Quelque 23 viols ou tentatives de viol ont été recensés en 2023, trois fois plus que l’année précédente, détaille une étude publiée par l’établissement fin avril.
Le nombre d’accidents du travail mortels signalés par les agents de contrôle de l’inspection du travail a augmenté de 39 % entre les quatre premiers mois de 2023 et de 2024, mais il s’agirait paradoxalement d’une bonne nouvelle, reflétant une meilleure information des inspecteurs par les employeurs. De janvier à avril, 157 décès sont ainsi remontés via SuiT, le système d’information de la direction générale du travail (DGT), contre 113 sur la même période en 2023, selon un document que Le Monde a pu consulter.
Faut-il s’attendre à une augmentation supplémentaire du nombre de morts au travail cette année ? Simon Picou, secrétaire national de la CGT de l’inspection du travail, s’interroge : « On voit beaucoup de cas dramatiques, de même qu’une accélération des cadences dans le BTP pour terminer un certain nombre d’ouvrages avant les Jeux olympiques, mais c’est insuffisant pour expliquer cette hausse. »
En réalité, ce comptage interne diffère de celui de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), qui fait autorité même s’il ne concerne que les salariés du régime général : en 2022, 738 d’entre eux ont perdu la vie au travail selon la CNAM, alors que seuls 331 accidents mortels étaient remontés aux inspecteurs. « Notre chiffre n’a pas de visée statistique comme la CNAM, ce sont juste des données de pilotage de l’action des inspecteurs, explique Pierre Ramain, directeur général du travail. Ces remontées nous permettent d’avoir une vision plus précise du contenu des accidents, pour ensuite pouvoir renforcer des mesures de prévention. »
Un malaise
En cas d’accident mortel, une enquête doit théoriquement être faite par les inspecteurs, et un procès-verbal établi. Mais la gendarmerie ou la police, souvent la première à alerter l’inspection, ne le fait pas toujours lorsque la victime décède d’un malaise. Or c’est la cause d’environ la moitié des accidents mortels. « Il y a un problème d’information des inspecteurs, confirme Gérald Le Corre, inspecteur du travail en Normandie et militant CGT. Les collègues n’ont pas le temps d’aller faire des constats, sur des malaises. »
L’augmentation de ce chiffre interne – déjà observée sur l’année 2023 – témoignerait donc d’une meilleure information des inspecteurs. La DGT y voit les effets d’un décret de juin 2023 qui oblige les employeurs à informer l’inspection dans les douze heures lorsqu’un salarié est victime d’un accident mortel. « Les malaises et les décès routiers semblent arriver plus facilement aux inspecteurs », se satisfait Pierre Ramain.
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A la suite de la dernière réforme des retraites, le gouvernement avait demandé aux partenaires sociaux d’engager une négociation interprofessionnelle sur l’emploi des seniors. Les discussions n’ont abouti qu’à quelques points de convergence entre les confédérations syndicales et l’Union des entreprises de proximité (U2P), les autres organisations patronales s’étant retirées. Ces points de convergence prévoient la création d’un compte épargne-temps universel et la facilitation des reconversions professionnelles. Ce qui est loin d’être suffisant face aux difficultés que doivent affronter les seniors dans le monde du travail.
Pour comprendre la gravité de la situation actuelle, il faut remonter au 18 décembre 1963, date à laquelle le gouvernement de Georges Pompidou a fait promulguer une loi qui a institué les conventions de préretraite. Les entreprises ont de facto obtenu le droit d’écourter les carrières de leurs salariés. S’ils étaient privés d’emploi, les anciens travailleurs percevaient une garantie minimale de revenu jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite, qui était alors fixé à 65 ans. L’intention des responsables politiques était de permettre de libérer des postes au profit des jeunes.
Cinquante ans plus tard, en 2013, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) remettait un rapport d’évaluation, dans lequel ses experts observaient une augmentation graduelle du nombre de demandeurs d’emploi « dans des proportions plus importantes pour les seniors et les jeunes que pour les autres catégories d’âge ». C’est l’aveu d’une défaite : en pensant naïvement que la mise en inactivité des salariés âgés allait permettre de faire de la place aux jeunes, la France a perdu son combat contre le chômage. Jusqu’en 1993, les gouvernements ont pourtant multiplié les dispositifs de cessation anticipée. Ces dispositifs n’ont guère eu que des effets pervers, en particulier celui de décrédibiliser et marginaliser les seniors.
