L’association Les Affranchis de Bridgestone se porte en justice contre la fermeture de l’usine de Béthune

« Les salariés ne vont pas se laisser faire » : menés par leur avocat, Fiodor Rilov, Les Affranchis de Bridgestone se sont réunis, jeudi 19 novembre, pour exposer aux salariés leur plan de bataille. Une semaine après la confirmation de la fermeture de l’usine de pneumatiques de Béthune (Pas-de-Calais), cette jeune association a saisi en référé le tribunal judiciaire de Lille.

La manière de faire n’est pas commune : ce collectif d’une quarantaine de salariés s’est monté en réaction à l’action de l’intersyndicale de Bridgestone. David D’Hornes, président de l’association et ancien élu CGT du site, voulait « faire une action » et aller plus loin que des négociations qu’il juge infructueuses : « Dans les réunions, encore hier, les syndicats ont fait des propositions à la direction. Mais ils disent aux salariés d’attendre de voir ce qu’il en est du PSE [plan de sauvegarde de l’emploi]… Pour nous, ce n’est pas correct ! »

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Les Affranchis reprochent aux syndicats de vouloir simplement limiter la casse et au gouvernement de se focaliser sur la reprise de l’usine. La ministre déléguée chargée de l’industrie, Agnès Pannier-Runacher, a déclaré, mercredi 18 novembre, que le fabricant japonais devait « aider à la reprise quel que soit le repreneur » et « améliorer le plan » de départ des 863 salariés concernés.

« Délai de préavis »

L’action en justice de l’association vise à retarder la fermeture du site. « Nous allons demander au président du tribunal d’ordonner la poursuite des relations commerciales entre Bridgestone France et Bridgestone Europe », a précisé Fiodor Rilov, avocat en droit social connu pour avoir défendu les salariés de Goodyear, Continental et Whirlpool. La production de la filiale française repose entièrement sur le site de Béthune, et Bridgestone Europe, holding établie en Belgique, lui achète la totalité de sa production.

La fin de Béthune, c’est donc la fin de Bridgestone France. Or « un article du code de commerce exige que, lorsqu’un contrat commercial dans une telle dépendance est rompu, il faut respecter un délai de préavis de maximum dix-huit mois », a signalé l’avocat. Compte tenu de la situation, les Affranchis espèrent ainsi obtenir une poursuite de la production et une survie des emplois pendant un an et demi.

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En visant cette prolongation, les salariés espèrent faire revenir le groupe sur son projet de fermeture. Une seconde procédure devrait suivre, pour outrepasser une direction française jugée impuissante par l’avocat : l’association souhaite saisir le tribunal de commerce pour demander la nomination d’un administrateur provisoire pour prendre en main Bridgestone France, et l’empêcher de « se faire hara-kiri ».

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Covid-19 : les aéroports français réclament l’aide de l’Etat pour passer la crise

A l’aéroport de Bruxelles-National, à Zaventem, en Belgique, le 15 juin 2020.

Combien d’aéroports européens ne passeront pas l’hiver ? A l’occasion de son assemblée générale annuelle, mardi 17 novembre, le Conseil international des aéroports européens (ACI Europe) a tiré la sonnette d’alarme. Selon l’association, qui représente 500 des 750 aéroports dans 46 pays européens, 193 d’entre eux seraient au bord de la faillite. « Nous tirons déjà nos dernières cartouches, et la crise continue à s’aggraver », s’est inquiété Olivier Jankovec, directeur général d’ACI Europe.

La pandémie de Covid-19 a bousculé l’économie des aéroports, principalement fondée sur les recettes tirées des passagers. Mais ces derniers se font désormais rares dans les aérogares. En 2020, les aéroports ont perdu près de 1,5 milliard de passagers. En même temps que leurs clients, les plates-formes ont perdu leurs rentrées. Leurs pertes se montent actuellement encore à 350 millions d’euros par semaine. Un peu moins élevées qu’au deuxième trimestre, quand elles atteignaient 600 millions d’euros par semaine. En revanche, les aides des Etats ont été bien maigres. Quand les compagnies aériennes européennes ont déjà reçu près de 32 milliards d’euros d’aides, les aéroports n’ont eu droit qu’à un soutien limité de 840 millions d’euros, dénonce l’ACI.

