« Gabriel Attal sait très bien que la semaine “en quatre jours” n’est pas la semaine “de quatre jours” »

« Le travail est le premier combat du gouvernement », a déclaré Gabriel Attal, à l’ouverture du séminaire gouvernemental organisé le 27 mars, sur le ton martial qu’on lui connaît désormais. Un séminaire qui a fait suite aux annonces proférées lors de sa déclaration de politique générale, parmi lesquelles figuraient la réforme du revenu de solidarité active et la suppression de l’allocation de solidarité spécifique – deux mesures à l’effet très hypothétique sur le travail –, ainsi que l’expérimentation de la semaine en quatre jours dans les administrations des ministères. A ces mesures, confirmées mais non détaillées lors du séminaire, s’est ajouté un nouveau projet de réforme de l’assurance-chômage, destiné à « inciter à la reprise d’emploi ». Si le « travailler mieux » avait pu furtivement apparaître comme une visée de l’exécutif, c’est donc finalement le « travailler plus » qui apparaît comme le mot d’ordre du gouvernement.

Peu importe, en définitive, la formule retenue par l’exécutif. Dans un cas comme dans l’autre, ces expressions ne font que masquer une incompréhension sidérante de ce qui se joue en ce moment au travail, et par conséquent une incapacité à mener une politique du travail (« du travail » oui, et non seulement « de l’emploi ») digne de ce nom.

Car les mutations récentes du travail nécessitent bien un encadrement politique. Au cours des dernières décennies, les conditions de travail des Françaises et des Français se sont transformées de façon drastique, sous l’effet d’évolutions technologiques et managériales qui se traduisent essentiellement par la dématérialisation du travail (travail à distance, management algorithmique) et par l’externalisation des tâches non directement productives (nettoyage et maintenance des infrastructures, notamment). Ces transformations ont conduit à l’apparition de nouvelles modalités de travail, parmi lesquelles : le télétravail, le travail de plate-forme (celui des chauffeurs de VTC ou des livreurs de repas), ou encore la sous-traitance du travail du soin (celui des choses aussi bien que des vivants).

Ambiguïté sémantique

M. Attal croit-il sincèrement accompagner politiquement ces transformations en déclarant vouloir que, « désormais, dans l’Etat, les personnels d’entretien qui le souhaitent puissent travailler aux mêmes horaires que tout le monde » ? L’exécutif croit-il avoir suffisamment encadré l’émergence du télétravail, qui soulève, au-delà des questions matérielles et organisationnelles liées à sa mise en place opérationnelle, des questions politiques liées notamment aux inégalités sociales, générationnelles et de genre ? Et le gouvernement français a-t-il cru illustrer son souci du « travailler mieux » en bloquant, le 11 mars, la directive européenne qui visait à requalifier les emplois des chauffeurs VTC et livreurs de colis ou de repas, aujourd’hui abusivement qualifiés d’« indépendants » par les plates-formes qui les font travailler ?

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« S’émanciper à deux » : quand le travail met le couple au défi

Livre. Attention, couples fragiles. Des séparations en nombre croissant (45 % des mariages se terminent par un divorce en France en 2020), une explosion du nombre de familles monoparentales (1,5 million en 1999, près de 2,4 millions en 2020)… les statistiques mettent aujourd’hui en lumière toute la difficulté de mener, au long cours, une vie à deux. Si les causes d’une telle évolution sont multiples, Antoine de Gabrielli, spécialiste de l’égalité professionnelle, a fait le choix d’interroger la responsabilité des mutations du système économique en général et du monde du travail en particulier.

Quels sont les écueils rencontrés par ces couples dans lesquels chacun tente de mener de front carrière et responsabilités privées ? Quelles réponses l’entreprise propose-t-elle ? Quels leviers déployer pour qu’un partage équitable des différents types de travail (professionnel, social, familial) ait lieu entre femmes et hommes ? Autant de questions auxquelles M. de Gabrielli tente de répondre dans son nouvel essai, S’émanciper à deux. Le couple, le travail et l’égalité (Ed. du Rocher).