56,9 % des Français âgés de 55 à 64 ans sont en poste
Dans son livre Ce modèle social que le monde ne nous envie plus (Albin Michel, 2015), l’économiste Jean-Olivier Hairault démontre ainsi que, loin d’avoir contribué à l’emploi des jeunes, « la cessation anticipée d’activité des plus anciens » n’a provoqué que la généralisation de « l’inactivité précoce des seniors » et la dégradation de l’emploi. Une étude de la direction des statistiques du ministère du travail (Dares) rappelle qu’à la fin de l’année 2022, seulement seulement 56,9 % des Français âgés de 55 à 64 ans étaient encore en poste.
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L’humoriste Guillaume Meurice juge que « l’extrême droite » a remporté une « victoire idéologique » après son licenciement par Radio France, mardi 11 juin, pour « faute grave ». La présidente de la maison ronde, Sibyle Veil, lui reproche sa « déloyauté répétée » pour avoir réitéré ses propos polémiques sur le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou.
« On en rirait volontiers si l’histoire s’arrêtait à mon cas personnel. Mais le projet est global », écrit-il mercredi 12 juin dans une « lettre à France Inter », son ancienne radio, postée sur le réseau social X. « Les “libéraux” sont en train de livrer le pays clés en main à l’extrême droite, lui offrant, ce jour, une énième victoire idéologique », poursuit-il, alors que le RN se présentera en position de force aux législatives anticipées des dimanches 30 juin et 7 juillet.
Sans nommer Sibyle Veil ni la directrice de France Inter, Adèle Van Reeth, Guillaume Meurice a fustigé dans sa lettre les « âmes de si peu de scrupules » qui dirigent la station, en leur reprochant « leur soif d’obéir » et « leur brutalité ».
Série de départs à France Inter
Figure de l’émission « Le Grand Dimanche soir », présentée par Charline Vanhoenacker, l’humoriste avait répété à la fin d’avril ses propos polémiques sur Benyamin Nétanyahou tenus une première fois à la fin d’octobre. L’humoriste l’avait comparé à une « sorte de nazi mais sans prépuce », ce qui avait déclenché des accusations d’antisémitisme et une plainte, finalement classée sans suite. L’incident avait aussi valu à Radio France une mise en garde de l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel.
Plusieurs chroniqueurs de l’émission ont annoncé leur départ par solidarité avec Guillaume Meurice : Aymeric Lompret, GiedRé, Laélia Véron et, dans la matinée de mercredi 12 juin, Thomas VDB.
Pour sa part, Charline Vanhoenacker a dit mercredi 12 juin prendre « acte que celui qui a fait honneur au service public est aujourd’hui remercié ». « Le bouffon congédié, plusieurs de mes camarades ayant démissionné, ma troupe amputée, il faudra une fois encore m’adapter », a-t-elle écrit sur X, allusion au fait que son émission est passée l’an dernier d’un rythme quotidien à hebdomadaire.
Mardi 11 juin, dans un e-mail aux salariés, Sibyle Veil a fait valoir que Guillaume Meurice n’avait « pas laissé d’autre choix » à Radio France que de le congédier. « En réitérant finalement ses propos à l’antenne en avril, Guillaume Meurice a ignoré l’avertissement qu’il avait reçu, la mise en garde de l’Arcom et détourné la décision du procureur » de classer la plainte sans suite, a-t-elle argumenté.
Alors que les femmes qui tentent de s’insérer dans les professions dites masculines se heurtent encore à de nombreux freins, les hommes exerçant dans des métiers féminisés tirent, eux, leur épingle du jeu.Dans Se distinguer des femmes (La Documentation française, 2023), la chercheuse en sociologie Alice Olivier s’est intéressée aux trajectoires de jeunes hommes passés par des études de sage-femme et d’assistant de service social – quasi exclusivement féminines –, et au traitement de faveur qui leur est accordé.
