« Surtout, ne fermez pas la porte en sortant », un ouvrage pour dénoncer les violences managériales

Le décompte est glaçant. Cinq en 2015, douze en 2016, quatorze en 2017, vingt en 2018. Sur quelques années, un centre de formation en travail social auvergnat, regroupant un peu moins de 100 salariés, est touché par des vagues de départs sans précédent. Démissions, ruptures conventionnelles, licenciements pour inaptitude ou pour faute grave, retraites anticipées… Les formes prises par ces fins de contrats sont multiples.

Quelques années plus tard, plusieurs des collaborateurs ayant « quitté le navire » proposent un ouvrage, Surtout, ne fermez pas la porte en sortant, publié par la coopérative d’écriture et d’édition Dire le travail. Il regroupe les témoignages d’une expérience professionnelle traumatisante. Avec cette publication, les sept coauteurs parachèvent le travail d’échanges (virtuels et de vive voix) aux vertus thérapeutiques qu’ils portent depuis 2018. Au fil des pages, ils racontent avec une « parole libre » comment cette école qui accueille chaque année environ un millier d’étudiants s’est, à leurs yeux, transformée en un espace ouvert aux violences managériales et au règne de l’arbitraire.

Le moment de bascule est connu : l’arrivée, en mai 2014, d’un nouveau directeur. Les modes opératoires et l’organigramme sont remis en cause de manière radicale. « [Il] ne parle que de tableaux de bord et de réorganisation, de traçabilité et d’articulation des pôles », expliquent les auteurs.

« Rebuffades et humiliations »

Surtout, les rapports humains se dégradent brusquement, les relations se tendent. Nombre de demandes d’ordre professionnel formulées par les salariés n’obtiennent pas de réponses, freinant la bonne marche de l’école. Les « injonctions paradoxales » se multiplient. Les reproches s’accumulent contre une partie de l’effectif. Certains se sentent acculés jusque dans leur sphère privée. « Notre employeur réplique aux arrêts de travail en mandatant [un] organisme privé (…) pour réaliser des contrevisites médicales. »

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La zizanie s’installe au cœur de l’établissement, où le directeur cherche à « diviser pour mieux régner », précise Philippe, l’un des formateurs. Il trouve des soutiens en interne et recrute des membres de son réseau, pour mieux mettre en application ce que les auteurs décrivent comme des « rebuffades et humiliations ».

L’ouvrage explique, en détail, l’impact des « violences managériales » sur la santé mentale et physique des salariés. Isabelle explique : l’ « ambiance toxique » a « envahi mes nuits et mes week-ends. Elle s’immisce dans ma vie de famille. Je me sens vidée. J’ai l’impression de vivre en apnée ». Mélanie décrit « la panique qui s’empare [d’elle] chaque matin lorsqu’[elle] coupe le contact de la voiture ». La formatrice perd progressivement ses capacités. « Je n’arrive plus à lire en entier un seul article de revue sans faire dix pauses », témoigne-t-elle.

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« L’Ere du temps libéré », ou comment donner un rythme plus désirable à nos vies

Sommes-nous encore maîtres de notre temps ? Développement du lean management [méthode de production « au plus juste »], intensification des échanges numériques, porosité entre vies professionnelle et personnelle, expansion des horaires de travail atypiques, diffusion d’une « impatience consumériste »… Dans la sphère professionnelle comme privée, nombre d’évolutions ont eu tendance, ces dernières années, à nous en « déposséder ». C’est le constat que partagent Charles Adrianssens et Paul Montjotin dans leur ouvrage L’Ere du temps libéré publié aux Editions du faubourg.

Les auteurs, contributeurs au sein du laboratoire d’idées Institut Rousseau, rappellent en premier lieu que le « phénomène d’accélération » à l’œuvre est aujourd’hui largement documenté. « La proportion de salariés dont le rythme est imposé par des normes ou délais d’une heure au plus est passée de 5 % en 1984 à 29 % en 2016 », expliquent les auteurs, citant une étude de la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques. Le « travail pressé », décrit par les chercheurs Corinne Gaudart et Serge Volkoff dans leur ouvrage du même nom (Les Petits Matins, 2022), s’est, de fait, imposé dans de nombreux secteurs d’activité.

