« Une hausse du smic n’est pas le bon instrument pour lutter contre la pauvreté »

La question du salaire minimum est totémique en France. L’intuition première est qu’augmenter le smic est le meilleur moyen d’accroître le pouvoir d’achat des travailleurs pauvres. Une littérature économique maintenant abondante a montré que cette intuition n’est pas toujours vraie. Depuis sa création, en 2008, le Groupe des experts sur le smic s’appuie sur ce constat pour recommander d’utiliser des dispositifs comme la prime d’activité afin d’améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs pauvres, plutôt que des coups de pouce au smic. Ces analyses, épaulées par les contributions des services de l’Etat (Insee, ministère du travail, Direction du Trésor), dont la compétence et le professionnalisme sont reconnus par tous, sont présentées chaque année dans un rapport accessible à tous.
Dans ce contexte, on ne peut que regretter que soient encore énoncées des contre-vérités pour fustiger les analyses des experts sur le smic, accusés d’appartenir à une même école de pensée et de délibérer dans un suspect entre-soi.
Certains affirment qu’une augmentation du smic pourrait accroître l’emploi, en citant des travaux portant sur les Etats-Unis. Ces études ont certes montré qu’une hausse du salaire minimum pouvait créer des emplois, mais ce salaire était, dans ces cas précis, particulièrement faible, et ce qui peut être vrai là-bas ne l’est pas nécessairement ici. Le salaire minimum, dans notre pays, est un des plus élevés de l’OCDE et les études examinant spécifiquement les conséquences d’une hausse du smic sur l’économie française ont toutes conclu à un effet défavorable sur l’emploi, en particulier non qualifié.
Cibler les plus vulnérables
Il est aussi affirmé que le coût du travail des personnes peu qualifiées n’aurait aucune influence sur leur emploi dans notre pays, et que les politiques de baisse des cotisations sociales sur les bas salaires pratiquées dans l’Hexagone depuis les années 1990 par des gouvernements de tout bord seraient inefficaces. Cette affirmation est proprement ahurissante : les études qui ont examiné les effets des allégements de cotisations sociales ont toutes conclu qu’elles permettaient de sauvegarder ou de créer des emplois peu qualifiés.
Autre affirmation inexacte, appuyée là encore sur quelques indications éparses en provenance des Etats-Unis, le salaire minimum réduirait les inégalités. Pour ce qui concerne notre pays, cette assertion n’est pas démontrée. En France comme ailleurs, les deux principaux facteurs de pauvreté d’un ménage sont un faible temps de travail et la taille du foyer. Plus de 80 % des ménages dont au moins un des membres est rémunéré au smic ne font pas partie des ménages pauvres. Une hausse du smic n’est donc pas le bon instrument pour lutter contre la pauvreté, car il est peu ciblé sur les pauvres. Les études chiffrées menées par le Groupe des experts sur le smic indiquent sans ambiguïté qu’une hausse de la prime d’activité est bien plus efficace qu’un « coup de pouce » sur le smic, car elle permet de cibler les ménages les plus vulnérables, en particulier les ménages monoparentaux.






Les représentants du personnel n’ont pas été ébahi en raison de la cure d’économies assujetti par le gouvernement à l’ensemble de l’audiovisuel public, dont France Télévisions – qui dispose de 2,5 milliards d’euros d’argents publiques – assume la plus grande part : 160 millions en moins d’ici à 2022. L’effort financier réel devrait se situer plutôt aux alentours de 350 millions si l’on prend en compte le glissement naturel des charges et l’obligation imposée par la tutelle d’investir dans le numérique.
« Faire partir les seniors »
Ce qui est récent, c’est la solution retenue. Mme Ernotte a en effet expliqué au Comité social et économique central (CSEC), la plus haute instance représentative du personnel, vouloir recourir à un plan de départs sous forme d’une rupture conventionnelle collective (RCC). Cette procédure, créée par les ordonnances Macron ayant réformé le code du travail en 2017, permet à une entreprise de négocier des plans de départs volontaires sans justifier de difficultés économiques.
Ce plan sera financé, a assuré aux représentants syndicaux Delphine Ernotte. « On aura les moyens », explique-t-on à France Télévisions. Le gouvernement a donc donné son accord, mais aucun détail n’est fourni pour le moment. Les deux derniers plans de départs volontaires dans l’entreprise publique remontent à 2009-2012 et 2014-2015. Ils avaient coûté respectivement 27,5 millions d’euros et 28 millions, et conduit à 696 et 305 départs, soit près de 40 000 euros par personne pour le premier et plus de 90 000 pour le second, selon un rapport de la Cour des comptes d’octobre 2016. Mais cela n’avait guère permis de rajeunir l’effectif de l’entreprise, où l’âge moyen est de 49 ans, souligne ce rapport.
D’après Arnaud Lesaunier, directeur général délégué des ressources humaines de France Télévisions, il s’agit cette fois à la fois de diminuer les effectifs, mais aussi de permettre « une mixité sociale et générationnelle dans l’entreprise ». Actuellement, la pyramide des âges à France Télévisions ressemble à une toupie affûtée : la moitié des effectifs a 50 ans ou plus, à peine 3 % ont 30 ans ou moins. « Il y a à la fois une ambition de transformation, sinon on ne sera pas au rendez-vous, et dans le même temps nous avons des économies à réaliser », explique-t-il. Marc Chauvelot, délégué syndical central CGT, y voit une résolution de « faire partir les seniors et embaucher des jeunes formés au numérique dans une vision productiviste ».
« Ambition sur le numérique »
Là non plus, aucun chiffre n’est annoncé du côté de la direction. M. Chauvelot évoque 2 000 départs et 1 000 embauches, soit un déficit net de 1 000 pour un effectif total de 9 600 employés à temps plein, dont 8 400 permanents. Des chiffres que M. Lesaunier refuse de confirmer ou de démentir : « On les réserve aux organisations syndicales. » Mme Ernotte a également annoncé son intention de réviser l’accord collectif signé en mai 2013.
Dans une motion, les élus du CSEC ont dénoncé une « restructuration de grande ampleur ». Pour Serge Cimino, délégué SNJ, se met en place « un modèle low cost qui sous couvert d’une ambition sur le numérique se résume à une question de maîtrise des coûts ». Delphine Ernotte insiste, elle, sur le mot « transformation »et sur le dialogue social. Aucun départ ne sera contraint, affirme-t-elle. Il s’agit, détaille M. Lesaunier, à la fois d’accompagner ceux qui voudront partir, de garder les « talents » parmi les non permanents et d’en recruter de nouveaux, bref de préparer l’entreprise pour demain. « Nous avons besoin de compétences portées par toutes les générations », souligne-t-il. Car, plus généralement, « un plan de formation et d’accompagnement à la transformation sera mis en œuvre », insiste-t-il. « C’est un moment nécessaire, mais il faut qu’on en fasse un moment utile en dialoguant avec les organisations syndicales », insiste M. Lesaunier.
Les échanges vont commencer début janvier. Un RCC doit obtenir un accord majoritaire au sein des syndicats représentatifs (CGT, FO, CFDT et SNJ). Dans leur motion, les syndicats ont fait front uni et ont d’ores et déjà annoncé refuser « un nouveau plan de suppression de postes, s’ajoutant à ceux en cours ». Le paquebot France Télévisions est entré sur une mer agitée.