Assurance-chômage : Yaël Braun-Pivet opposée à une réduction de la durée d’indemnisation

La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, prononce un discours lors du congrès du MoDem à Blois, le 24 mars 2024.

La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, invitée sur Franceinfo, a exprimé des réserves mardi 2 avril sur la réduction de la durée d’indemnisation du chômage envisagée par le gouvernement pour faire des économies. Elle rappelle qu’il faut avant tout « évaluer » la réforme précédente.

« Nous avons réformé l’assurance-chômage en 2019, en 2022 et en 2023, nous avons déjà réduit la durée d’indemnisation », soutient Mme Braun-Pivet, qui se place à gauche de la politique menée par le gouvernement de Gabriel Attal. « Attention à la stabilité de notre législation et de nos règles : il ne faut pas toucher des paramètres aussi importants aussi rapidement sans avoir évalué la réforme précédente », a insisté la présidente de l’Assemblée.

« Travailler sur le chômage, c’est beaucoup plus global que simplement se dire qu’en réduisant la durée d’indemnisation, on va remettre les gens sur le marché de l’emploi », a-t-elle tancé, évoquant une « situation malheureusement beaucoup plus complexe ».

« Taxe exceptionnelle »

Celle qui a été élue au perchoir en 2022 contre l’avis du président de la République, Emmanuel Macron, a par ailleurs renouvelé sa demande d’une « taxe exceptionnelle » par une augmentation des taxes sur les superprofits ou sur les superdividendes, pour dégager des recettes supplémentaires alors que le déficit public a atteint 5,5 % en 2023, un record.

« Si nous demandons à nos compatriotes de fournir un effort compte tenu de la situation financière de notre pays, cet effort doit être partagé par tous et doit être équitablement réparti. C’est une question de justice sociale », a-t-elle résumé. Elle a aussi rappelé que si le gouvernement envisageait d’aller au-delà des 10 milliards d’euros d’économies décidées pour 2024 il serait tenu de passer par le Parlement avec un projet de budget rectificatif.

Le premier ministre, Gabriel Attal, avait annoncé la semaine dernière sa volonté de réformer à nouveau l’assurance-chômage en réduisant de « plusieurs mois » la durée d’indemnisation des chômeurs, actuellement de dix-huit mois pour les moins de 53 ans, sans aller en dessous de douze mois.

Pour une telle réforme sur les paramètres de l’assurance-chômage, le gouvernement n’a cependant pas besoin de passer par le Parlement. Il doit saisir les partenaires sociaux d’une négociation, par « une lettre de cadrage », et en cas d’échec de la négociation, il peut reprendre la main par décret.

Le Monde avec AFP

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Coup de frein sur le recrutement des cadres

Le refroidissement du marché du travail se confirme en 2024, y compris chez les cadres, révèle le baromètre des prévisions de recrutement de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), réalisé du 14 novembre 2023 au 24 janvier 2024 et publié mardi 2 avril.

Les embauches se poursuivront à un niveau élevé, pour cette catégorie d’actifs qui connaît une situation de plein-emploi relativement stable depuis des années, avec 337 000 recrutements de CDI et de CDD d’un an et plus prévus en 2024, contre 330 700 un an auparavant.

Mais la dynamique ralentit nettement, avec une hausse annuelle attendue à + 2 %, contre + 7 % un an auparavant. Un coup de frein qui s’explique par « la prudence des entreprises et la conjoncture », explique Pierre Lamblin, directeur des études à l’APEC. L’année 2023 avait marqué le retour à la normale prépandémique du rythme des recrutements, mais les employeurs, déjà confrontés au manque de candidats, avaient fait des prévisions nettement inférieures à ce qu’ils ont finalement réalisé : 330 700 embauches concrétisées contre 308 800 envisagées. « Encore une année record », souligne Gilles Gateau, le directeur général de l’APEC, qui y voit un espoir pour 2024.

Services à forte valeur ajoutée

L’effet de prudence pourrait de nouveau jouer cette année, renforcé par l’évolution de la situation économique. Le contexte conjoncturel n’est en effet pas étranger au coup de frein annoncé pour 2024 : la croissance est moins favorable à l’emploi et « les entreprises pourraient réduire leurs investissements de 0,4 % », précise Laetitia Niaudeau, la directrice générale adjointe de l’APEC.