Premier constat : le couple a changé au fil des dernières décennies, devenant « la juxtaposition de deux projets personnels et professionnels qui peuvent entrer en concurrence, explique l’auteur. Il est plus aérien, plus libre, plus respectueux des talents de chacun, mais aussi plus fragile et moins solidaire que l’épaisse pièce de bois, le joug, qui unissait les animaux de trait au sein d’un attelage, réalité imagée et concrète de l’égalité conjugale ».

Dès lors, deux défis se sont imposés. Celui de l’égalité au cœur des entreprises, tout d’abord. Pour y répondre, les organisations ont négligé l’approche systémique, pourtant indispensable pour permettre aux femmes d’accéder aux responsabilités. Des quotas de femmes ont notamment été imposés à certains cénacles exécutifs.

Mais tout s’est passé « comme s’il ne s’agissait que de mettre un terme à une mauvaise volonté sexiste », déplore M. de Gabrielli. C’est nier une organisation du travail inadaptée car trop chronophage pour des femmes portant encore la plus grande part des charges familiales.

L’équation semble impossible

Le second défi, justement, est celui que doivent relever les couples : concilier temps professionnels et privés. Une gageure pour nombre d’entre eux, tant l’équation semble impossible, sauf à ce que l’une des deux parties mette en sommeil une part de ses aspirations ou ambitions. Une source potentielle de fragilisation du couple.

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PFAS : la fronde de Seb contre la proposition de loi sur les « polluants éternels », concert de poêles et de « contrevérités »

Des salariés du groupe Seb, lors d’une manifestation contre une proposition de loi visant à interdire les PFAS en France à partir de 2026, à Paris, le 3 avril 2024.

« Touche pas à ma poêle », clament les pancartes. A l’appel de leur direction, plusieurs centaines de salariés du groupe Seb ont manifesté bruyamment près de l’Assemblée nationale, mercredi 3 avril à Paris, pour réclamer le retrait de la proposition de loi contre les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), à la veille de son examen en séance plénière.

Portée par le député écologiste de Gironde, Nicolas Thierry, la proposition de loi prévoit notamment d’interdire les « polluants éternels » dans les ustensiles de cuisine à partir de 2026. A l’instar du célèbre Teflon, qui a fait la renommée mondiale de Tefal, certains revêtements antiadhésifs sont de gros consommateurs (et émetteurs) de PFAS.

Damien Ferrari, 28 ans, cariste sur le site historique de Tefal à Rumilly (Haute-Savoie), porte une banderole qui détourne l’acronyme de ces substances aussi toxiques que persistantes dans l’environnement : « Production française à sauver ». « Nous sommes contre cette loi car elle va détruire nos emplois, dit-il. Nos produits sont contrôlés depuis cinquante ans et il n’y a jamais eu de soucis pour le consommateur. »

Chiffon rouge des « 3 000 emplois »

Le 31 mars, dans un entretien à La Tribune dimanche, le président de Seb, Thierry de La Tour d’Artaise, agitait le chiffon rouge : « Trois mille emplois sont menacés par la proposition de loi. » Le PDG a offert une journée de congé et affrété des cars pour que ses salariés viennent protester à Paris à grand renfort de concert de poêles Tefal. Beaucoup de drapeaux aux couleurs de FO mais aucun de la CFDT ni de la CGT parmi les manifestants. « Le syndicalisme ne sera pas complice d’une nouvelle tragédie sanitaire, sociale, économique et environnementale », fait savoir la CGT Auvergne-Rhône-Alpes. Dans le rassemblement, on distingue en revanche quelques écharpes tricolores. A commencer par celle du maire (sans étiquette) de Rumilly (Haute-Savoie), Christian Dulac. « Tefal, c’est 3 000 emplois directs et indirects, dit aussi le nouvel édile, élu en novembre 2023. Sauver les emplois, c’est sauver la ville. »

A l’automne 2022, son prédécesseur avait pourtant dû fermer en urgence deux points de captage d’eau potable qui alimentaient 12 000 de ses 16 000 administrés, après la découverte de concentrations importantes en PFOA, un « polluant éternel » classé cancérogène et longtemps utilisé par Tefal pour fabriquer son Teflon.

