Les écarts de rémunérations ont enregistré une hausse partout en Europe
Suivant une nouvelle étude, les écarts se sont creusés depuis les années 1980 partout en Europe. Mais le modèle social européen demeure exclusivement plus protecteur que celui des Etats-Unis.
C’est une trouble diffus dont on peine à accorder le nom. Une crainte touchant de larges pans des classes moyennes, dépassée d’un ras-le-bol prenant différentes formes selon les pays : Brexit au Royaume-Uni, vote populiste en Italie, manifestations des « gilets jaunes » en France… Les citoyens du Vieux Continent, qui se produiront aux urnes du 23 au 26 mai prochain pour élire leurs eurodéputés, sont inquiets face à la précarisation des emplois, au risque de chute.
Depuis la crise de 2008 et le jaillissement de mouvements sociaux tels que Nous sommes les 99 % ou Occupy Wall Street, l’augmentation généralisée des inégalités est au cœur du débat public. Alors que le président Emmanuel Macron promet une « Europe qui protège », nombre d’électeurs doutent : la construction européenne a-t-elle été une fortification contre les inégalités ? Notre modèle social tient-il bon ? Qui, parmi les 28 Etats membres et leurs habitants, a le plus bénéficié de l’augmentation, ces quarante dernières années ?
La nouvelle étude diffusée mardi 2 avril par le Laboratoire sur les inégalités mondiales (World Inequality Lab, WIL), dont fait partie l’économiste Thomas Piketty, porte de nouvelles réponses à ces questions. Ses trois auteurs, les économistes Thomas Blanchet, Lucas Chancel et Amory Gethin, ont compilé une grande quantité de données issues des instituts statistiques et des comptes nationaux. Pendant de longs mois, ils ont travaillé pour les harmoniser, afin de permettre des comparaisons entre les pays. Et de parvenir des indicateurs plus fins que ceux le plus souvent utilisés par la Banque mondiale ou l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour passer les inégalités au crible, qui reposent sur des enquêtes déclaratives auprès des ménages.
Dépenses sociales généreuses
Le premier constat est, à première vue, plutôt tranquillisant : « L’Europe est l’un des continents qui a le mieux contrarié à l’ascension des inégalités de revenus observée depuis les années 1980 », expliquent MM. Blanchet, Chancel et Gethin. Elle s’est particulièrement présentée plus protectrice que les Etats-Unis. Depuis 1980, le revenu moyen avant impôt des 50 % les moins riches a, en effet, augmenté de 37 % en Europe, alors qu’il a stagné aux Etats-Unis. A l’inverse, les 0,01 % d’Américains les plus riches ont vu leurs revenus bondir de 300 %, soit deux fois plus qu’en Europe. « Les Etats-Unis échouent à faire progresser les revenus des plus modestes », enregistre M. Chancel. Et ce, alors que l’aggravation économique y est plus dynamique que chez nous depuis trente ans.
« Depuis la rentrée 2018, je suis professeur à Weil am Rhein, dans le Bade-Wurtemberg. C’est près de la Forêt-Noire, où je vais skier. Je faillais y rester jusqu’à l’été, mais j’ai sollicité un an de plus. Au-delà de l’expérience professionnelle, de la découverte d’un autre système éducatif, je voulais concevoir le fait d’être étrangère quelque part. J’ai beaucoup voyagé, mais je n’avais jamais été émigrée. Partir n’est pas simple. Il y a peu d’information sur ces échanges. Je suis passée par l’Office franco-allemand pour la jeunesse, dont j’ai eu l’intuition par une amie. J’enseigne le français, pour une vingtaine d’heures par semaine, et le sport, car j’ai fait Staps. En Allemagne, à l’école primaire, les enseignants se suppléent dans la classe. Lorsqu’on change de classe, et quand les parents quittent leurs enfants le matin, on se dit “viel Spass”, ce qui signifie “amuse-toi bien”. Ici, le directeur ou la directrice est le supérieur hiérarchique des enseignants. L’élève est un partenaire, inclus dans l’école, qui donne son avis, argumente, vote les sorties. L’apprentissage passe beaucoup par le jeu. Pour participer à ce genre d’échange, il n’est pas obligatoire de parler allemand, mais cela assiste les relations avec les collègues et les parents. En mai, la promotion précédente donne des conseils à ceux qui vont partir. En août, Français et Allemands se perçoivent pour un stage de pédagogie et des cours de la langue du pays d’accueil. On a aussi un bilan à mi-parcours et un autre à la fin, avec nos successeurs. Avec ce système, on encaisse et on donne. »