Les employeurs doivent plus que jamais faire des choix, clairement orientés par les transitions numérique et environnementale. Le nombre de recrutements prévus pour les services à forte valeur ajoutée (189 200) continue ainsi de progresser (+ 4 %), tandis que le secteur du commerce est fragilisé (− 1 %, à 27 000) et que l’immobilier traverse une crise historique (− 30 %, à 3 400). En 2024, plus d’une embauche sur deux concernera l’informatique, le commercial et la recherche et développement.

Les disparités d’intentions d’embauche se retrouvent dans les régions, selon leurs activités économiques. D’un an à l’autre, les prévisions de recrutement de cadres en Pays de la Loire ne progressent plus que de 4 % (contre 18 % en 2023), en Auvergne-Rhône-Alpes de 3 % (contre 14 %), en Occitanie de 3 % (contre 12 %), et dans le Grand-Est de 1 % (contre 8 %). Mais avec leurs hausses de 4 % et de 3 %, les régions Pays de la Loire et Occitanie maintiennent les plus forts taux de l’année, portées par « la bonne orientation » des activités informatiques et « la bonne tenue » de la filière aéronautique, commente l’APEC.

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L’entreprise de crèches en question

Entreprises. A la suite d’un rapport public de l’inspection générale des affaires sociales, en mars 2023, et de livres rapportant des maltraitances dans les crèches du secteur lucratif, l’Assemblée nationale a constitué une commission d’enquête sur « le modèle économique des crèches et la qualité d’accueil des jeunes enfants ». Celle-ci vient d’interroger les grands groupes du secteur (Babilou, People & Baby, La Maison bleue, Les Petits Chaperons rouges…) sur leurs actionnariats, leurs modèles économiques et leurs politiques de qualité.

Ces témoignages, visibles par tous, retracent des croissances réussies mais qui exigent des formes nouvelles de gouvernance et de contrôle.

Dans les années 2000, l’Etat peine à répondre aux besoins dans ses domaines habituels. Il suscite alors la création d’entreprises de crèches qui bénéficient du financement public des prestations. Les investisseurs seront séduits par leur potentiel de croissance rapide en France et à l’étranger.

20 % des places

Aujourd’hui, ces entreprises détiennent environ 20 % des places (80 000) et ont réalisé l’essentiel de la croissance du secteur. Elles innovent avec les réservations de places pour les entreprises et les organismes, et s’appuient aussi sur un large réseau de crèches, souvent associatives, pour rester près du domicile des enfants. Enfin, leurs actionnaires ne reçoivent pas de dividendes et misent sur la croissance du secteur pour valoriser leurs titres.

Ce modèle suscite plusieurs critiques. Les prestations étant, pour l’essentiel, payées par l’argent public, on demande aux entreprises de mieux justifier de leurs coûts et de leurs marges. On craint aussi que leur rentabilité ne repose sur des conditions de travail dégradées. Pour autant, crèches publiques ou privées doivent se conformer à un grand nombre de normes de qualité et font l’objet de contrôles inopinés par la protection maternelle et infantile.

Aussi, et comme pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), personne n’avait prévu l’indignation générale provoquée par le signalement de maltraitances ou la révélation d’indicateurs de gestion contraires à la qualité de l’accueil. Cela venait conforter le soupçon d’un secteur trop financiarisé, autant que les difficultés à contrôler des activités aussi sensibles.

Attractivité et transparence

Pour sortir de ce piège et restaurer la confiance, il faut d’abord une gouvernance propre aux valeurs du métier. Certaines entreprises ont déjà adopté la qualité de société à mission. Elle engage les actionnaires sur ces valeurs, impose un comité de mission, la publication régulière d’un rapport de mission et un audit indépendant. En s’étendant au secteur, cette mutation améliorerait son attractivité et sa transparence.

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Paolo Gentiloni et Nicolas Schmit, commissaires européens : « Trop de travailleurs de l’UE manquent encore de salaire décent, de sécurité de l’emploi ou d’égalité des chances »

Quatre ans se sont écoulés depuis la première vague de l’épidémie de Covid-19, plongeant notre continent dans un cauchemar inimaginable jusqu’alors. La plupart des Européens ont passé les fêtes de Pâques isolés de leurs proches, craignant non seulement pour leur santé, mais aussi pour leurs moyens de subsistance, alors que l’activité économique s’effondrait.