Le président de Seb assure aujourd’hui que « les produits Tefal – comme tous ceux de Seb – ne contiennent pas de PFAS considérés comme nocifs pour la santé ou l’environnement par les autorités sanitaires ». Des assertions qui font bondir les scientifiques : plusieurs chercheurs et toxicologues dénoncent « une manipulation frauduleuse et dangereuse des résultats scientifiques », dans une tribune au Monde.

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A La Réunion, le « crépuscule » des deux quotidiens locaux

Partiellement soulagés, mais déjà inquiets pour la suite. C’est l’état d’esprit qui traverse les salariés du Quotidien de La Réunion, après avoir appris que le journal local placé en liquidation cession depuis le début octobre 2023 allait être repris par l’entrepreneur Henri Nijdam, PDG du Nouvel Economiste, via Media Capital.

Le tribunal de commerce de Saint-Denis a tranché en sa faveur, mercredi 3 avril, estimant que celle-ci engendrerait moins de casse sociale que l’offre concurrente de l’imprimeur réunionnais Alfred Chane-Pane.

Ce dernier s’engageait à reprendre seulement 20 % des effectifs, excluant tout bonnement de reprendre un seul journaliste, une offre dénoncée comme « brutale et abrupte » par Flavien Rosso, le représentant des salariés et les syndicats du journal. La veille, un collectif d’une quinzaine de journalistes avait campé devant le tribunal pour dénoncer « la volonté des repreneurs de faire des journaux sans journalistes ».

« Epuisement et lassitude »

M. Nijdam va reprendre 27 des 48 salariés (dont 15 journalistes des 36 qui constituent la rédaction), ainsi que 12 employés de presse et cadres. Les secrétaires de rédaction, photographes et rédacteurs en chef ne font pas partie de l’aventure, ce qui laisse craindre de grandes difficultés à très court terme pour boucler quotidiennement le journal. « Est-ce que ça vaut le coup de survivre dans ces conditions-là ? », s’interrogent plusieurs journalistes en interne, avouant « épuisement et lassitude après des mois d’incertitudes ».

Alors que le dernier journal de « l’ère Chane-Ki-Chune » (actionnaire depuis sa fondation en 1976) sortira jeudi 4 avril, la nouvelle direction de l’entreprise souhaite publier un nouveau journal dès samedi 6 avril.

« C’est irréaliste », répond Edouard Marchal, du Syndicat national des journalistes. « On doit rendre jeudi nos téléphones et ordinateurs professionnels, tout comme les voitures de fonction à l’ex-actionnaire, donc je vois mal comment on pourrait relancer le journal en même temps », complète Flavien Rosso.

Appel à lever « les zones d’ombre »

Aussi, les salariés du journal classé comme progressiste appellent leur nouvelle direction à lever « les zones d’ombre sur l’actionnariat, la gouvernance, l’organisation du journal ». En cause ? Si M. Nijdam doit devenir le directeur de la publication et de la rédaction, il représente seulement 1 % des 500 000 euros de capital, aux côtés de l’actionnaire majoritaire (70 %), le promoteur réunionnais Jean-Jacques Dijoux.

Le deuxième actionnaire, Jean-Pierre Lallemand (29 %), est à la tête d’une société de nettoyage et par ailleurs président du Syndicat autonome de la fonction publique territoriale de La Réunion. Les salariés réclament donc « des garanties d’indépendance de la rédaction », demande pour le moment sans réponse, et « rejettent par avance toute tentative d’instrumentalisation ».

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Licenciés après un incendie, les ex-salariés de Toupnot exigent réparation

Philippe Combes, représentant du personnel de Toupnot, usine spécialisée dans la production de conserves de viande de bœuf, à Lourdes (Hautes-Pyrénées), le 28 mai 2019.

Des trémolos dans la voix, Eric Testeil, 59 ans, s’interrompt pour reprendre son souffle. Cinq ans après qu’un incendie a ravagé les locaux de l’entreprise Toupnot, donnant à sa carrière professionnelle une tournure imprévue, cet ancien salarié ne s’en remet toujours pas. « J’ai laissé plus de trente ans de ma vie dans l’entreprise. Puis il a fallu que je retrouve un emploi. C’était dur, car je n’avais plus 20 ans », raconte M. Testeil, aujourd’hui cariste magasinier.