Les attentes portées sur les hommes et sur les femmes sont-elles les mêmes, dans les secteurs très féminisés que vous avez étudiés ?
Pour ce qui est du cœur du métier, notamment le travail de soin et d’attention à l’égard des personnes accompagnées, on attend la même chose des femmes et des hommes. Mais dans notre société où les normes et les inégalités de genre sont encore marquées, on pense aussi souvent qu’elles et ils n’ont pas les mêmes qualités intrinsèques, et que les hommes peuvent apporter quelque chose « en plus » dans ces secteurs très féminisés.
Ainsi, les équipes professionnelles voient souvent d’un bon œil l’entrée d’hommes dans les formations. Elles considèrent qu’ils apportent, comme de façon innée, du sang-froid, de la force physique, de l’humour,qu’ils ont des sujets de conversation intéressants, qu’ils sont plus techniques, plus rationnels et scientifiques. Et les hommes se mettent eux aussi souvent en avant sur ces dimensions.
Ces projections contribuent à les valoriser en stage. D’ailleurs, comme ils sont très peu nombreux, on les y repère vite. Dans des services surchargés comme le sont ceux de sages-femmes, le fait d’être très visible donne plus de place pour montrer ses compétences et pour apprendre. Souvent, on leur pardonne aussi plus facilement leurs erreurs. On considère que les hommes sont « moins scolaires » mais qu’ils ont des qualités de finesse, par exemple, et il y a une forme de bienveillance à leur égard. Cela aide à leur donner confiance en eux.
Comment la mise en avant dont bénéficient les hommes favorise-t-elle leurs parcours ?
Les hommes dans les métiers dits « féminins » montent plus vite en hiérarchie, prennent plus la lumière, connaissent moins de temps partiel ou de chômage. Dans mon étude, j’ai pu voir les racines de ces mécanismes dès la période de la formation. Par exemple, les hommes prennent souvent les rôles de représentation, comme ceux de délégué, de président d’association étudiante ou de porte-parole de la classe, quand bien même celle-ci est composée quasiment exclusivement de femmes. Ces positions leur permettent de renforcer des compétences de leadership, de négociation, d’aisance pour parler en public. Ils trouvent aussi facilement des stages, et sont souvent populaires au sein de leur promotion.
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Si la présidence de Radio France comptait sur les suites agitées du scrutin européen de dimanche pour détourner l’attention et mettre une sourdine sur le chambard du licenciement de Guillaume Meurice, elle n’aura pas tout à fait réussi. Révélée par l’humoriste lui-même, mardi 11 juin en fin de matinée, cette annonce est au contraire venue ajouter au climat fébrile provoqué par la dissolution de l’Assemblée nationale décrétée par Emmanuel Macron dimanche 9 juin.
La « fin du faux suspense », tel que Guillaume Meurice qualifiait lui-même le clair-obscur qui entourait l’attente de cette décision, a pris la forme d’un e-mail, reçu mardi, doublé d’une lettre recommandée avec accusé de réception lui indiquant la « rupture anticipée de [son] contrat pour faute grave ».
Ce faisant, explique Sibyle Veil, directrice de Radio France, dans un courrier envoyé aux salariés de Radio France : « Il ne nous a pas laissé d’autre choix que de tirer les conséquences de son obstination et de sa déloyauté répétée. »« Ni la liberté d’expression ni l’humour n’ont jamais été menacés à Radio France », insiste-t-elle, reprochant au chroniqueur du « Grand Dimanche soir » d’avoir mis en doute « l’indépendance et l’impartialité de notre travail. Au mépris de l’intérêt du collectif, il a nourri les arguments les plus infondés de nos détracteurs. »
Par solidarité envers leur collègue et ami, l’humoriste Aymeric Lompret, la chansonnière Giedré et la linguiste Laëlia Véron ont rapidement annoncé sur X mettre un terme à leurs interventions sur France Inter, rejoignant ainsi le comique Djamil Le Schlag, démissionnaire dès le 5 mai.