Le marché unique européen a été confronté à une forte fragmentation : les pays les plus riches pouvaient dépenser tout ce qu’il fallait pour protéger leurs travailleurs et leurs entreprises, mais qu’en était-il de ceux qui étaient confrontés à une dette publique élevée ? Les tensions entre le Nord et le Sud, l’héritage amer de la crise de l’euro du début des années 2010 n’étaient pas encore levés : les arguments en faveur de la solidarité européenne étaient clairs, mais il n’était pas facile de les traduire par une action commune.

L’issue est apparue quelques heures seulement avant le week-end de Pâques. Après une vidéoconférence de dix-huit heures, les ministres des finances de l’Union européenne (UE) ont apporté leur soutien à un vaste ensemble de mesures de soutien économique. SURE [acronyme de Support to Mitigate Unemployment Risks in an Emergency, que l’on peut traduire par « soutien pour atténuer les risques de chômage en cas d’urgence »], un programme innovant de 100 milliards d’euros, a permis à la Commission européenne de lever des fonds sur les marchés afin de prêter aux Etats membres à des taux favorables, de financer des dispositifs de chômage partiel offrant des revenus aux travailleurs licenciés en attendant de retrouver leur emploi.

Pour des transitions inclusives

SURE a été mis en place jusqu’à la fin de 2022 et son impact a été remarquable. L’instrument a soutenu environ 31,5 millions de salariés et de travailleurs indépendants et plus de 2,5 millions d’entreprises, principalement des petites et moyennes entreprises (PME), dans les dix-neuf pays de l’UE qui en ont fait la demande. Il a également contribué à ouvrir la voie à NextGenerationEU, le programme de financement de 800 milliards d’euros soutenant désormais les investissements et les réformes dans l’ensemble de l’Union. Tous deux ont joué un rôle essentiel pour faire en sorte que notre économie puisse rapidement sortir du choc dû au Covid-19, évitant ainsi une crise socio-économique encore plus profonde.

Depuis la pandémie, le marché du travail européen a continué d’évoluer. Un taux de chômage historiquement bas masque la pénurie persistante de main-d’œuvre et de compétences. Le modèle européen d’économie sociale de marché a résisté à l’épreuve du temps, mais les transformations économiques et démographiques massives auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés posent un énorme défi.

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Ces salariés rémunérés au smic toute leur carrière : « Le temporaire dure depuis vingt-deux ans »

Un salarié contrôle une machine dans la verrerie d’Arc, à Arques (Pas-de-Calais), le 9 septembre 2022.

En intégrant Phone Régie en 2002 en tant qu’hôtesse d’accueil standardiste en région parisienne, Géraldine (le prénom a été changé), alors âgée de 30 ans, en était persuadée : ce boulot « alimentaire » rémunéré au smic, qui lui permettait d’échapper au chômage, ne serait que « temporaire ». « Mais le temporaire dure depuis vingt-deux ans, et je suis toujours au smic », raconte-t-elle.

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Elle a bien été augmentée « une fois » par sa direction « d’une dizaine d’euros en 2010 », se remémore-t-elle, avant d’être rattrapée par le smic, indexé, lui, sur l’inflation. « A quoi ça sert d’aller batailler auprès de la direction pour avoir une augmentation, si c’est pour être de nouveau au smic quelque temps après ? », s’interroge cette mère de deux enfants, âgés de 10 et 18 ans.

Plus de 3 millions de salariés, soit près d’une personne sur cinq (17,3 % ) dans le secteur privé non agricole, sont payés actuellement au salaire minimum (1 398,69 euros net par mois). Un niveau inédit – la proportion était de près de 12 % en 2021 – atteint en raison, notamment, de la flambée des prix et de la politique d’exonération de charges. Les rémunérations jusqu’à 1,6 fois le smic sont exonérées de cotisations patronales, mais pas au-delà, ce qui n’incite pas les entreprises à revaloriser les fiches de paie. « Augmenter de 100 euros le revenu d’un employé au smic » revient aux entreprises à « débourser 238 euros de plus », résumait, le 30 janvier, à l’Assemblée nationale, le premier ministre, Gabriel Attal.

« Manque de considération »

Des employés, à l’instar de Géraldine, se retrouvent ainsi cantonnés au salaire minimum tout au long de leur vie professionnelle. Dans une étude parue en 2019 sur les trajectoires salariales de salariés au smic entre 1995 et 2015, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques estimait que 20 % des salariés rémunérés autour du smic l’étaient depuis au moins deux ans.