Cette fuite du temps a des conséquences multiples. L’accélération, observée dans les organisations comme dans les temps personnels – à travers notamment une « culture de la consommation permanente » – affecte les Français, comme travailleurs et comme citoyens. Elle affecte leur équilibre psychique, réduit leurs liens sociaux. « Le travail devient de plus en plus intense, et représente de moins en moins une expérience collective, au risque d’être moins émancipateur », appuient MM. Adrianssens et Montjotin. De même, cette « perte de contrôle » fragilise l’environnement, la recherche de vitesse se faisant bien souvent au détriment de la sobriété et de la frugalité.

Reprise en main

Face à ce constat, les auteurs détaillent un ambitieux programme d’actions, dessinant les contours d’une « politique publique du temps libéré ». Elle porte un objectif central : « réencastrer le temps » dans « les limites humaines et planétaires ». Une reprise en main, en somme, qui sera facilitée par l’aspiration croissante des Français à la décélération, et à « retrouver la maîtrise de [leurs] vies », veulent croire les auteurs.

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Quelles évolutions engager dans le monde du travail ? MM. Adrianssens et Montjotin souhaitent « favoriser l’équilibre entre les temps personnel et professionnel, redonnant ainsi à chaque salarié un meilleur contrôle sur son temps ». Ils proposent notamment d’« offrir à toutes les personnes travaillant à temps plein un socle commun de jours de temps libéré leur permettant de compenser [diverses contraintes], s’occuper de son enfant malade, par exemple ». Un « droit opposable à l’engagement des salariés » est également avancé. Il permettrait de sanctuariser un temps mensuel ou hebdomadaire pour exercer une activité bénévole d’intérêt général.

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Alzheimer : l’entreprise face à la dégradation des capacités cognitives du salarié

Il y a les difficultés rencontrées par cet ingénieur en réunion, lorsqu’il doit prendre des notes et assimiler les informations échangées. Il y a, aussi, les moments où ce professeur se sent « désorienté » en pleine classe, perdant le fil de son cours. Que doit-il dire ? Il y a, enfin, le trouble ressenti par ce salarié errant dans les couloirs de son entreprise, sans parvenir à se rappeler pourquoi il a quitté son bureau quelques instants plus tôt.

Derrière ces différentes situations rencontrées en milieu professionnel, une même cause : la maladie d’Alzheimer. Si la pathologie touche en grande majorité les retraités, plusieurs dizaines de milliers de cas concernent aujourd’hui, en France, les moins de 65 ans. Ces « Alzheimer jeunes », dont une part importante ignore sa maladie, faute de diagnostic, doivent affronter une dégradation progressive de leurs capacités cognitives au travail. Avec, à la clé, de nombreuses souffrances.

« Il y a autant d’Alzheimer que de patients », ont coutume de dire les spécialistes. De fait, la maladie s’invite de multiples manières dans le quotidien des personnes touchées. « Les problèmes de mémoire sont, bien sûr, fréquents, explique Adeline Rollin, responsable du Centre national de référence malades Alzheimer jeunes de Lille. Les malades ont des difficultés à se constituer de nouveaux souvenirs. Mais des formes atypiques sont aussi très présentes chez les jeunes : troubles du langage, de la gestualité, difficultés visuelles, par exemple pour se repérer dans l’espace. Les fonctions exécutives peuvent être aussi touchées, avec des difficultés à organiser ou à planifier. »

Des sources de tension

Autant de symptômes qui complexifient le quotidien professionnel, jusqu’à rendre impossible l’accomplissement de certaines missions. « Cela peut aussi, parfois, augmenter le risque d’incident avec une mise en danger du malade et de ses collègues », note Benoît Durand, directeur délégué de l’association France Alzheimer. « L’un de mes patients avait un rôle important dans un processus de sécurité interne, explique une médecin du travail. Ce processus a été mis à mal à la suite d’un oubli de sa part. Cela devenait dangereux, il a donc été déchargé de cette mission. »

Face à une incapacité croissante à accomplir certaines tâches, les salariés se retrouvent en situation d’échec et peuvent perdre confiance en eux. Un ressenti douloureux, parfois doublé d’une incompréhension. Le diagnostic n’est le plus souvent posé que plusieurs années après la survenue de la maladie. Auparavant, les personnes touchées voient donc certaines de leurs capacités décroître sans réelle explication. « Les patients qui nous contactent ont souvent été placés dans un premier temps en arrêt de travail pour dépression ou burn-out », relève Mme Rollin.

