Fanny, 25 ans, sage-femme, 2 289 euros par mois : « Dans ma famille, on ne parle pas d’argent. La philosophie, c’est de considérer le travail avant tout comme un plaisir »

Je gagne 2 289,09 euros par mois. Le salaire des sages-femmes est fléché dans une grille tarifaire, avec un gain d’échelon lié à l’ancienneté. Pendant la première année et demie, on est à l’échelon 1. Je travaille en salle de naissance, dans un hôpital en banlieue parisienne. Mon salaire varie en fonction des gardes effectuées. En moyenne, j’ai environ 600-650 euros de primes en plus de mon salaire, elles récompensent le travail d’urgence, les indemnités pour le travail de nuit et de week-end.

Comme on manque de personnel, je peux être amenée à prendre des gardes en plus, de jour comme de nuit. Chaque garde dure douze heures. J’en fais douze en moyenne chaque mois, la moitié de jour, l’autre de nuit. Lorsque je fais une garde la nuit, je suis « off » le lendemain en journée. Par exemple, je travaille le mercredi de 8 heures à 20 heures, puis le jeudi de 20 heures à 8 heures. Mais ça reste un sacré rythme. C’est compliqué, notamment pour mes collègues qui ont des enfants. Et on sait qu’à terme, le travail de nuit est mauvais pour la santé.

Il vous reste 81.67% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Un camping-car France services pour pallier le retrait de l’Etat : « Avant, je n’avais nulle part où aller pour me faire aider »

Le camping-car itinérant France services, à Plouasne (Côtes-d’Armor), en 2022.

Le camping-car est posté sous les platanes, non loin du monument aux morts. Une table de camping et deux chaises ont été sorties. Le camping-car France services, géré par la Mutualité sociale agricole (MSA), tient sa permanence sur la grande place de Gonfaron (Var), en cet après-midi de début juin. Un guichet unique mobile tenu par deux agents d’accueil, remplaçant pas moins de onze administrations dont les sigles ornent la porte du véhicule : Caisse d’allocations familiales, assurance retraite, France travail, finances publiques, ministère de l’intérieur, ministère de la justice, Assurance-maladie… A l’intérieur, à la place des lits couchettes, deux tablettes pour ordinateur portable. Sous cartes postales, une affichette contre les violences conjugales et un violentomètre, cette règle graduée permettant de repérer les signes d’une relation violente.

Dix minutes se sont à peine écoulées depuis l’installation du camion qu’un homme en treillis fleuri monte à bord, une chemise plastique sous le bras. Albert, 55 ans, viticulteur exploitant (les personnes dont le seul prénom est mentionné n’ont pas souhaité donner leur nom de famille) s’inquiète d’une cotisation sociale payée qui n’apparaît pas sur son compte Urssaf. « Il faut aussi que je fasse une déclaration de situation pour les prestations familiales mais je ne sais pas quoi mettre », explique-t-il en sortant une liasse de papiers de son bras tatoué. L’agent s’enquiert de la situation de sa femme, employée comme saisonnière pour l’ébourgeonnage des vignes : « Vous l’avez déclarée ? Il faut une photocopie du livret de famille. » Albert téléphone à sa femme pour qu’elle lui envoie une photo quand entre un homme massif accompagné de sa fillette en trottinette.

Il vous reste 81.83% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Beaumanoir et Celio reprennent 33 magasins Jennyfer

Thomas Beaumanoir et son père, Roland Beaumanoir, dans les locaux du groupe, à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), le 30 mai 2024.

Beaumanoir et Celio relèveront le rideau d’une trentaine de magasins Jennyfer. Sans toutefois maintenir l’enseigne. Le groupe fondé par Roland Beaumanoir en 1981 à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) a été choisi par le tribunal de commerce de Bobigny, jeudi 12 juin, pour reprendre 26 magasins sur les 220 de la chaîne, en liquidation judiciaire depuis le 30 avril, et préserver 192 emplois (dont 38 relevant du siège social, situé à Saint-Ouen). La chaîne de mode masculine Célio reprend, elle, sept magasins et 47 salariés. Les juges ont préféré ces deux propositions à celle de l’actionnaire de Pimkie, Salih Halassi. Initialement, Celio s’était associé à cet homme d’affaires, avant de faire une proposition en solo.

Le tribunal de commerce de Bobigny a suivi l’avis des représentants du personnel favorables à l’offre de Beaumanoir. Toutefois, cette décision est un coup dur pour les salariés, car elle débouche sur 729 licenciements, sur 968 salariés (effectifs recensés le 12 juin). « Soit autant de familles impactées, à la veille des vacances d’été », déplore Stéphane Ducrocq, avocat des salariés Jennyfer, spécialiste du droit du travail.