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En France, l’Union des aéroports français (UAF) appelle l’Etat à mettre la main à la poche. Il y a urgence. « En 2020, l’activité des aéroports atteindra seulement 15 % à 20 % de celle de 2019 », s’inquiète Thomas Juin, président de l’UAF. Pour éviter « les cessations de paiements » et leur cortège de licenciements, l’UAF a rédigé un cahier de doléances. Faute de recettes, elle réclame à l’Etat une provision de 500 millions d’euros, versés « dès le premier trimestre 2021 », pour financer les missions régaliennes telles que la sûreté aéroportuaire.

200 000 salariés

Elle souhaite aussi la prolongation du dispositif d’activité partielle pour six mois et la mise en place, sans tarder, de tests antigéniques, notamment entre les pays de l’Union européenne, « pour éviter les quarantaines ». Pour l’UAF, ces « mesures conservatoires » ont pour objectif de « protéger l’écosystème » des aéroports français. Un secteur qui emploie de façon directe et indirecte jusqu’à 200 000 salariés. Le syndicat des aéroports assure « qu’il faut profiter de l’hiver, saison traditionnellement basse pour le transport aérien, pour être prêt en avril 2021, pour le redémarrage de l’activité ».

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Formation professionnelle : une application mobile qui est entrée dans les usages, en un an

Un an presque jour pour jour après son lancement, l’heure du bilan est venue pour l’application mobile et le site Internet MonCompteFormation. Il est positif, aux dires de tous ceux qui ont porté sur les fonts baptismaux cet outil intégré dans une réforme plus vaste dont le but est de renforcer les qualifications des travailleurs – quel que soit leur statut. Les partenaires sociaux sont plus circonspects, plusieurs syndicats continuant d’exprimer leur désapprobation.

Depuis le 21 novembre 2019, près de 957 000 demandes de formation ont été acceptées par le biais de ce mécanisme, selon des chiffres communiqués, mercredi 18 novembre, par la Caisse des dépôts et consignations, qui gère les comptes personnels de formation (CPF) et l’application associée à ceux-ci. Présenté comme unique au monde au moment de sa mise en place, cet instrument digital a pour but de permettre à quelque 28 millions d’actifs – salariés, fonctionnaires, indépendants, demandeurs d’emploi – de choisir un organisme qui leur apportera des compétences supplémentaires.

Les personnes ont la faculté de financer un stage grâce à l’argent porté au crédit de leur CPF, sans passer par un inter­médiaire, la démarche étant réalisable à partir d’un smartphone. La somme à laquelle chaque individu a droit peut, au maximum, atteindre 5 000 euros (8 000 euros pour les peu qualifiés). Des sommes complémentaires, qualifiées d’« abondements », peuvent, par ailleurs, être attribuées par Pôle emploi et par les entreprises. Un chambardement de taille, ne serait-ce qu’à cause de l’unité de compte désormais en vigueur : on raisonne en euros, donc – et non plus en heures de formation –, dans l’optique de rendre le CPF plus attractif et d’inciter ainsi les bénéficiaires à prendre leur destin professionnel en main.

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Objectif atteint

Il y a un an, l’ambition de Muriel Pénicaud, alors ministre du travail, était de voir 1 million de personnes mobiliser MonCompteFormation. L’objectif paraît donc atteint. « C’est un succès populaire et un grand motif de fierté », affirme Antoine Foucher, le directeur de cabinet de Mme Pénicaud quand celle-ci était membre du gouvernement (mai 2017-juillet 2020). Les chiffres sont « assez impressionnants, tant du point de vue quantitatif que qualitatif », enchaîne Michel Yahiel, responsable de la direction au sein de la Caisse des dépôts qui pilote le dispositif. D’après lui, des publics, qui, jusqu’à présent, étaient les parents pauvres du système de formation, sont désormais mieux lotis : deux tiers des demandes « émanent d’employés, d’ouvriers ou de techniciens », selon les éléments diffusés mercredi par la Caisse ; près de quatre personnes sur dix désirant se former « ont un niveau BEP/CEP ou en dessous ». M. Yahiel ajoute qu’il y a également plus de femmes et d’actifs ayant au moins 45 ans qu’auparavant.