« Quel choix faites-vous là ? », a demandé à Sibyle Veil le syndicat SUD, estimant qu’« alors que l’extrême droite est aux portes du pouvoir (…), [votre] décision fragilise considérablement l’ensemble de notre entreprise ». LaSociété des producteurices de France Inter, présidée par Charline Vanhoenacker, a employé des mots quasi identiques pour dire « [sa] consternation et son désaccord » envers cette sanction : « Notre inquiétude et notre incompréhension sont immenses au moment où l’extrême droite est aux portes du pouvoir, et l’avenir de Radio France plus incertain que jamais », a-t-elle écrit dans un communiqué.
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Le média féministe Causette, qui a cessé la publication de son mensuel papier à l’automne dernier, pour devenir 100 % numérique, a été placé « en liquidation judiciaire le jeudi 6 juin » par le tribunal de commerce de Paris « sans poursuite d’activité » ; il « cherche un repreneur » pour « renaître au plus vite », a-t-il annoncé lundi 10 juin, confirmant une information de L’Informé. « Depuis cette date, le site n’est donc plus mis à jour, et le travail des salarié[e]s a pris fin », poursuit-il, déplorant « une mise en veille » brutale.
Fondé en 2009 par Grégory Lassus-Debat, le magazine avait été repris en 2018, après une première liquidation judiciaire, par le groupe Hildegarde, qui « avait déposé le bilan de Causette média le 22 mai, espérant un redressement judiciaire », lequel n’a pas été accordé, détaille le communiqué. Hildegarde est également propriétaire des publications spécialisées Le Film français et Première.
Impertinence, progressisme, féminisme
« Nous sommes persuadé[es] que Causette est indispensable dans le paysage médiatique français de par son impertinence, son progressisme, son féminisme (…), d’autant plus au moment où l’extrême droite réalise des scores historiques aux élections et s’impose toujours plus dans le champ médiatique », est-il écrit au lendemain de la large victoire du Rassemblement national aux européennes et de la dissolution de l’Assemblée nationale.
« C’est pourquoi Causette va se battre pour trouver » un repreneur ou une repreneuse « pour s’engager à ses côtés et renaître au plus vite », précise le média, qui compte mettre l’ensemble de son site en libre accès « dans les prochains jours ».
Le magazine féministe avait annoncé à la fin de septembre qu’il devenait un média 100 % en ligne pour « faire face à l’augmentation des coûts » et au changement des habitudes de lecture. « Le titre a pu, en huit mois, se déployer numériquement, entraînant un enthousiasme renouvelé sur son site comme sur ses réseaux sociaux », assure-t-il lundi, regrettant « d’avoir manqué de temps et de moyens pour pérenniser les choses ».
Un collectif de chercheurs plaide, dans une tribune au « Monde », pour être davantage impliqué aux côtés des professeurs dans leur mission et pour une découverte de la nature hors des murs de la classe.
Plus de 170 ans après sa création, l’usine Poulain implantée à Villebarou, près de Blois (Loir-et-Cher), est visée par un plan de fermeture qui sera annoncé le 13 juin lors d’un comité social et économique (CSE) extraordinaire, a-t-on appris vendredi 7 juin de source syndicale et auprès de la direction.
Convoqués mercredi par leur direction, les syndicats ont appris à l’occasion de cette réunion l’ordre du jour du CSE à venir, à savoir « la fermeture du site de Blois », a précisé auprès de l’Agence France-Presse Tony Anjoran, délégué syndical de la CGT au sein de Poulain, confirmant une information de La Nouvelle République.
Cette annonce a pris par surprise les 109 salariés de l’usine, selon le syndicaliste, qui affirme que « cela fait un an que les volumes sont en baisse, mais pas de là à mettre en péril la société ».
En 2023, le site avait arrêté la production de poudres chocolatées pour l’étranger, soit 18 % de sa production, selon La Nouvelle République. Par ailleurs, en 2022, l’usine avait bénéficié d’une aide de l’Etat de 200 000 euros, toujours selon le média tourangeau.