Il vous reste 73.93% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Hubert Guillaud : « Dans le monde du travail, les algorithmes favorisent une discrimination automatisée »

Face au « cynisme des calculs » et à leur opacité, le journaliste Hubert Guillaud appelle, dans son livre Les Algorithmes contre la société (La Fabrique, 176 pages, 14 euros), à une meilleure transparence des systèmes algorithmiques et à une mise en débat de leurs modalités et de leurs usages.

Vous mettez en garde, dans votre ouvrage, contre « une fuite en avant informatique » dans les organisations, où de multiples décisions sont prises en s’appuyant sur des algorithmes. Pourquoi ?

J’ai souhaité pointer l’« hallucination » dont nous pouvions être victimes avec ces systèmes, et les croyances qui les accompagnent : ils seraient forcément efficaces et productifs, garantiraient la neutralité et l’objectivité. Il n’en est rien ! Les calculs apparaissent en réalité massivement défaillants, ils peuvent favoriser les approximations et amplifier des phénomènes de discrimination. Pour le démontrer, j’ai observé les impacts directs qu’ils avaient sur la vie des gens, notamment dans le monde du travail.

Vous évoquez à ce propos l’automatisation des processus de recrutement. Quelles sont leurs failles ?

Les systèmes automatisés ont pour base de calcul l’analyse de mots comparés. Ils vont confronter certains termes présents dans votre CV – concernant notamment les formations que vous avez suivies – à ceux présents dans l’offre d’emploi ou dans d’anciennes candidatures ayant abouti à une embauche. Si certains mots n’y figurent pas, votre profil sera déclassé. De même, votre note baissera si vous n’avez pas travaillé en continu et que des creux sont repérés dans votre parcours professionnel. Ce sont donc des systèmes d’analyse très précis, obéissant à un script, qui vont bien plus chercher à sélectionner des personnes correspondant finement aux annonces que de révéler le potentiel des candidats.

En conséquence, ils empêchent beaucoup de travailleurs d’évoluer. Il devient bien plus difficile d’accéder à tel poste à responsabilité si vous n’avez pas occupé des fonctions similaires auparavant. Surtout, ces systèmes favorisent la mise en place d’une discrimination automatisée. Un audit de la Bank of America a par exemple montré que les plus de 40 ans avaient un taux de rappel suite à une candidature 30 % moins élevé que les plus jeunes pour un emploi de base. Ce taux s’effondre plus encore pour les femmes de plus de 40 ans. Mis en avant pour leur efficacité, ces systèmes se révèlent ainsi particulièrement défaillants.

Il vous reste 54.75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le sexisme et l’âgisme font perdre plus de 157 000 euros aux femmes sur vingt ans, selon la Fondation des femmes

Le sexisme et l’âgisme font perdre plus de 157 000 euros sur vingt ans aux femmes, selon une estimation publiée jeudi 12 juin par la Fondation des femmes qui exhorte les pouvoirs publics à agir pour réduire « le coût de la séniorité » qui pèse sur les femmes.

« Entre 40 et 60 ans, à chaque bougie soufflée, une femme salariée perd en moyenne 7 862 euros par rapport à un homme du même âge », a calculé l’organisation féministe. Sur vingt ans, « le fait d’être une femme au lieu d’un homme coûte aux femmes 157 245 euros ».

Pour parvenir à ce chiffre, l’observatoire de l’émancipation économique des femmes de la fondation s’est basé sur les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) selon lesquelles une femme salariée gagne en moyenne 22 830 euros par an à 40 ans et 21 410 euros à 60 ans. Or, « si elle avait été un homme, elle aurait gagné à 40 ans 29 710 euros annuels (soit 6 880 euros de plus) et à 60 ans 29 430 euros (soit 8 020 euros de plus) », relève l’association.

En « supposant une progression linéaire de l’écart salarial », la perte sur vingt ans est estimée à 157 245 euros, un chiffre qui grimpe à 159 000 euros dans le privé, écrit la Fondation des femmes dans son rapport.

Une « santé dégradée et passée sous silence »

« C’est lié à de nombreux facteurs : les femmes ont choisi des emplois moins rémunérés, notamment des métiers du soin, il y a moins de progression de carrière, elles vont être confrontées à des problématiques de santé, d’aidance, de divorce, qui vont se cumuler et aggraver les choses », rappelle auprès de l’Agence France-Presse la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert.

La fondation évoque notamment une « santé dégradée et passée sous silence » – 87 % des femmes en France souffrent d’au moins un symptôme lié à la ménopause, le coût « invisible de la maternité » ou encore le soutien aux enfants. Au total, « les femmes dédient 23 millions d’heures hebdomadaires gratuitement à la garde d’enfants », peut-on lire dans le rapport.

Conséquence de ce « décrochage économique », 75 % des retraités français vivant aujourd’hui avec moins de 1 000 euros par mois sont des femmes.