Entré à l’âge de 17 ans et demi chez le fabricant de corned-beef, installé sur 2 hectares dans le nord-est de Lourdes (Hautes-Pyrénées), il occupe divers postes (déballage de viande congelée, maintenance des outils, chef d’équipe) jusqu’à son licenciement, en mai 2020. Alors, jeudi 4 et vendredi 5 avril, il assistera aux audiences du conseil de prud’hommes délocalisé dans une salle de la chambre de commerce et d’industrie de Tarbes. Au total, ils seront 54 anciens salariés​, sur les 72 employés que comptait l’usine, sur les bancs de la juridiction pour contester leur licenciement économique.

Toupnot, une PME familiale créée en 1932, change de mains lorsque Pierre Franco, petit-fils du fondateur, part à la retraite : à partir de 2011, le dirigeant cède progressivement le capital de l’entreprise à Rémi Arnauld de Sartre, qui finit par en détenir 75 % en 2012. Le reste est cédé à Cofigeo.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Le repreneur de William Saurin contraint au régime

Trois ans plus tard, le groupe agroalimentaire avale entièrement la société lourdaise. L’appétit du spécialiste des plats cuisinés en conserve ne s’arrête pas là​ : il met la main sur William Saurin, avec l’aval de Bercy. ​Le 19 juillet 2018​, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, donne son feu vert à cette opération​, à la seule condition du maintien de l’emploi dans le groupe pendant deux ans.

« C’est de la fraude, un scandale absolu »

En 2019, dans la nuit du 9 au 10 janvier, un incendie détruit en grande partie l’atelier de fabrication de Toupnot. Le choc passé, les salariés ne perdent pas espoir. Car, pour eux, la reconstruction de l’usine peut être financée par les 18 millions d’euros de prime d’assurance que perçoit Cofigeo. Et puis, un atelier relais de 7 000 mètres carrés est envisagé pour sauver une cinquantaine d’emplois. Ce projet est jugé viable par le cabinet d’expertise Secafi et la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne. Il est aussi présenté aux collectivités locales et aux élus politiques lors d’une réunion en préfecture, en février 2019.

Cependant, « les salariés ne voient rien venir », rapporte Me Elise Brand, saisie par ces derniers au mitan de 2022. « Et, le 1er octobre 2019, le groupe décide de fermer l’usine. C’est de la fraude, un scandale absolu », tonne l’avocate, qui réclame l’indemnisation des salariés pour la perte de leur emploi en raison du non-respect par l’employeur de l’accord conclu en juillet 2018. Pour Philippe Combes, délégué syndical CGT, il s’agit d’une « trahison ». « La direction nous a pris pour des ploucs du Sud-Ouest, sauf que les Toupnot sont toujours là. »

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Etre salarié et militant : un dédoublement source de souffrance au travail

Enzo Poultreniez les appelle les « étoiles filantes ». Ce sont, comme lui, des collaborateurs du mouvement Les Ecologistes. Ils sont arrivés à l’occasion d’une campagne électorale dans laquelle ils se sont investis sans retenue, jusqu’à l’épuisement. « On ne les reverra plus », conclut-il.

Aujourd’hui à la tête de l’Association des collaborateurs d’élus écologistes et apparentés (Aceva), il se dit inquiet pour la santé de ces salariés éphémères mais aussi, plus largement, pour celle de l’ensemble des collaborateurs du mouvement, dont beaucoup seraient touchés par un « surengagement ».

Lui-même est allé au bout de ses limites. En 2015, il a été l’un de ces « martyrs » prêts à « se sacrifier pour la cause ». Victime d’un burn-out, il explique aujourd’hui avoir pris du recul et appris à dire non.

Rien d’une exception

Le ressenti de M. Poultreniez est confirmé par une enquête menée par le sociologue Simon Cottin-Marx en 2023 sur les conditions de travail des collaborateurs d’Europe Ecologie-Les Verts (rebaptisé Les Ecologistes), à la demande de l’Aceva, et dont Le Monde livre les résultats en exclusivité. Elle montre que, si les salariés trouvent du sens au travail ils se plaignent d’exercer un métier qui « déborde ».