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Technicolor : 102 emplois supprimés et « une délocalisation massive des activités rennaises vers l’Inde »

Le couperet est tombé pour l’ancienne Thomson Multimedia, ultime espoir français dans l’électronique grand public. Syndicats de salariés et élus du comité social et économique (CSE) de Technicolor Rennes ont annoncé, mercredi 18 novembre, avoir signé un plan de la direction qui prévoit de supprimer 102 emplois ainsi qu’« une délocalisation massive des activités rennaises vers l’Inde ».

Cet accord prévoit de supprimer 35 % des effectifs, c’est-à-dire 102 postes sur les 286 du site de Cesson-Sévigné, commune contiguë à Rennes, et de délocaliser vers l’Inde les activités de recherche et développement du site, notamment l’intégration logicielle.

Spécialiste de la maison connectée, Technicolor Rennes développe des passerelles d’accès à Internet pour les opérateurs de téléphonie et d’Internet et des décodeurs.

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Dans un communiqué, les élus du personnel CFDT, CFE-CGC et SUD disent n’avoir « pas eu d’autre choix que de signer un accord majoritaire pour sécuriser a minima des mesures d’accompagnement aux futurs salariés licenciés ».

Selon Nicolas Grelier, délégué CFE-CGC et porte-parole de l’intersyndicale, le projet de la direction a surpris les salariés, d’autant que « le site de Rennes était plutôt en surcharge de travail qu’en sous-charge ». « On avait demandé que la direction ne fasse pas ce plan », a-t-il déclaré à l’AFP.

Nombreuses pertes induites

Dans leur communiqué, les élus du personnel se disent convaincus que le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) « met en péril l’avenir du site et plus largement celui de la division Maison connectée ».

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Selon eux, « les pertes induites sont nombreuses : perte de savoir-faire, perte de clients, perte de compétitivité, perte de confiance des salariés restants, perte des capacités d’innovation » et « celles-ci ne pourront pas être compensées comme l’escompte la direction par une délocalisation massive des activités rennaises vers l’Inde ».

« La direction américaine avait commencé à délocaliser en Inde les années précédentes. On sentait bien qu’ils envisageaient quelque chose comme cela en début de cette année ou en fin d’année prochaine, mais on ne s’attendait pas à quelque chose d’aussi tôt et sur autant de postes concernés », a souligné M. Grelier.

L’accord signé doit encore être validé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte). Les salariés auront alors jusqu’au 15 janvier pour quitter l’entreprise, sur la base du volontariat, avant que soient notifiés les licenciements à partir du 1er février.

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Le Monde avec AFP

Télétravail : une négociation moins tendue mais toujours incertaine

La négociation entre partenaires sociaux sur le télétravail a-t-elle encore une chance de déboucher sur un compromis ? C’est ce que faisait mine de croire le Medef, mardi 17 novembre, après une séance de discussions qui s’est achevée en début de soirée. « On continue à avancer », a souligné son chef de file sur le sujet, Hubert Mongon, vantant « un climat de travail serein ». Il est même allé jusqu’à qualifier le prochain et dernier rendez-vous sur le dossier, programmé le 23 novembre, de « réunion conclusive », avec « des chances réalistes, raisonnables d’aboutir ». Un optimisme prudent, que certains syndicats, dont la CFDT, ne sont pas loin de partager. « Il y a une volonté de notre part d’aller jusqu’au bout, car la porte est ouverte et il faut tout faire pour qu’on trouve une issue positive », a déclaré Catherine Pinchaut, la représentante de la centrale cédétiste.

Le changement de ton est notable. Le 10 novembre, au terme de la précédente rencontre, les organisations de salariés avaient exprimé leur exaspération face au refus persistant des mouvements d’employeurs d’un accord national interprofessionnel (ANI) qui contiendrait des normes s’imposant à toutes les entreprises. « Il ne va pas falloir qu’on nous mène en bateau trop longtemps », avait tempêté Mme Pinchaut.

