Bonus-malus, charges, fiscalité… Les affaires qui fragmentent le gouvernement et les patrons
Lutte contre la précarité
C’est le mot à ne pas dire face aux délégués des employeurs : bonus-malus. Inscrite dans le plan de campagne d’Emmanuel Macron, cette mesure vise à réduire le recours abusif aux contrats courts en majorant les cotisations des sociétés où la main-d’œuvre tourne fréquemment et en diminuant celles payées par les entreprises dont les effectifs sont relativement stables. Une idée rivalisée par le patronat. Les syndicats, eux, y sont très favorables, au point d’en faire une de leurs revendications dans le cadre de la négociation Unédic qui a été engagée en novembre 2018 afin de redéfinir les règles de l’assurance-chômage.
Le 24 janvier, Macron a de nouveau exposé son souhait d’instaurer le bonus-malus, « parce que c’est vertueux ». Ses propos ont passablement irrité le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P), qui ont, du même coup, suspendu leur participation aux discussions sur l’Unédic. La bouderie n’a duré que quelques jours, le premier ministre ayant, en substance, assuré que rien n’est arbitré et que le gouvernement est prêt à étudier les suggestions du patronat pour combattre la précarité. Celles-ci doivent d’ailleurs être détaillées, jeudi 14 février, à l’occasion d’une nouvelle séance de négociations sur l’assurance-chômage. D’après Alain Griset, le président de l’U2P, des offres pourraient être avancées particulièrement pour mieux réguler les CDD d’usage, un statut ultraflexible. Toute la question est de savoir si ces concessions permettront d’aboutir à un accord avec les syndicats, et de satisfaire l’exécutif.
Coût du travail
Le gouvernement va-t-il remettre en cause certains allégements de cotisations ? La question est revenue mi-janvier, avec la publication d’une note du Conseil d’analyse économique. Le think tank, rattaché à Matignon, préconise de concentrer les baisses de charges accordées aux employeurs sur le bas de l’échelle des salaires. Il déclare qu’au-delà de 1,6 smic, de tels coups de pouce n’ont « aucun impact sur la compétitivité » et très peu sur l’emploi.
Des fins qui ont fait sauter les industriels, car, dans leur société, une large partie des rémunérations est située au-dessus de ce seuil. Les « allégements sur les secteurs exposés » à la concurrence internationale doivent être soutenus, ont plaidé Pierre-André de Chalendar, le PDG de Saint-Gobain, et Louis Gallois, président du conseil de surveillance de PSA, dans une tribune publiée, mardi 12 février, dans Les Echos. « Nous regardons tous les débats et nous travaillons. On n’en est pas au moment des décisions », indique-t-on au cabinet de Bruno Le Maire, le ministre de l’économie.
Fiscalité
Le poids des impôts reste un grief récurrent. « Le gouvernement a choisi de favoriser l’attractivité de la France à travers la baisse d’impôts sur les sociétés [qui doit descendre à 25 % d’ici à 2022]. C’est une bonne chose, mais il y avait plus urgent », estime-t-on chez France Industrie, l’organisation professionnelle du secteur. Un dossier reste en travers de la gorge des patrons : les impôts de production, ces saisies qui se mettent sur le chiffre d’affaires des entreprises, qu’elles engrangent ou non des bénéfices. Ouvert au printemps 2018 – dans l’optique d’alléger le fardeau –, le dossier semble avoir du plomb dans l’aile, aujourd’hui. « C’est toujours dans le spectre : si on dégage des marges budgétaires, on le fera », assure l’entourage de M. Le Maire. Le 28 janvier, le ministre de l’économie a, une autre fois, relevé que « la France garde un problème de compétitivité », mais il a préféré vanter la bascule du CICE en réduction durable de cotisations, la diminution de la fiscalité du capital et « les dispositions de [la loi] Pacte », qui sera tranchée au printemps et « permettr[a] de renforcer le financement de nos entreprises en fonds propres et non en dette ».