68 % se disent sollicités en dehors des heures de travail, ce qui a une influence négative sur leur vie privée (47 %) et leur santé (46 %) ; 64 % disent être préoccupés par la situation de collègues, et 66 % déclarent connaître des collègues ayant quitté leur emploi pour cause de souffrance ou d’épuisement au travail.

La situation rencontrée chez Les Ecologistes n’a rien d’une exception. Elle peut être observée dans d’autres mouvements politiques, des syndicats, des associations. Les structures militantes peuvent être ainsi, parfois, le cadre de situations de travail douloureuses et représenter un risque pour la santé de leurs salariés.

Le fort engagement des salariés dans leur travail est une première explication. Les collaborateurs sont en grande majorité des militants qui épousent une cause. « Au départ, il y a la flamme », résume le sociologue Matthieu Hély. Leur implication est d’autant plus forte que la frontière est floue entre missions salariées et militantisme (surtout lorsque l’on côtoie des bénévoles eux aussi très investis), et que le dévouement est présenté comme une norme. « Il est par exemple très dur de dire non lorsque des actions sont proposées par mon employeur – et, donc, pour la cause – le soir ou le week-end », reconnaît une salariée dans l’humanitaire.

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Plus de seniors en entreprise ? « Oui, mais pas chez nous »

Carnet de bureau. Avant l’ultime séance de négociation entre les partenaires sociaux sur le « pacte de la vie au travail » et l’emploi des seniors fixée au 8 avril, la plate-forme numérique Review Jobs, spécialisée dans l’expérience collaborateur, a interrogé plus de 1 000 salariés du 9 au 12 mars sur la place des plus de 55 ans dans leur entreprise. Respectés mais peu désirés, résume en deux mots leur jugement sur cette catégorie d’actifs.

L’ensemble des salariés considèrent que les seniors sont davantage impliqués et plus exemplaires qu’eux-mêmes ne se voient. Ils les jugent compétents (76 %) et soigneux (69 %). 44 % les estiment même créatifs dans leur travail. Une bonne image à première vue.

Mais paradoxalement, quand les questions portent sur l’augmentation du taux d’emploi des seniors, rendue nécessaire par le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, 30 % des jeunes de moins de 25 ans et 38 % des cadres trouvent que « c’est une bonne idée, mais pas chez nous ». Elle ne peut pas s’appliquer à leur métier, pas à leur entreprise, disent-ils.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Emploi des seniors : le double discours des recruteurs

Dans ce sondage publié le 28 mars, 40 % des salariés font état d’un manque d’appropriation des nouvelles technologies par les plus de 55 ans, 31 % des jeunes salariés les estiment incapables de s’habituer à travailler autrement (télétravail, projets collaboratifs), et 39 % des cadres dirigeants les croient également incapables de comprendre les attentes des plus jeunes. « Notre analyse est que les jeunes n’ont pas un regard très précis, car ils ont peu de seniors auprès d’eux », relativise Nicolas Marette, le fondateur de Review Jobs. Dans 44 % des entreprises consultées pour son étude, les seniors représentent moins de 10 % de l’effectif.

Dans certains secteurs d’activité

Ces signaux de crispation des relations intergénérationnelles apparaissent sur fond de ralentissement de la dynamique de l’emploi. Les prévisions de recrutement de cadres seniors publiées mardi 2 avril par l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) pour 2024 indiquent que la porte des entreprises a tendance à se refermer devant les plus anciens : « Le secteur privé envisagerait de recruter jusqu’à 20 220 cadres de plus de vingt ans d’expérience (6 % de l’ensemble des recrutements) », soit 15 % de moins qu’en 2023.

Ces cadres très expérimentés seraient « davantage prisés dans les entreprises industrielles que dans les services », précise l’APEC. Autrement dit, le taux d’emploi des 55-64 ans que le gouvernement aimerait bien rapprocher de la moyenne européenne de 62,4 % (contre 56,9 % en France en 2022) serait plus envisageable dans certains secteurs d’activité plus ouverts aux salariés plus âgés.