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Une nouvelle rencontre aurait dû avoir lieu trois jours plus tard, mais elle a été annulée à la dernière minute à la demande du patronat, certains de ses représentants étant invités, de façon impromptue, à participer à une autre réunion avec le ministère du travail.

Lundi soir, le patronat a envoyé aux syndicats un projet d’accord qui est fidèle à la ligne qu’il s’était fixée : le texte de 17 pages n’est ni prescriptif ni normatif, contrairement à ce que souhaiteraient les confédérations de salariés. « On écrit beaucoup le verbe “pouvoir” alors que les syndicats voudraient que l’on utilise celui de “devoir” », résume Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). A tel point que, du côté des organisations d’employeurs, certains s’attendaient à une levée de boucliers. Tel ne fut pas le cas, à en croire M. Chevée : « On a trouvé des syndicats qui semblent avoir évolué sur le sujet, indique-t-il au Monde. On a été surpris de ce revirement, notamment de la part de la CFDT. »

« Saupoudrage »

Mme Pinchaut a estimé que la copie présentée par les organisations d’employeurs contenait quelques « avancées », notamment sur le « double volontariat » (celui du salarié et celui du chef d’entreprise) pour instaurer l’activité à distance, ou encore sur la « réversibilité » – c’est-à-dire la possibilité d’organiser le retour du travailleur dans les locaux de sa société. Un avis partagé par Béatrice Clicq (Force ouvrière), qui a aussi évoqué « des avancées » mais « dont les formulations restent très timides ». « Le match est rude mais on espère toujours une sortie positive », a-t-elle complété.

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Dialogue social connecté: directions et syndicats cherchent leurs marques

En matière de relations sociales aussi, il y aura un avant et un après-Covid-19. Depuis le premier confinement de mars, de nombreux freins ont été levés pour négocier en « virtuel ». Directions et syndicats se sont depuis retrouvés régulièrement, chacun derrière son écran, pour tenir les comités sociaux et économiques (CSE).

Ce mode de négociation partait quasiment de zéro : même « dans le cadre de nos travaux de 2019 relatifs à l’impact du numérique sur le dialogue social, rares étaient les exemples de digitalisation des réunions des instances du personnel, » rappelle Maud Stéphan, déléguée générale de Réalités du dialogue social (RDS), une association qui regroupe entreprises, structures publiques et organisations syndicales salariales et patronales. Mais elle en est persuadée : « Le numérique va continuer à s’ancrer dans les mœurs. »

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Un avis partagé par les partenaires sociaux. Elsa Martinez, chargée de mission à RDS, a mené une série d’entretiens en juin et juillet, dont il ressort que « 9 des 10 DRH interrogés souhaitent continuer à utiliser le digital dans leurs relations avec les instances représentatives du personnel (IRP). C’est également l’avis de 10 des 12 élus interrogés. »

Pas la même maîtrise des outils

Tout le monde reconnaît l’efficacité des réunions à distance, qui donnent lieu à moins de théâtralité et de digressions, et leur plus grande réactivité (il est possible de tenir plus de réunions et plus souvent). Sibylle Quéré-Becker, directrice du développement social d’Axa France, souligne « la qualité d’écoute et le respect dans la prise de parole ». Autre atout, le numérique permet la participation de membres de la direction, comme le PDG ou le DRH monde, souvent contraints par le temps. « Cela peut être un facteur de valorisation du dialogue social », estime Gilles Lécuelle, secrétaire national chargé du dialogue social à la CFE-CGC.