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Une avancée pour la protection des travailleurs du BTP lors d’épisodes caniculaires

Un chantier de construction à Airvault (Deux-Sèvres), le 5 juillet 2024.

Adaptation au réchauffement climatique oblige, un décret que les travailleurs du bâtiment et des travaux publics demandaient depuis longtemps est paru le 28 juin au Journal officiel : la canicule rejoint la liste des intempéries ouvrant le droit au chômage technique sur les chantiers.

« C’est une revendication que nous portons depuis 2018, lorsque nous avons commencé à constater de réels soucis sur les chantiers à la suite de coups de chaleur », rappelle Frédéric Mau, secrétaire de la fédération CGT Bois et construction, qui se « félicite » de ce « signal politique important : tout le monde sait désormais que travailler dehors par 40 °C représente un risque avéré pour la santé ». Il prend l’exemple des ouvriers chargés de la réfection des chaussées. « L’enrobé déposé est à 150-160 °C. Donc imaginez quand vous avez les pieds dessus avec un environnement extérieur à 40 °C… La température de l’air ambiant peut atteindre 80 °C, on l’a mesuré ! Et on a vu des évanouissements, même chez des gars aguerris ! »

Onze accidents du travail mortels en lien possible avec la chaleur sont survenus durant l’été 2023, dont près de la moitié dans le cadre d’une activité professionnelle de construction et travaux, notait, en février, Santé publique France dans son bilan « Canicule et santé ». Des chiffres sous-estimés, selon le secrétaire fédéral CGT, « parce que les causes d’un malaise mortel sont évidemment moins flagrantes que celles d’un décès consécutif à une chute de hauteur ».

Mutualiser les risques

Le nouveau décret met ainsi à jour le régime « chômage intempéries » créé dans le BTP au lendemain de la seconde guerre mondiale, un temps où les canicules ne rythmaient pas encore les étés français. Dans ce secteur où une bonne part du travail se fait en extérieur, il permet d’un côté aux salariés d’être indemnisés si des conditions météorologiques extrêmes (vent violent, fortes pluies, neige, gel) les obligent à cesser le travail. Et, de l’autre, aux entreprises de mutualiser les risques par le biais d’une cotisation à un fonds de réserve qui finance cette indemnité versée aux salariés au chômage technique.

Mercredi 10 juillet, Olivier Salleron, le président de la Fédération française du bâtiment, puissant lobby du secteur, s’est également réjoui, devant la presse, de cette avancée. Le régime intempérie se déclenchera en cas de vigilance orange ou rouge annoncée par Météo France. « La caisse remboursera alors les salaires des compagnons, c’est automatique, a-t-il expliqué. Mais aussi en cas d’arrêté préfectoral. » Pour l’année 2024, la caisse des congés ne versera toutefois que 80 % du salaire, la différence restant à la charge des entreprises.

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Réforme du RSA : dans la métropole de Lyon, accompagner sans sanctionner

L’agence France Travail de Givors (Rhône) grouille de monde. Un peu partout dans le hall, ça foisonne d’échanges. Ce mardi de la mi-juin, Yanis (il n’a pas souhaité donner son nom), 29 ans, y entre pour la première fois. Il a été convoqué, comme soixante-dix autres personnes, à une « rencontre d’information et d’orientation » organisée pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Ce solide gaillard, crâne rasé, barbe de trois jours, a le regard un peu perdu devant la multitude de comptoirs. De nombreux organismes sont présents face à lui pour ce rendez-vous spécifique : caisse d’allocation familiale, caisse primaire d’Assurance-maladie, maison de la métropole de Lyon, régie des transports publics…

Après un premier entretien avec un conseiller France Travail, Yanis passera à chacun de ces stands. Six comptoirs différents qui permettent d’emblée de connaître assez précisément la situation de la personne, ses besoins, les aides auxquelles elle peut éventuellement prétendre, etc. « C’est vraiment une bonne chose de rencontrer tous ces gens tout de suite, j’ai pu poser toutes les questions que je voulais », affirme Yanis. Ancien plombier, inactif depuis plusieurs années en raison de problèmes de santé, il souhaite se reconvertir et suivre une formation de chauffeur poids lourds.