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Assurance-chômage : les grandes étapes d’un durcissement des règles depuis 2017

Après avoir réformé l’assurance-chômage à trois reprises depuis 2017, le président de la République, Emmanuel Macron, a chargé son premier ministre d’étudier un nouveau projet de réforme. Gabriel Attal a annoncé, le 27 mars, « une vraie réforme globale de l’assurance-chômage » pour l’automne. Il compte demander aux partenaires sociaux d’ouvrir de nouvelles négociations sur l’assurance-chômage pour une entrée en vigueur à l’automne.

Le chef de l’Etat poursuit son objectif de parvenir au plein-emploi (un taux de chômage autour des 5 %) d’ici à 2027. Or le taux de chômage a légèrement remonté depuis un an, à 7,5 % de la population active. La France accuse par ailleurs un déficit public de 5,5 % du PIB en 2023 et cherche des moyens de le réduire. Si le gouvernement assure qu’il vise une incitation au travail, et non pas une réforme budgétaire, les syndicats craignent que les chômeurs soient encore stigmatisés et précarisés pour des raisons financières.

Gabriel Attal a déjà esquissé une feuille de route, qui prévoit une réduction « de plusieurs mois » de la durée d’indemnisation (déjà abaissée de vingt-quatre à dix-huit mois lors de la précédente réforme) ; une augmentation de la durée d’affiliation (également allongée ces précédentes années) ; ou encore une baisse du niveau d’indemnisation. Cette dernière hypothèse à « moins [sa] préférence », est toutefois convenu le premier ministre.

Les contours précis de ce durcissement de l’assurance-chômage ne seront connus que dans plusieurs semaines. Mais pour rappeler le contexte de cette nouvelle annonce, Les Décodeurs font le point sur les nombreuses mesures prises depuis 2017.




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Assurance-chômage : le projet de réforme de Gabriel Attal attaqué dans la majorité

Gabriel Attal lors des questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale, le 2 avril 2024.

Le projet de réforme de l’assurance-chômage fait tanguer la majorité. Quatre mois après les débats sur la loi immigration qui avaient divisé les élus macronistes, plusieurs députés du camp présidentiel font à nouveau entendre une voix dissonante, cette fois-ci au sujet de la réduction des droits des demandeurs d’emploi annoncée par le premier ministre, Gabriel Attal.

La plupart des critiques viennent d’élus de la majorité classés à l’aile gauche de la majorité. C’est notamment le cas de la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, qui a appelé le gouvernement à temporiser, mardi 2 avril. Rappelant que le gouvernement a plusieurs fois « réformé l’assurance-chômage » et a « déjà réduit la durée d’indemnisation », elle a souligné sur Franceinfo qu’il fallait « évaluer » ces réformes avant d’en envisager une nouvelle. Deux jours plus tôt, l’ex-ministre des transports, Clément Beaune, s’était dit « prudent » face à cette nouvelle réforme, alertant sur le risque de précariser les plus fragiles « si on allait vers des paramètres qui sont trop durs ».

Gabriel Attal a confirmé la préparation d’un nouveau tour de vis pour les chômeurs lors d’un entretien au « 20 heures » de TF1, mercredi 27 mars. Une hypothèse qui est dans les cartons de l’exécutif depuis la fin 2023. Le locataire de Matignon a annoncé qu’« une vraie réforme globale de l’assurance-chômage » serait élaborée d’ici « à l’été », « pour qu’elle puisse entrer en vigueur à l’automne ». Cela serait la quatrième depuis qu’Emmanuel Macron est arrivé à l’Elysée, en 2017.

Tout en indiquant qu’un « document de cadrage » sera envoyé aux partenaires sociaux – normalement chargés de définir les règles d’indemnisation – pour baliser la négociation entre patronat et syndicats, le premier ministre a évoqué les pistes envisagées par l’exécutif : réduction de la durée d’indemnisation, augmentation de la durée d’affiliation (le temps de travail nécessaire pour ouvrir des droits au chômage), ou baisse du montant de l’allocation.

Après les réformes de 2018, 2019 et 2023, « il n’est pas forcément de bonne méthode de réformer aussi rapidement, à nouveau, un point majeur sans qu’on ait pu regarder les effets produits par la précédente réforme », a pointé Yaël Braun-Pivet, mardi.