Face à ce constat, la structure appelle à faire en sorte que « l’aidance compte pour la retraite », comme aujourd’hui la maternité, grâce à une « majoration aidance » qui permettrait de valider des trimestres pour les personnes qui interrompent ou réduisent leur activité pour aider un proche. Elle préconise également de reconnaître la pénibilité du travail des femmes, de former les médecins du travail aux enjeux de la ménopause ou encore de créer de nouveaux congés aidants et grands-parents.

Lire les témoignages : Article réservé à nos abonnés Inégalités à la retraite : 64 ans de la vie d’une femme

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu

Négociations sur les retraites : les syndicats prêts à mettre de côté la revendication phare des 64 ans

Le président de la CFE-CGC, François Hommeril (au centre), entouré des secrétaires nationales du syndicat Christine Lê (à gauche) et Christelle Thieffinne (à droite), à Paris, le 17 mai 2023.

Une étape importante, peut-être décisive, vient d’être franchie dans la négociation entre partenaires sociaux sur les régimes de pensions. Pour la première fois depuis le lancement du processus, fin février, un syndicat – la CFE-CGC, en l’occurrence – a explicitement indiqué, mercredi 11 juin, qu’il était prêt à avaliser un texte, même si celui-ci maintient la retraite à 64 ans. Avec des éléments de langage difficiles à décrypter, la CFDT a, elle aussi, donné l’impression de soutenir cette position. Et tout porte à croire que c’est également la ligne de la CFTC.

Les trois organisations de salariés, encore impliquées dans les discussions, tirent ainsi les conséquences de l’attitude du patronat, qui reste arc-bouté dans son refus d’une remise en cause de l’âge légal de départ instauré par la réforme de 2023. Elles semblent prêtes à mettre de côté – au moins provisoirement – leur revendication phare (l’abrogation de la mesure d’âge adoptée il y a deux ans), sous réserve que des améliorations significatives soient apportées à d’autres mécanismes de notre système par répartition.

Il vous reste 77.71% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Casa France, nouvelle victime de la baisse du marché de l’ameublement, pourrait être placée en liquidation judiciaire

La vitrine d’un magasin Casa, à Paris, le 21 mars 2025.

Clap de fin pour les 143 magasins de Casa en France. Après examen des propositions de reprise par le tribunal de commerce de Bobigny, mercredi 11 juin, la filiale française de la chaîne internationale de magasins de décoration, créée en 1975, s’achemine vers une liquidation judiciaire. Elle était en redressement judiciaire depuis le 2 avril. « Au regard des critères exigés par la loi, les offres pourraient être jugées irrecevables », a fait savoir Casa France, dont les administrateurs ont demandé la liquidation.

Le jugement du tribunal sera rendu le 27 juin, mais, pour les quelque 700 salariés de l’enseigne, selon la direction – 577 en CDI et une centaine en CDD –, il n’y a plus aucun suspense. « On va tous être au chômage, se désole Jean-Philippe Cheneble, délégué syndical CGT de Casa. D’ici là, les magasins restent ouverts. Les salariés pensaient que la délibération irait vite pour pouvoir passer à autre chose. Pour eux, le temps va être long, car les magasins et les réserves sont vides après des opérations de liquidation à – 60 % du prix. On a même dû ressortir les décos de Noël. »

Il vous reste 75.7% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’Europe a-t-elle oublié la catastrophe du Rana Plaza ?

Entreprises. Dans leur empressement à réduire les normes qui pèsent sur les entreprises européennes, plusieurs pays, dont la France, plaident pour le retrait de la directive européenne sur le devoir de vigilance.

Parents de victimes de la catastrophe du Rana Plaza, lors d’une cérémonie souvenir organisée en 2019, au Bangladesh.

Inspirée pourtant par la loi française de 2017, cette directive de 2024 imposerait aux entreprises de l’Union européenne (au-delà d’une certaine taille) de se doter d’un plan de réduction des risques relatifs aux droits fondamentaux des travailleurs sur toute la chaîne mondiale d’approvisionnement.

Or, supprimer cette directive en l’accusant d’être une entrave administrative à la compétitivité repose sur trois erreurs dont les conséquences sur les droits humains dans le monde seraient graves.

Première erreur : le devoir de vigilance serait une tracasserie inutile. Or, il s’agit du seul garde-fou contre les formes particulièrement meurtrières de la production mondialisée et dont la catastrophe du Rana Plaza, au Bangladesh, a été la terrible révélation. Qui imaginait, en 2013, que les grandes enseignes de la mode et du vêtement faisaient assembler leurs produits dans un bâtiment mal construit, auquel on avait rajouté des étages sans autorisation et où étaient entassées sans règles de sécurité plusieurs milliers d’ouvrières ?

Il vous reste 65.82% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.