Avec la sous-traitance, des accidents du travail en cascade
Le 21 février 2022, vers 11 h 05, une assistante sociale du Centre d’action sociale de la Ville de Paris (CASVP), dont le bureau est situé au rez-de-chaussée, entend trois chocs provenant de la rue. Moussa Gassama, qui lavait les vitres, vient de tomber de près de 5 mètres de haut. Il meurt des suites de ses blessures quelques jours plus tard, le 5 mars 2022, à l’âge de 58 ans, laissant derrière lui une veuve et leurs cinq enfants.
Employé d’une société prestataire de nettoyage de la « vitrerie d’accès facile » – c’est-à-dire de plain-pied et sans moyen d’élévation –, « M. Gassama serait monté sur un escabeau puis sur le rebord de la fenêtre afin de nettoyer l’extérieur des vitres », indique l’analyse du bureau de prévention santé du CASVP. Selon son employeur, Maintenance Industrie, cette mission pouvait être réalisée à l’aide d’une simple perche télescopique, mise à disposition. Perche qui n’a pas été retrouvée sur les lieux du drame, d’après l’enquête réclamée par les syndicats de l’entreprise donneuse d’ordre.
En 2022, l’Assurance-maladie a dénombré 738 décès parmi les accidents du travail reconnus, soit deux morts par jour. Combien sont liés à la sous-traitance ? Difficile à dire, car le rapport annuel de l’institution ne le précise pas. L’enquête statistique « Conditions de travail et risques psychosociaux » de l’Institut national de la statistique et des études économiques et de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), non plus. Publiée en septembre 2023, elle recense les accidents du travail en interrogeant les salariés en activité. Elle souligne toutefois que ceux en sous-traitance sont bien plus exposés aux accidents.
La course au temps
« Les entreprises, en extériorisant l’emploi, sous-traitent par là même les risques associés au travail, expliquent les économistes Corinne Perraudin et Nadine Thévenot, autrices de l’étude. Quarante-neuf pour cent des preneurs d’ordre [sous-traitants] sont dans au moins une situation de risques pour un pourcentage important de leurs salariés, contre 34 % des établissements qui sont seulement donneurs d’ordre pour leur activité principale. »
En outre, les postures pénibles ou la manipulation de charges lourdes concernent deux fois plus d’entreprises sous-traitantes que donneuses d’ordre, selon la Dares. Course au temps, exigence de rendement, manque d’information… Que ce soit sous la pression économique des contrats ou sous celle d’un agenda politique, comme celui des Jeux olympiques, les risques sont pris aux dépens des salariés quand les délais imposés aux entreprises ne sont plus en phase avec l’idéal de production.
Il vous reste 75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.