Ce « phénomène de stagnation » se « concentre sur une partie des salariés qui restent durablement rémunérés » au smic, notamment les femmes et les travailleurs de plus de 50 ans. Et plus le temps passé au smic s’accroît, plus le risque de ne pas voir sa fiche de paie évoluer augmente. Derrière cette absence d’évolution salariale, ces travailleurs au smic, qui occupent le plus souvent un emploi pénible (hôtellerie-restauration, grande distribution, logistique…), souffrent aussi « d’être bloqués à leur poste et de ne plus pouvoir connaître de mobilité ascendante au sein de leur entreprise », relève Lucas Tranchant, maître de conférences en sociologie à l’université Paris-VIII. Et il y a cette réalité moins visible, mais tout aussi lancinante pour ces salariés, du « manque de considération » et de « reconnaissance » qui accentue leur amertume vis-à-vis de leur employeur, les interrogeant sur le sens même de leur travail.

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Les pistes pour « désmicardiser » la France

« Désmicardiser la France » : le premier ministre, Gabriel Attal, en a fait l’un de ses slogans, qu’il évoque à chaque sortie médiatique. Jeudi 28 mars, le gouvernement a même instauré un Haut Conseil des rémunérations, chargé de réfléchir à des mesures pour y parvenir. La tâche sera ardue : le 1er janvier 2023, 17 % des salariés du privé étaient rémunérés au smic (1 766,92 euros brut, pour un temps plein, au 1er janvier 2024), un niveau historiquement élevé.

En 2021, ils n’étaient « que » 12 %. Ce phénomène s’explique avant tout par l’indexation du salaire minimum sur l’inflation : en trois ans, compte tenu de la hausse des prix de 12,4 % sur la période, il a progressé de près de 14,8 %, tandis que les autres salaires augmentaient moins vite (+ 10,9 % pour le salaire horaire de base des employés et ouvriers, selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, Dares), resserrant l’éventail des rémunérations.

Cette « smicardisation », qui alimente le sentiment de déclassement d’une partie des Français, leur désarroi face à la flambée des prix, a aussi des causes structurelles. « La principale raison pour laquelle les salaires n’augmentent pas, c’est quand même la faiblesse de la croissance », rappelle Michaël Zemmour, maître de conférences à Paris-I Panthéon-Sorbonne et membre du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques. Cette panne des salaires est aussi le fruit des politiques publiques mises en œuvre ces dernières années : on pourrait les remettre en cause. » Revue de détail.

Mieux lisser les exonérations de charges

« On a un système qui fait qu’il n’y a plus beaucoup d’intérêt pour quiconque d’augmenter les salariés qui sont au smic. L’employeur, ça lui coûte très cher, le salarié au smic, il va à la fin gagner moins », a déclaré, en forçant un peu le trait, Gabriel Attal, mercredi 27 mars sur TF1.

Comment en est-on est arrivé là ? Depuis trente ans, les gouvernements de droite comme de gauche ont abaissé le coût du travail sur les catégories les plus modestes, afin de lutter contre le chômage et de soutenir la compétitivité des entreprises. Résultat : le smic est aujourd’hui quasiment exempt de charges. Au-delà, trois systèmes d’exonérations patronales s’empilent : l’« allègement Fillon », ou réduction drastique des cotisations sur les salaires compris entre 1 et 1,6 fois le smic, la baisse sur les cotisations maladie jusqu’à 2,5 smic, et celle sur les cotisations familiales, jusqu’à 3,5 smic. Au total, ces allègements représentent aujourd’hui 73,6 milliards d’euros, selon l’Urssaf.

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Comin, Maze : deux nouvelles plates-formes de VTC qui se disent avantageuses pour les chauffeurs

« Les temps sont durs, et malgré l’inflation les prix continuent de baisser : 40 euros pour une course de 50 kilomètres, ce n’est pas normal. » Vendeuse dans un aéroport, actuellement en congé maternité, Valérie Atta effectue depuis 2020 des courses sur les différentes applications de VTC (voiture de transport avec chauffeur, comme Uber, Bolt ou Heetch), en tant qu’autoentrepreneuse, pour compléter ses fins de mois. « Mais entre l’assurance, les charges, l’essence, on a l’impression de plus donner que recevoir. Uber donne une “prime de naissance”, mais je n’en ai même pas bénéficié car je n’ai pas fait 300 courses mais 205. »

Face à cette dégradation de ses conditions de travail, Valérie Atta envisage, à son retour de congé, de tester une nouvelle application, Comin, officiellement lancée en région parisienne le 2 avril, et disponible depuis le 28 mars : « Ils essaient vraiment de connaître les chauffeurs, j’ai envie de croire qu’ils sont sincères. » Elle a surtout été séduite par la commission prélevée par la jeune entreprise sur chaque course : 10 %, contre 18 % à 25 % chez les principaux acteurs du secteur.