« Parvenir au plein-emploi »

Conscient des remous provoqués dans les rangs de la majorité par ses déclarations, Gabriel Attal est venu justifier son projet lors de la réunion hebdomadaire du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, mardi 2 avril au matin. Le chef du gouvernement a ainsi défendu une réforme devant « inciter au travail », sans avoir nécessairement pour but de faire des économies. Une réponse aux critiques du député Renaissance de la Vienne, Sacha Houlié, qui avait jugé, dimanche 31 mars, sur le plateau du Grand Jury RTL-Le Figaro-M6, que la « motivation » de la réforme « n’est pas le retour à l’emploi » mais « une mesure d’économie ». « Est-ce que je pense qu’il faut faire une mesure d’économie sur les chômeurs aujourd’hui ? Je ne le pense pas », a ajouté le président de la commission des lois, figure de l’aile gauche de la majorité.

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A Salers, dans le Cantal, trois générations d’hôteliers racontent soixante ans de clientèle

Lorsque Antoine et Marion Bancarel pénètrent en début de matinée dans le hall de l’Hôtel Le Bailliage à Salers (Cantal), leur marathon ne fait que commencer. Pendant que les hôtes les plus matinaux prennent leur petit déjeuner, Antoine monte contrôler une cheminée dans la chambre 8 et Marion vérifier un volet électrique dans la 12. En reprenant l’établissement en février 2020, ils savaient tous deux qu’ils auraient à régler une multitude de problèmes au quotidien.

De gauche à droite, Charly, 95 ans, et Denise Bancarel, 93 ans. Puis, Marion Bancarel, 32 ans, à côté de Dominique Gouzon, 67 ans, et son mari, Jean-Michel Gouzon, 70 ans, et Antoine Bancarel, 32 ans. Trois générations qui ont dirigé l’Hôtel Le Bailliage, à Salers (Cantal), le 19 mars 2024.

Dans l’entrée, une série de photographies illustre soixante ans d’activité de l’hôtel, transmis sur trois générations. La famille y pose entourée du reste de l’équipe ou de clients plus ou moins célèbres. Denise et Charly Bancarel, les grands-parents d’Antoine, ont fait construire le lieu en 1962, à l’entrée de ce village médiéval situé à 950 mètres d’altitude, qui domine la vallée de la Maronne. A l’époque, elle s’occupe de l’accueil et de la cuisine du restaurant ; lui gère le bar, le PMU, et la station essence installée devant la bâtisse.

Le couple loge à l’arrière de l’hôtel et il n’est pas rare que leurs deux enfants, Jean-Charles et Dominique, traînent au milieu des clients. La vocation naît chez leur fille, Dominique, qui finit par s’associer à l’entreprise de ses parents dans les années 1970, avec son mari, Jean-Michel, qui entreprend alors de se former à la cuisine pour passer derrière les fourneaux. La collaboration entre les deux générations perdure jusqu’en 1999, lorsque Charly et Denise se décident à prendre leur retraite, à presque 70 ans.

Lever le pied n’est pas dans l’ADN de la famille Bancarel. Lorsqu’il se lance avec Denise dans l’hôtellerie, Charly est déjà à la tête d’une société de cars. En parallèle de son activité au Bailliage, il s’occupe donc matin et soir du ramassage scolaire du canton. Son gendre Jean-Michel sera également de la partie, jusqu’à ce que Charly se sépare de l’entreprise de transport quelques années plus tard.

Fermeture imposée

En 2019, lorsque Dominique et Jean-Michel annoncent au détour d’un repas qu’ils envisagent de vendre l’hôtel, l’idée de le reprendre germe chez leur neveu, qui « voulai[t] que Le Bailliage reste dans la famille ». Antoine et Marion, alors âgés de 28 ans, travaillent une saison aux côtés de Dominique et Jean-Michel pour rassurer les banques sur leur capacité à gérer le restaurant.

Lesté d’un emprunt de 1,5 million d’euros, le jeune couple devient propriétaire du Bailliage en février 2020, six semaines avant le premier confinement dû à la pandémie de Covid-19. Une des conditions pour toucher les aides de l’Etat est d’avoir démarré son activité avant le 1er février, Antoine et Marion n’y ont donc pas droit.

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