Mais directions et syndicats s’accordent aussi sur les difficultés rencontrées – tout le monde n’a pas la même maîtrise des outils – et la fatigue, voire l’épuisement, liés à la densité des échanges lors de ces réunions. Et les relations en intersyndicale sont rendues beaucoup plus difficiles. « Avec le digital, c’est un pan du dialogue informel qui disparaît, regrette Jérôme Chemin, secrétaire général adjoint de la CFDT Cadres. On a l’habitude de se voir entre syndicats à la sortie de la réunion ou à la machine à café. »

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D’ailleurs personne ne veut du tout digital. « Les relations sociales restent un travail de proximité où le non-verbal est important, explique Eric Bousquet, directeur des relations sociales du groupe Orange. Nous devons, avec les organisations syndicales, trouver le juste équilibre entre le tout à distance et le tout présentiel. »

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Le 100 % télétravail reste un modèle d’exception

Chronique. Plus de six mois déjà que les 2 300 salariés d’ADP ne sont pas revenus à leur bureau. Et ils n’y retourneront pas de sitôt. « Pas avant janvier au minimum ! On ne sera pas les premiers à rentrer : nous serons prudents », précise Carlos Fontelas de Carvalho, le président d’ADP France.

ADP, le spécialiste du logiciel de paie, a donc fait le choix du 100 % télétravail dès le premier confinement. Il reste bien un responsable par établissement pour gérer les entreprises sous-traitantes qui entretiennent le site en attendant l’après-crise, mais « En avril, on savait que la situation allait perdurer et qu’un retour au bureau incertain risquait de provoquer plus de déstabilisations des salariés, explique M. Carvalho. Dès lors on s’est demandé comment améliorer les conditions de télétravail et il n’y a pas eu de stress lors du reconfinement ».

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Un « drive » a été organisé sur tous les sites de France. « On a une application avec une liste préétablie de tout ce qu’on peut venir récupérer en voiture fauteuil, ordinateur et autres matériels. On a aussi besoin d’un double écran pour travailler, au début je n’y avais pas pensé. Pour le contenu des caissons, il suffisait d’appeler les services généraux qui l’ont préparé pour le drive, même si je n’ai pas osé réclamer ma paire d’escarpins rouges, j’avoue », reconnaît Frédérique Lorentz, responsable expérience clients d’ADP. Ceux qui n’avaient pas de bureau ont pu s’en acheter un, pris en charge jusqu’à 150 euros, et la prime prévue par les accords de télétravail a été étendue à tout le monde : 40 euros par mois pour les frais domestiques (Internet, électricité, etc..) plus des tickets-restaurants.

Ce mode de travail ne convient pas à tout le monde

Mais « le 100 % télétravail n’est pas une voie d’avenir, assure M. Carvalho. Après la crise, on s’organisera peut-être différemment, les accords changeront sans doute, mais les salariés veulent rejoindre leurs collègues ».

Chez Dalibo, au contraire, le 100 % télétravail est pérenne. La société de services informatiques a été créée il y a quinze ans sur ce type d’organisation. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des bureaux où se tenaient des réunions trimestrielles avant le Covid. Pour le reste, c’est chacun chez soi ou en espace de coworking pour ceux qui n’ont pas d’espace de travail à domicile. « On ne paie ni le chauffage ni l’électricité, mais une prime de 5 600 euros par an est versée à tous les salariés, plus 500 euros de budget annuel pour changer de matériel », explique Virginie Jourdan, la responsable RH.

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Le Covid n’accélère que les innovations d’un futur désirable

Entreprises. Comme les grandes guerres et les catastrophes naturelles, la pandémie de Covid-19 constitue un accélérateur puissant pour de nombreuses innovations. Elle a banalisé le télétravail, suscité l’invention de socialités « distanciées » et forcé à largement transgresser les règles réputées inviolables de la rigueur budgétaire. Mais comment les grandes crises stimulent-elles la créativité collective ? Pour le sens commun, « nécessité fait loi » et « l’urgence commande ».

Mais il ne s’agit là que d’une partie de la réponse : ni la nécessité ni l’urgence ne suffisent, en général, à nous rendre inventifs. La recherche sur les entreprises innovantes a ainsi confirmé que le processus créatif exige deux mécanismes distincts et complémentaires que l’on retrouve dans les crises : d’une part, de rompre avec le connu et, d’autre part, de consentir à des efforts collectifs inédits pour la conception de solutions techniques et sociales inconnues (Pascal Le Masson, « Innovation de rupture : une question de méthode », The Conversation, 15 mars 2018).