A la fin de cette première rencontre de deux heures, une fois son orientation décidée, un agent France Travail lui remet immédiatement une convocation pour un rendez-vous plus spécifique. Trois parcours sont possibles. Un accompagnement social avec un conseiller de la métropole pour les plus éloignés de l’emploi ; un suivi intermédiaire dit socioprofessionnel et, enfin, pour les personnes susceptibles de retrouver un travail le plus facilement, un accompagnement professionnel avec France Travail.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés La réforme du RSA suscite inquiétudes et scepticisme

Cette journée est la première pierre de l’accompagnement rénové des bénéficiaires du RSA expérimenté depuis avril 2023 dans dix-huit bassins d’emploi. Le projet de loi pour le plein-emploi, adopté par le Parlement en décembre 2023, prévoit sa généralisation à partir de 2025. Le texte, qui a suscité de nombreuses critiques venues de la gauche, qui promet d’ailleurs de revenir dessus si elle parvient au pouvoir, conditionne le versement du RSA à au moins quinze heures d’activité hebdomadaires.

« Public plus difficile à mobiliser »

La métropole de Lyon, qui fait partie des trois territoires de gauche volontaires – avec la Loire-Atlantique et l’Ille-et-Vilaine –, a choisi une ville enclavée et marquée par la pauvreté pour mener cette expérimentation. Coincée dans un triangle entre Lyon au nord, Saint-Etienne à l’ouest et Vienne à l’est, Givors fait partie de ces territoires sinistrés par la désindustrialisation. Dans la commune traversée par l’autoroute A47, le taux de chômage atteignait 18,6 % en 2021, selon l’Insee.

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Dialogue professionnel : « La place du manageur a toujours fait débat »

Droit social. Dans le vaste cimetière des lois inappliquées, surgissent parfois d’étonnantes transfigurations. Ainsi du « droit d’expression directe et collective » créé par la loi Auroux du 4 août 1982, visant « à définir dans l’unité de travail les actions à mettre en œuvre pour améliorer les conditions de travail, l’organisation de l’activité et la qualité de la production ».

Du fait d’une triple méfiance, cette petite démocratie directe a connu un succès très mitigé. Côté employeurs, des foyers potentiels de contestation ; côté manageurs, une éventuelle mise en cause (publique) ; enfin, côté syndicats, une collaboration de classe voulant les contourner. « Si c’était à refaire, j’imposerais des réunions d’expression avant les négociations annuelles obligatoires », disait l’ancien ministre du travail Jean Auroux début 2024 : car sa loi voulait aussi inciter des syndicats très idéologiques à revenir sur le terrain. Pas gagné, comme l’avait constaté, en janvier 2019, le secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT), Philippe Martinez, commentant la seconde place de son syndicat : « Nous sommes parfois trop idéologiques et pas assez concrets. Nous devons redevenir le syndicat de la feuille de paie et du carreau cassé. »

Au-delà de la banalisation de la « prise de parole », en particulier sur les réseaux sociaux (voir groupes de collègues sur Facebook ou sur WhatsApp), l’actualité récente montre le besoin d’écoute et de reconnaissance.

Le « besoin de partage »

Car, après quarante ans du monopole de « l’emploi » dans le débat public, le travail au quotidien enfin réapparaît. Et, avec lui, un frère jumeau du droit d’expression : le « dialogue professionnel », adopté par la Confédération française démocratique du travail, en juin 2022, « afin d’agir sur le contenu du travail et son organisation, dans un cadre collectif et négocié permettant une réelle prise en compte de l’expression des travailleurs ».

Bon. Mais si les mêmes causes produisent les mêmes effets… D’où l’intérêt des travaux de la Confédération française des travailleurs chrétiens, « L’expression directe et collective en entreprise : des chiffres aux pratiques » publiés en juin 2024.

Côté manageur, il y a deux constats et une surprise.

Premier constat, la place du manageur a toujours fait débat. Alors que la loi lui donne un rôle moteur, libérer la parole de ses subordonnés en sa présence… D’autant plus que, malgré le volontariat, une réunion convoquée sur le temps et le lieu de travail ressemble davantage à une réunion de service qu’à un lieu d’expression libre, même si le chef est alors invité à devenir « animateur ».

