il s’agit d’un PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] déguisé », dénonce une source syndicale SNJ-CGT, qui n’envisage pas d’apposer sa signature sur cet accord.

50 millions d’euros d’économies à réaliser

« Je m’attendais à ce qu’on nous annonce des réductions de coûts, des non-remplacements de CDD, mais pas un plan de départs », a admis un salarié, sonné. La crise sanitaire a porté des coups particulièrement durs aux sites Allociné (privé de films à promouvoir), Easyvoyage (privé de voyages et de vols à comparer), ou encore eSports Academy, la plate-forme consacrée à l’e-sport, quand Jeuxvideo.com ou la VOD sur abonnement ont bien marché. « Nos sites ont connu de très belles audiences, mais alors que la publicité est notre seule ressource, elle a disparu », justifie-t-on à la direction. Devant les salariés, Cédric Siré a déclaré : « Nous sommes impactés de manière structurelle. » Une réflexion est en cours pour cesser l’activité de jeux sur mobile, particulièrement fragilisée.

Au-delà de la rupture conventionnelle collective, le dirigeant lance un « plan recover » à base d’austérité : 50 millions d’euros d’économies devront être réalisées, grâce à des réductions de charges locatives, des diminutions de notes de frais, des renégociations de contrats fournisseurs, un gel des embauches et des augmentations, etc. Quant aux activités de services et de contenus du groupe, elles vont changer de modèle, a-t-il annoncé sans s’avancer sur les détails. Filiale du groupe Fimalac de Marc Ladreit de Lacharrière, Webedia a d’ores et déjà enregistré le départ de quelque 150 personnes au Brésil, en Espagne, en Allemagne ou encore aux Etats-Unis.

L’Unédic anticipe la destruction de 900 000 emplois salariés fin 2020 par rapport à fin 2019

L’Unédic, qui gère le régime d’assurance-chômage, anticipe la destruction de 900 000 emplois fin 2020 par rapport au quatrième trimestre 2019. Cela entraînerait l’indemnisation de 630 000 demandeurs d’emplois supplémentaires, a fait savoir, jeudi 18 juin, l’association paritaire dans un communiqué.

Selon ses prévisions, l’Unédic enregistrera un déficit de 25,7 milliards d’euros à la fin 2020, d’une « ampleur inédite ». Avant la crise du Covid-19, en février, l’Unédic tablait sur un déficit de 0,9 milliard et un retour à l’excédent à partir de 2021.

Pour la fin de l’année, l’Unédic anticipe également une dette de 63,1 milliards d’euros, liée pour moitié au financement du dispositif de chômage partiel, pour 29 % à l’augmentation des dépenses d’allocations-chômage et pour 19 % aux reports de cotisations.

Lire l’enquête : « Mon avenir, je n’y pense pas, sinon j’explose » : l’inquiétude et la colère de la « génération Covid » face à la crise économique

L’Unédic finance le tiers du dispositif d’activité partielle, le reste étant assumé par l’Etat. La dette avait déjà grimpé de 36,8 milliards fin décembre 2019 à 42,6 milliards au 23 avril, en raison du recours massif au chômage partiel depuis le confinement à la mi-mars. Depuis cette date, le solde de l’assurance-chômage s’est dégradé de 11,5 milliards d’euros. Pour se financer, l’Unédic a dû procéder à deux émissions d’obligations sociales à moyen terme, qui lui ont permis de lever « 8 milliards d’euros ».

Une hausse de 43 % des dépenses d’assurance-chômage

En 2020, les dépenses d’assurance-chômage progresseraient de 17,7 milliards d’euros, et « avoisineraient 59 milliards », une hausse de 43 % par rapport à 2019. Les recettes, issues des cotisations sociales, seraient, elles, en baisse de 16 % par rapport à 2019, à 33 milliards d’euros.

« L’assurance-chômage est traditionnellement quatre fois plus impactée dans ses finances par une crise que d’autres régimes de protection sociale, qui ne sont affectés que sur le volet recettes », rappelle l’organisme. « La question de la soutenabilité de la dette à moyen et long terme et de sa structure doit se poser, tout comme la pérennité et le fonctionnement de ce dispositif [de chômage partiel] qui ne dispose pas de recettes. Il appartient aux partenaires sociaux et au gouvernement de se prononcer », a estimé Eric Le Jaouen, président de l’Unédic.

Lire aussi Assurance-chômage, chômage partiel et emploi des jeunes : des concertations sont à venir

Le Monde avec AFP

Le gouvernement amorce une politique de relocalisation des médicaments

Emmanuel Macron visite le site de recherche et de production de vaccins de Sanofi, l’un des plus importants au monde, à Marcy-l’Etoile, le 16 juin.

Emmanuel Macron l’avait annoncé sans plus de détails, mardi 16 juin, lors de sa visite du site de production de vaccin de Sanofi Pasteur, à Marcy-l’Etoile, dans la banlieue de Lyon : la France doit relocaliser « certaines productions critiques », comme des principes actifs, mais aussi la recherche et la fabrication de médicaments et de vaccins, à plus haute valeur ajoutée. Il y va, selon le président de la République, de la sécurité sanitaire et de la souveraineté industrielle du pays.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’Etat et Sanofi s’associent dans la recherche d’un vaccin contre le Covid-19

Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, et la secrétaire d’Etat chargée des dossiers industriels au ministère de l’économie, Agnès Pannier-Runacher, ont annoncé de premières mesures, jeudi 18 juin, à l’issue d’une réunion du Comité stratégique de filière (CSF) des industries de santé. Il prévoit notamment de « renforcer les capacités de recherche de solutions thérapeutiques » contre le coronavirus, en France et dans le cadre d’une coopération européenne.

Les projets des laboratoires Abivax, Innate Pharma, Inotrem, Osivax, Xenothera et Genoscience ont été retenus, qu’il s’agisse de stratégies thérapeutiques ou d’approches technologiques, pour 78 millions d’euros en 2020. Et 120 millions aideront par ailleurs au déploiement de nouvelles lignes de production dans l’Hexagone. Un « appel à manifestation d’intérêt » a été lancé jeudi. Cette enveloppe de près de 200 millions en 2020 sera « amplifiée en 2021 pour financer de nouveaux projets ».

Près de 80 % des médicaments vendus en Europe contiennent des principes actifs importés d’Inde ou de Chine

Par ailleurs, de vives inquiétudes sont apparues, au début de la pandémie de Covid-19, sur une possible pénurie de paracétamol, la molécule prescrite contre la fièvre et les douleurs. « Des travaux sont engagés avec Seqens, Upsa et Sanofi pour que, d’ici à trois ans, la France soit en mesure de reproduire, conditionner et distribuer du paracétamol », annoncent les deux ministres. Le paracétamol n’est qu’un « premier exemple » de cette démarche de relocalisation. Si la France exporte déjà des médicaments à haute valeur ajoutée, la production du paracétamol répond à un enjeu de sécurité sanitaire.

Près de 80 % des médicaments vendus en Europe contiennent des principes actifs importés d’Inde ou de Chine. Ce qui pose la question de la sécurité d’approvisionnement. Et les tensions, voire les ruptures dans ce domaine, vont bien au-delà des principes actifs. « Nul ne peut concevoir, dit M. Véran, que la France soit un jour dans l’incapacité de permettre à chacun d’accéder à des soins, à des traitements et à des médicaments. »

Il vous reste 51.55% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.