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En effet, la grande crise impose, d’abord, l’abandon des techniques, des habitudes et des lois les plus familières. Se produit ainsi une « défixation » : ce que l’on croyait vrai ou indispensable devient faux ou inaccessible. Avec le Covid-19, ce sont les socialités les plus humaines qui sont brutalement à rejeter.

Les solutions à une grande crise

La nécessité force donc surtout à défaire la loi ! Et c’est ce grand vide qui ouvre une voie inespérée à des innovations qui existaient de façon latente ou marginale, et qui peuvent désormais pallier les ruptures de la vie commune. La visioconférence, le télétravail, le commerce en ligne sont ainsi entrés dans la norme.

Reste que les solutions qui mettent fin à une grande crise relèvent en général de l’inconnu. L’inconcevable et l’utopie deviennent alors désirables, acceptables et même impératifs ! Il apparaît rationnel et légitime de consacrer d’énormes efforts humains et matériels à des projets très risqués à la fois dans leurs résultats et dans leurs méthodes. La seconde guerre mondiale a favorisé les recherches les plus « folles » : la bombe atomique, la technique du radar et la production massive de pénicilline.

Cet engagement stimule aussi des actions collectives novatrices et jusque-là impensables : en 1914, les célèbres taxis de la Marne ont pallié le manque de transports militaires. En 1944, le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) annonce l’Etat-providence. Face au Covid-19, une course au vaccin s’est engagée, avec une vitesse et des moyens financiers jamais vus et sans certitude d’aboutir. Et il nous faut impérativement inventer des formes inédites de la solidarité et de la dette, puisque les « lois » économiques habituelles ont été rompues au-delà de tout précèdent.

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« La valeur perçue en marketing »: un outil de décision

Livre. Parmi les courants qui balaient l’histoire du marketing, une notion a su résister au fil du temps : la valeur perçue. Mise en lumière par certains travaux pionniers dans les années 1980, celle-ci est devenue une notion centrale de la recherche en marketing. Contrairement à d’autres concepts, l’intérêt du monde académique pour cette notion n’a pas faibli. Tour à tour, les chercheurs se sont interrogés sur ce qu’est la valeur perçue pour le client, sur la manière de la mesurer, sur ce qui peut contribuer à l’accroître ou encore sur ses impacts en matière de satisfaction, de fidélité ou de profitabilité.

La valeur perçue n’a pas cessé d’évoluer au gré des approches théoriques qui la mobilisent ou en fonction des contextes empiriques dans lesquels elle a été étudiée. Cette plasticité a également contribué à « l’émergence d’une littérature dense et complexe, débouchant sur de nombreuses confusions autour de cette notion », estiment Rémi Mencarelli et Arnaud Rivière dans leur essai sur La Valeur perçue en marketing.

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L’ouvrage, réalisé sous la direction des professeurs des universités en marketing à l’Institut d’administration des entreprises (IAE) Savoie-Mont Blanc et à l’IAE de l’université de Tours, présente une vue d’ensemble des recherches et met en avant les dernières avancées scientifiques sur le concept.

La quête de sens

Sur le plan managérial, la valeur perçue est reconnue comme un outil de décision puissant pour les praticiens quel que soit le secteur ou le type d’organisation analysé : dans la presse, les musées, les organisations sportives, le secteur agroalimentaire ou encore celui du tourisme. Lydie Bonnefoy-Claudet a, par exemple, étudié le cas des stations d’hiver, confrontées à des défis majeurs liés aux effets du changement climatique : les consommateurs cherchant à s’inscrire dans d’autres formes de tourisme.

La maîtresse de conférences à l’IAE Savoie-Mont Blanc a ainsi analysé ce qui fait la valeur perçue d’un séjour en station de ski pour en créer une mesure et mettre au jour plusieurs stratégies de positionnement susceptibles de redynamiser l’activité des stations de sport d’hiver.