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Sur LinkedIn, les nouvelles pratiques des utilisatrices pour contrer le harcèlement : « Les femmes passent du temps à décrypter le message et le profil de la personne »

Lorsqu’elle ouvre sa messagerie LinkedIn en octobre 2023, Gaëlle Etienne est prise d’un haut-le-cœur. Elle découvre avec stupeur une dick pic (« photo de pénis ») sur l’écran de son ordinateur. « Je venais de la recevoir de la part d’un homme que j’avais accepté juste avant. Quelqu’un de très haut placé dans une grosse entreprise. Il me demandait si son pénis était beau », se souvient-elle. A 22 ans, cette sexologue spécialisée dans le sport a l’habitude de recevoir des messages déplacés à propos de sa profession sur Instagram et Facebook. « Mais pas LinkedIn. Je pensais être à l’abri de tout ça sur ce réseau. J’étais horrifiée et dégoûtée », déplore celle qui a rejoint le réseau en 2022 pour faire connaître son entreprise.

Avec plus de 30 millions d’utilisateurs en France, le réseau social professionnel LinkedIn est devenu un incontournable dans la recherche d’emploi. Ce CV digital permet de mettre en relation entreprises, salariés ou étudiants en recherche de stage, d’emploi ou d’alternance. Pour de nombreux utilisateurs, il est essentiel pour recruter, chercher des collaborations ou de nouveaux clients.

Or, d’après une enquête menée par Ipsos pour le collectif Féministes contre le cyberharcèlement en 2021, quatre Français sur dix ont déjà été victimes de cyberharcèlement sur les réseaux sociaux. Parmi eux, 84 % sont des femmes. L’étude révèle que LinkedIn n’est pas en reste : près de 53 % des victimes affirment avoir expérimenté le cyberharcèlement sur le réseau social professionnel.

« Sur LinkedIn, la prédation, la surveillance, le harcèlement et les menaces sont des phénomènes banalisés », estime Johanna-Soraya Benamrouche, membre du collectif Féministes contre le cyberharcèlement. Les sollicitations non consenties à caractère sexuel et sexiste concernent une grande partie des utilisatrices ayant une messagerie privée ouverte, où tous les messages sont reçus et non filtrés. Or sur le réseau acquis par Microsoft en 2016, la grande majorité des utilisateurs laisse sa messagerie ouverte, à l’affût des opportunités professionnelles. Pour Johanna-Soraya Benamrouche, c’est une « brèche pour les harceleurs qui vont cibler des femmes en quête de nouvelles opportunités professionnelles ».

« Avances romantiques »

Interrogé, LinkedIn l’assure : « Les avances romantiques et le harcèlement sont une violation de nos politiques et n’ont pas leur place sur notre plate-forme. » La plate-forme certifie qu’elle développe des outils pour aider les utilisateurs à avoir une expérience sûre de recherche d’emploi. Par exemple, une fonctionnalité optionnelle de sécurité avancée qui, lorsqu’elle est activée, prévient lorsqu’un contenu qui s’apparente à du harcèlement est détecté dans la messagerie privée. LinkedIn rappelle également qu’une campagne de prévention avait été lancée en 2023 pour « aider nos membres à mieux comprendre nos politiques ».

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Après la dissolution, des « petits patrons » dans l’expectative : « Ce qui m’inquiète le plus, c’est une économie en attente »

Dans les locaux du groupe ALFI Technologies, spécialisé dans l’ingénierie et la fabrication de lignes de manutention, à Beaupréau-en-Mauges (Maine-et-Loire), en juin 2023.

Que pensent les chefs d’entreprise de la situation politique et des conséquences économiques qui pourraient résulter des mesures proposées par le Nouveau Front populaire, bloc arrivé en tête des élections législatives du 7 juillet ? Si Patrick Martin, président du Medef, a considéré, dans un entretien aux Echos paru mardi 9 juillet, que la mise en œuvre d’un programme de gauche serait « fatale pour l’économie française et précipiterait [son] déclin », sur le terrain, les positions des PME paraissent plus nuancées. Le Monde a rencontré plusieurs patrons de proximité en région Centre-Val de Loire, et leur inquiétude porte surtout sur l’atonie actuelle et le manque de perspective claire pour le pays.