« Négocier au mieux les conditions de sortie d’un point de vue social »
« Aucun des efforts déployés pour trouver une solution industrielle de nature à pérenniser l’activité du site » n’a abouti, a expliqué de son côté la direction, pour qui le CSE du 13 juin « permettra de partager des informations en vue de consultations des instances représentatives du personnel sur les raisons économiques de ce projet, ses impacts, l’accompagnement des salariés et la recherche de repreneurs ».
« On l’a en travers de la gorge, parce qu’ils auraient aussi pu attendre quelques mois et choisir de vendre le site », a déploré M. Anjoran, avant de se déclarer « écœuré » de voir se fermer « une entreprise qui a plus d’un siècle d’histoire ». Désormais, pour la CGT, un objectif demeure : « négocier au mieux les conditions de sortie d’un point de vue social » pour les salariés de l’entreprise fondée en 1848 par Victor-Auguste Poulain.
De son côté, la direction a assuré sa « détermination à accompagner chacun des 109 salariés concernés vers un nouvel emploi », qui sera « au cœur du projet » présenté le 13 juin.
Depuis 2017, la marque de chocolat Poulain est détenue par le groupe Carambar & Co, créé après le rachat par la société d’investissement Eurazeo de plusieurs marques de confiseries françaises à la multinationale américaine Mondelez.
La pluie diluvienne de cette fin de mai a enfin cessé, et les quatre camionneurs ont décidé de s’offrir un luxe rare : un kebab vendu dans le fast-food de l’aire d’autoroute, plutôt que de cuisiner à l’arrière de leur semi-remorque, comme ils le font d’habitude.
Trois sont du Kirghizistan, le quatrième vient du Tadjikistan. Ils conduisent des camions immatriculés en Lituanie. Ce samedi, ils prennent leur journée de repos hebdomadaire sur le parking de Hazeldonk, situé à la frontière entre les Pays-Bas et la Belgique, sur l’A16/E19. Au mépris de toutes les régulations, deux d’entre eux sont sur la route depuis six mois sans interruption, sillonnant l’Europe de livraison en livraison.
« On dort dans notre appartement », rit l’un d’eux, montrant la cabine de son camion, où une couchette est aménagée. Son salaire : 70 euros par jour, là encore au mépris de toutes les régulations. « On n’a pas de congés payés, pas d’enveloppe pour nos frais courants. On ne nous paie pas notre billet d’avion pour rentrer au pays, maugrée l’un d’eux. Mais on n’a guère le choix et l’on gagne quand même trois fois plus que chez nous. »
Les quatre hommes, qui ne veulent surtout pas donner leur nom, de peur de perdre leur emploi, incarnent ce qui est dorénavant la réalité quotidienne du marché du transport routier en Europe : des chauffeurs non européens, travaillant dans des conditions déplorables pour des entreprises enregistrées en Europe centrale et assurant les livraisons des pays d’Europe occidentale.
« Ces chauffeurs sont exploités de façon choquante », s’alarme Edwin Atema, lui-même un ancien routier néerlandais, qui a fondé Road Transport Due Diligence (RTDD), une association de défense des conducteurs. Le matin même, son équipe a rencontré, sur un autre parking, un chauffeur des Philippines qui vivait dans son camion depuis trois ans.
Le 1er mai 2004, il y a tout juste vingt ans, quand l’Union européenne (UE) s’est élargie à huit pays d’Europe centrale et orientale, M. Atema a commencé à sonner l’alarme face au dumping social qui détruisait les conditions de travail de son secteur. A l’époque, les chauffeurs qui débarquaient sur le marché étaient polonais, hongrois ou lituaniens.
Choqué par leur situation, le Néerlandais a créé cette association, qui arpente les parkings d’autoroute à travers toute l’Europe afin d’enquêter et de défendre les routiers. Pour communiquer avec ces derniers, désormais largement immigrés d’Asie centrale, il lui a fallu recruter des russophones, le russe étant la seule langue commune à tous ces citoyens de l’ex-Union soviétique. « Aujourd’hui, les conditions de travail sont bien pires qu’il y a vingt ans, quand j’ai commencé à m’inquiéter », dénonce-t-il.
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