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L’ouvrage souhaite enfin stimuler les recherches futures sur ce sujet. En l’espace de vingt ans, l’accélération de la transformation numérique, l’impératif de transition écologique et la quête grandissante de sens de nombreux citoyens consommateurs ont remis en cause les modèles traditionnels de création de valeur, qui demeurent à la fois très actuels sur de nombreux marchés mais inopérants sur d’autres, dans la mesure où les règles du jeu ont changé.

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Les éboueurs de Paris en grève « reconductible et indéterminée » pour l’amélioration de leurs conditions de travail

Amoncellement de dépliants de la Mairie de Paris jetés par les éboueurs et les égoutiers grévistes au bas de l’immeuble de la direction de la propreté et de l'eau, avenue de France, dans le 13e arrondissement, mardi 17 novembre.

Ils ont envahi le toit de la direction de la propreté et de l’eau (DPE) de la Ville de Paris en fin de matinée, lançant de là-haut, sur l’avenue de France, une pluie de dépliants municipaux consacrés à la gestion des déchets : les éboueurs et les égoutiers de Paris sont entrés mardi 17 novembre en grève « reconductible et indéterminée » à l’appel du syndicat CGT-FTDNEEA (Filière traitement des déchets, nettoiement, eau, égouts, assainissement), après un préavis déposé le 5 novembre.

Ce mouvement affecte, selon la Ville, « le ramassage des poubelles à environ 50 % ». La collecte des déchets est publique dans dix des vingt arrondissements de la capitale.

Des dizaines d’autres grévistes, restés en bas, ont brûlé quelques poubelles en fin de matinée, occasionnant une épaisse fumée noire. Au centre de leurs griefs, la loi de transformation de la fonction publique. « On va perdre huit jours de congés et onze RTT, notre droit de grève sera soumis à déclaration préalable comme à la RATP, et le système d’attribution des primes nous paraît beaucoup plus arbitraire », ont dénoncé des éboueurs auprès du Monde, rappelant aussi que le point d’indice qui sert à calculer leur rémunération est « gelé, surgelé, congelé même ! ».

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Ces derniers sont également amers face au peu d’aménagements des conditions de travail mis en place pour ce second confinement, et surtout à propos de la disparition de la prime de 35 euros par jour à laquelle ils avaient eu droit. « Ce confinement-là n’a rien à voir. Ils sont loin les héros, maintenant on vaut plus rien », confiait un éboueur.

Des grévistes occupent le toit de la direction de la propreté et de l'eau de la Ville de Paris, pendant que d'autres, en bas, brûlent des poubelles, avenue de France, le 17 novembre 2020.

Dans sa longue liste de revendications détaillées lors d’une prise de parole, Régis Vieceli, secrétaire général de la CGT-FTDNEEA, a également réclamé la « remunicipalisation des missions confiées à des entreprises privées ». Lui et d’autres grévistes occupaient toujours le toit de la DPE mardi à 21 h 30 et ont annoncé au Monde leur intention d’y passer la nuit.

La sécurité des agents en jeu

« Vingt pour-cent des agents de la propreté et des égoutiers sont aujourd’hui grévistes », a annoncé Colombe Brossel, la maire adjointe chargée de la propreté de l’espace public. Les services de collecte des déchets « ont pu assurer 50 % des sorties dans les arrondissements » a-t-elle assuré. Dans les arrondissements où le ramassage n’a pas été effectué, la municipalité assure solliciter « des équipes pour rattraper du mieux que possible (…) ce qu’il reste ».

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Benjamin Raigneau, à la tête de la direction de la propreté et de l’eau de la Ville, a assuré « multiplier les espaces de dialogue » avec les organisations syndicales, afin d’aborder notamment « les éléments de prévention dans le contexte de la crise du Covid-19 ou des éléments plus structurants dans le service public de la propreté ».

M. Raigneau a rappelé que les discussions ne pourraient avoir lieu « dans un contexte où la sécurité de nos agents n’est pas garantie », regrettant l’introduction de manifestants avec « des éléments inflammables » sur le toit d’un bâtiment municipal. Le représentant de la CGT-FTDNEEA a précisé que ces bonbonnes de gaz n’avaient pour but que de leur permettre de se faire à dîner.

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