Pierre Lambin, 44 ans, a fondé Les Vélos Verts, une entreprise de location de deux-roues le long de la Loire, sur huit étapes entre Blois et Nantes. Il dispose d’une flotte de 1 000 vélos, dont 200 électriques, et salarie une douzaine de personnes toute l’année, sans compter les saisonniers.

« La saison se passe mal, on ne va pas se mentir, constate-t-il. On a l’impression qu’à cause des Jeux olympiques [de Paris], les touristes étrangers sont allés visiter un autre pays. Alors si maintenant on me demandait d’instaurer le smic à 1 600 euros net, même si je suis pour, j’aurais du mal à suivre : le coût de ma masse salariale dépasserait mon résultat net de 2023. » « Et puis, une fois que le smic sera à ce montant, ça rendra la première marche beaucoup plus haute pour créer un emploi. Mais après tout, pourquoi pas ? A condition, de mon point de vue, de garantir de la sérénité, de faire en sorte que les touristes étrangers se disent que ce pays va bien », développe-t-il.

Quid de la situation politique ? « A titre personnel, je n’aurais pas aimé travailler sous un gouvernement RN [Rassemblement national] donc, à présent, je suis content. Mais en dehors de ça, à moins qu’il opère des changements radicaux en faveur du “slow tourism” [le tourisme de la lenteur], je n’attends rien du futur gouvernement. Tant que ma région, mon département et mon agglomération, au-delà de leurs étiquettes politiques, continuent d’être d’accord pour développer la Loire à vélo, ça me va. Eux ont compris qu’il ne suffisait pas d’une campagne de com’ pour attirer les visiteurs. »

Une proposition démagogique

Thomas (le prénom a été modifié à sa demande, car il souhaite rester anonyme), qui emploie 320 salariés dans un hypermarché, n’est pas non plus hostile à une hausse du smic. « Un salaire de base à 1 600 euros, je trouve ça plutôt bien d’autant que les gens qui sont au smic dépensent cet argent chez eux, dans leur territoire. Et puis si on gère bien sa boîte, si on fait attention, ça fonctionne, dans la mesure où le smic est le niveau de salaire le moins chargé en cotisations. »

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La « prime Macron » peut être versée sur un plan d’épargne salariale et être à nouveau exonérée d’impôt

En 2023, les salariés ont placé 2,4 milliards d’euros sur leurs plans d’épargne salariale, qu’il s’agisse de plans d’épargne d’entreprise (PEE) ou de plans d’épargne-retraite collectifs (les anciens Perco et les nouveaux Percol). Des sommes issues de l’intéressement ou de la participation versés par leur employeur, de leurs versements volontaires, etc. Un nouveau type de versement, autorisé sur ces plans d’épargne salariale depuis le 1er juillet, va toutefois désormais venir gonfler les montants collectés : les primes de partage de la valeur (PPV).

Ces primes surnommées « Macron » avaient vu le jour à la fin de l’année 2018. Face à la crise des « gilets jaunes », les entreprises avaient alors été exceptionnellement autorisées à verser à leurs salariés une « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat », la prime PEPA, sans cotisations sociales ni impôt sur le revenu – c’était généralement 1 000 euros maximum.

Depuis, le dispositif a été pérennisé, rebaptisé, et ses modalités ont été plusieurs fois revues. Un changement fiscal majeur est notamment intervenu début 2024. En effet, depuis le 1er janvier et jusqu’à fin 2026, la prime Macron n’est plus exonérée de l’impôt sur le revenu, sauf pour les salariés travaillant dans des entreprises de moins de cinquante salariés, dans la limite de 3 000 ou 6 000 euros (selon les cas), s’ils gagnent moins de trois fois le smic (cette dernière condition existait déjà avant 2024).

Au moins un fonds labellisé

Pour le contribuable imposable, la possibilité, nouvelle, de placer cette prime Macron sur un PEE ou un plan d’épargne-retraite collectif a donc surtout un intérêt fiscal, dans la mesure où elle rouvre la porte à l’exonération quasi supprimée début 2024. Car les sommes ainsi placées ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu, dans la limite, là encore, de 3 000 euros ou 6 000 euros. En 2023, la PPV a été reçue par près de 6 millions de salariés, avec un montant moyen de 885 euros (5,3 milliards d’euros en tout).