C’est en travaillant sur un projet de comparateur de prix des différentes plates-formes que Dany El Oubari et Victor Feuillat ont eu l’idée de cofonder la start-up. « Les chauffeurs nous ont parlé de la dégradation de leurs conditions de travail, du manque d’échange avec les grands noms du secteur, se souvient Dany El Oubari, ancien banquier d’affaires. Beaucoup annulent des courses car ce n’est même plus rentable. »

Gouvernance plus ouverte

Après plusieurs mois de communication ciblée sur les conversations WhatsApp qui réunissent de nombreux chauffeurs parisiens, la plate-forme revendique 2 000 chauffeurs, soit « 7 % des VTC parisiens », dont 600 auraient déjà finalisé leur inscription.

Comment Comin survivra-t-elle avec une commission si basse ? Les fondateurs expliquent qu’ils n’ont que peu de dépenses de fonctionnement, et qu’ils n’ont presque rien dépensé en marketing, ou en promotion à destination des nouveaux clients. Ils comptent aussi sur les chauffeurs eux-mêmes pour convertir les usagers. Cette faible commission leur permet également, côté client, de s’approcher des prix d’Uber : Comin ayant fixé le revenu net minimum d’une course à dix euros pour le chauffeur, cela revient à 11,20 euros pour l’utilisateur.

La start-up vend aussi l’idée d’une gouvernance plus ouverte, non seulement aux chauffeurs mais également aux clients : elle compte les faire voter, directement sur l’application, sur les grandes décisions de l’entreprise. L’algorithme et le système de notation ressemblent pour l’heure à ceux des autres, mais la start-up ne s’interdit aucune évolution. « On pourrait par exemple imaginer que le prix soit défini par un accord entre les deux parties », pense Victor Feuillat.

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Décrié lors de son instauration, le salaire minimum britannique est désormais salué

Quand le salaire minimum a été introduit au Royaume-Uni, le 1ᵉʳ avril 1999, il y a exactement vingt-cinq ans, le sujet provoquait de vifs débats. Jusqu’à 2 millions de personnes risquaient de perdre leur emploi, selon les prévisions cataclysmiques de Michael Howard, ministre conservateur du travail de 1990 à 1992. La Fédération des épiceries menaçait d’être contrainte de licencier la moitié de ses salariés. « Le Parti travailliste veut retirer l’échelle des possibilités que tant de gens veulent gravir », critiquait John Redwood, un député conservateur. Les économistes eux-mêmes étaient très divisés.

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Un quart de siècle plus tard, il s’agit de « la politique économique qui a connu le plus grand succès depuis une génération », estime la Resolution Foundation, un groupe de réflexion britannique. Non seulement le chômage n’a absolument pas augmenté (il est actuellement de 3,9 % au Royaume-Uni), mais la mesure fait désormais l’objet d’un consensus politique.

Introduit initialement à un niveau très bas de 3,60 livres de l’heure, soit 47 % du salaire médian à l’époque, il augmente de 10 % ce lundi 1ᵉʳ avril, pour atteindre 11,40 livres de l’heure, soit deux tiers du salaire médian. Ce salaire minimum horaire, équivalent à 13,40 euros, dépasse désormais nettement le smic français, qui est à 11,65 euros. Mieux encore, il n’y a pas de « smicardisation » de la société. Seuls 5 % des salariés sont payés ce minimum, loin des 17 % de la France. « Il y avait des inquiétudes, y compris dans mon parti, mais elles étaient infondées », reconnaît aujourd’hui Kevin Hollinrake, secrétaire d’Etat aux entreprises.

L’une des explications de ce succès tient à la prudence qui a présidé à la l’entrée en vigueur de la mesure. Face aux débats pour le moins âpres sur le sujet, le gouvernement de Tony Blair a non seulement situé le salaire minimum à un niveau très bas (seuls 2 % des salariés étaient concernés au départ), mais il a aussi créé une commission indépendante, constituée d’experts des syndicats, du patronat et d’universitaires, chargée de déterminer chaque année son montant.