En pratique, les salariés ont quinze jours pour demander l’affectation de tout ou partie de leur prime sur un plan d’épargne salariale, à compter de la réception du document les informant de son montant. « Soyez vigilant, conseille Sophie Lebeau, secrétaire générale épargne salariale et retraite d’Amundi, si vous ne répondez pas, il n’y aura pas d’affectation par défaut sur un plan, contrairement à ce qui prévaut pour l’intéressement et la participation, la prime vous sera payée et risquera d’être imposée. »

Attention, les sommes versées sur les plans d’épargne salariale seront bloquées, cinq ans pour le PEE, jusqu’à la retraite pour un Perco ou un Percol. Mais certains événements de la vie (ils varient selon le type de plan) permettent de retirer son argent avant. « L’employeur a par ailleurs la possibilité d’abonder la prime [verser un montant supplémentaire] si elle est placée sur un plan », précise Mme Lebeau. Les salariés ayant perçu une PPV au premier semestre 2024 ne peuvent pas la placer sur un plan d’épargne salariale.

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A Marseille, cinquante jours de grève pour les femmes de chambre d’un hôtel de standing

Des femmes de chambre en grève, rassemblées devant l'hôtel Radisson Blu, à Marseille, le 3 juin 2024.

Ce matin-là, le concert de casseroles a commencé à 9 h 30. Sur le Vieux-Port, une dizaine de femmes de chambre employées à l’hôtel Radisson Blu viennent de déployer leur piquet de grève devant la porte à tambour. La terrasse où les clients de cet établissement quatre étoiles prenaient leur petit déjeuner s’est immédiatement vidée. Et les arrivants, traînant leurs valises à roulettes, contournent banderoles et sono pour aller s’enregistrer. Jeudi 11 juillet, les salariées de la société Acqua, filiale du groupe Accelis, spécialisée dans la propreté et sous-traitante du Radisson, auront cessé le travail depuis cinquante jours. « Ce n’est pas maintenant qu’on va lâcher », martèle Ansmina Houmadi, 31 ans, déléguée du personnel et femme de chambre dans l’établissement depuis cinq ans.

Le mouvement a commencé le 24 mai, à la veille d’un week-end très chargé. Le départ d’une gouvernante – salariée qui assure l’encadrement – appréciée par la vingtaine de femmes de chambre qui se relaient dans l’hôtel, a provoqué un déclic. « Depuis plusieurs mois, on était quelques-unes à vouloir faire grève. On s’est dit que c’était le moment de mettre toutes nos revendications sur la table », explique Christina, 34 ans, une des anciennes du site, qui, comme la plupart de ses collègues, ne souhaite pas donner son nom. Près de deux mois plus tard, elles sont quatorze sur vingt-trois à tenir le conflit.

Alors que le tourisme explose dans la ville, et que cet établissement quatre étoiles idéalement situé affiche complet avec des chambres dont le tarif oscille entre 270 et 600 euros, les salariées d’Acqua se disent « déconsidérées » et revendiquent un meilleur statut. « On a des contrats de cinq ou six heures par jour. On attaque à 9 heures, 9 h 30, le week-end. On doit nettoyer dix chambres, les salles de bains, les toilettes, remplir le minibar… On dépasse presque quotidiennement les horaires, ce qui fait qu’on ne peut pas chercher un autre job », détaille Ansmina Houmadi.

La peur « d’être licenciée, de perdre sa carte de séjour »

A leur employeur, qui gère le ménage dans plusieurs autres hôtels marseillais, les femmes de chambre du Radisson Blu ont fait parvenir, fin mai, leurs demandes. Un treizième mois, à l’image de ce que d’autres salariées de l’entreprise ont obtenu dans un conflit social antérieur à l’hôtel AC Marriott Vélodrome. Une prime de pénibilité estivale de 600 euros – « parce qu’en été, avec la présence de familles, les chambres sont plus longues à nettoyer », expliquent-elles. Un passage pour toutes au statut d’agente qualifiée de services 2 dans la grille de la convention collective de la propreté… Soit 11 centimes d’euro de mieux sur leur tarif horaire, à 12,41 euros brut. Enfin, la disparition de la clause de mobilité, qui permet à leur encadrement de les envoyer sans préavis dans un autre hôtel à court de personnel.

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