Renversement politique

« C’est un excellent exemple de dialogue social, et c’est notamment ça qui nous a donné la confiance nécessaire pour soutenir la création du salaire minimum », estime Rain Newton-Smith, la directrice de la Confederation of British Industry, la principale organisation patronale, qui, à l’origine, avait été hostile à sa création. Autre signe de prudence : le salaire minimum est plus faible chez les plus jeunes, avec un plancher inférieur pour les moins de 18 ans, un autre pour les 18-20 ans et un troisième au-delà de 21 ans (initialement fixé à 23 ans).

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« La cloche, c’est la voix de Dieu » : la famille Paccard, l’art des cloches depuis 1796

Philippe Paccard, PDG des fonderies de cloches et carillons Paccard, contrôle à l’aide d’un diapason, la note de la plus grosse cloche du monde en volée, exposée sur un quai du port de Nantes, le 23 mars 2024. Fabriquée par la Fonderie de l’Atlantique et l’entreprise Paccard, pesant 42 tonnes avec le joug et le battant, et mesurant 4 mètres de diamètre, cette cloche était destinée à commémorer l’an 2000 à Newport (Kentucky), aux Etats-Unis.

Quelques cygnes majestueux volent au-dessus du lac d’Annecy, avec, en toile de fond, les cimes du parc naturel régional du massif des Bauges. A quelques kilomètres seulement des Alpes françaises, les salariés de la fonderie de cloches Paccard, dans le village de Sevrier (Haute-Savoie), s’activent depuis l’aube. Là, plusieurs ouvriers s’attellent, dans une cadence qu’ils connaissent par cœur, à couler du bronze en fusion, un alliage de cuivre et d’étain, qui servira ensuite à remplir le moule des futures cloches.

Des flammes s’échappent du four, dans une chaleur étouffante. Tous portent une combinaison en coton tissé d’aluminium pour se protéger en cas d’éclaboussures. Perché à plusieurs mètres sur un escabeau, David Ughetto, 50 ans, verse minutieusement le métal en fusion à 1 200 degrés. Ce maître fondeur qui a trente ans de métier préside à toutes les étapes de la fabrication.

Deux tatouages sur son bras gauche représentent une cloche et la cathédrale de Rouen, dont il a participé à la restauration du carillon, en 2014. « J’ai mon job gravé dans ma peau », plaisante-t-il fièrement, louant le « côté mystérieux du métal qui pétille lors de la coulée ».

Le bourdonnement des machines ne cesse jamais. Le bronze en fusion est coulé dans des moules de cloches de différentes tailles : telles des poupées gigognes, elles sont alignées sur d’immenses étagères en acier, où elles attendent plusieurs heures avant d’être démoulées.

Les décorations sont ensuite faites à l’aide de cire, représentant des puissances célestes, des saints ou des paysages montagnards. Ces cloches peuvent peser jusqu’à plusieurs dizaines de tonnes – la World Peace Bell, la plus grosse cloche en volée au monde, coulée par la fonderie Paccard pour la Millennium Monument Company à Newport, dans le Kentucky (Etats-Unis), pèse ainsi plus de 33 tonnes (42 tonnes, en comptant le joug et le battant).

Une saga familiale (et royaliste)

Depuis sept générations, la famille Paccard confectionne les plus anciennes cloches de France, avec un savoir-faire unique. Le début de cette saga familiale remonte à 1796. En pleine période révolutionnaire, tandis que des cloches sont réquisitionnées et refondues par les républicains pour fabriquer des armes, la famille Paccard d’alors, royaliste et antirévolutionnaire, voit dans la fabrique de cloches une forme de résistance.

Près d’un siècle plus tard, en 1891, la famille se distingue avec la fabrique de la plus grosse cloche de France, la Savoyarde, classée au titre des monuments historiques, qui trône toujours au milieu de la basilique du Sacré-Cœur, à Paris. En bronze, elle pèse plus de 19 tonnes, pour 3 mètres de diamètre et 9 mètres de circonférence. A l’époque, c’est à l’initiative de l’archevêque de Chambéry, Mgr Leuillieux [1823-1893], qu’elle fut coulée, à destination du monument parisien.

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