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Autre vision de la feuille d’impôt

« Moins d’impôts, c’est moins de services publics, donc moins de policiers, moins de professeurs, moins d’infirmières (…), c’est moins de main-d’œuvre qualifiée, c’est moins d’innovation et de progrès technique, moins de compétitivité et donc moins de croissance, selon les théoriciens de la croissance endogène. »
« Moins d’impôts, c’est moins de services publics, donc moins de policiers, moins de professeurs, moins d’infirmières (…), c’est moins de main-d’œuvre qualifiée, c’est moins d’innovation et de progrès technique, moins de compétitivité et donc moins de croissance, selon les théoriciens de la croissance endogène. » Charlie Abad / Photononstop

Gérard Fonouni

Professeur agrégé d’économie et gestion

L’économiste Gérard Fonouni met en garde, contre la vision libérale et égoïste qui admet à vouloir diminuer les recettes de l’Etat pour lancer la machine économique.

Le pouvoir d’achat est transformé depuis le mouvement des « gilets jaunes » le privilège des Français devant l’emploi et l’insécurité. Les réclamations sollicitant son augmentation ont été plutôt fiscales que salariales. Le pouvoir d’achat serait devenu aussitôt l’affaire de l’Etat et non plus l’affaire des chefs d’entreprise.

Ce déplacement de but écartant les syndicats faute de réclamation salariale, a fait de l’impôt la principale caractéristique du pouvoir d’achat, alors que celui-ci dépend d’abord du niveau du salaire et du niveau des prix. Cette vision partisane et individualiste a fini définitivement par exiger, lors du grand débat national, l’idée que la feuille d’impôt est l’ennemi numéro un du pouvoir d’achat.

En effet, de peur que les réclamations salariales installent à mal les petites et moyennes entreprises et qu’elles installent à mal l’emploi, celles-ci se sont menées sur le terrain fiscal, qui, quant à lui, est beaucoup moins difficile économiquement. Cette malversation renforce ainsi les thèses économiques classiques dites « libérales » selon lesquelles le salaire, et plus particulièrement le salaire minimum, seraient nocifs pour l’emploi, et selon lesquelles l’impôt dissuaderait l’esprit d’entreprendre, diminuant ainsi la croissance.

Solidarité ou individualisme

C’est pourquoi la feuille d’impôt s’est graduellement remplacée à la feuille de paie pour innocenter plus de pouvoir d’achat. Dans ces conditions, seule une baisse d’impôt peut octroyer du pouvoir d’achat à l’ensemble des ménages.

Actuellement, la question du pouvoir d’achat est donc transformée un choix économique entre salaire et impôt et, aussi, un choix de société entre association et individualisme. Or, choisir la baisse de la feuille d’impôt plutôt que l’augmentation de la feuille de paie pour octroyer du pouvoir d’achat aux ménages est un choix très critique économiquement et socialement.

Faute de revenus fiscales importantes, l’Etat se voit contraint de amoindrir les dépenses publiques afin d’éviter d’aggraver son déficit budgétaire et d’alourdir la dette publique. L’impôt sert à financer les dépenses publiques, elles-mêmes très utiles à l’augmentation économique et au bien-être de tous.

Or, moins d’impôts, c’est moins de services publics, donc moins de policiers, moins de professeurs, moins d’infirmières, moins de médecins, moins de chercheurs, c’est moins de main-d’œuvre compétente, moins de connaissances, c’est moins d’innovation et de progrès technique, moins de compétitivité et donc moins de croissance, selon les théoriciens de la croissance endogène. Sa réduction approuvant celle des dépenses publiques, ralentit à la fois le niveau de la demande et celui de l’offre, punissant ainsi la croissance et l’emploi.

Sarah, « travailleuse du clic » 

Classeur avec les bons de réductions pour les acahats.

FELIX LEDRU

Des dizaines de milliers de microtravailleurs se connectent fréquemment à des plates-formes offrant des tâches rétribuées à la pièce pour arrondir leurs fins de mois. Une activité particulièrement effectuée par des femmes au foyer, qui demeure méconnue.

Où va le travail ? On pourrait la saisir pour une femme d’affaires. Assise sur son canapé, des lunettes papillon attachées sur le nez et l’œil immobilisé sur l’écran de son ordinateur portable, Sarah Guyon parcourt, impassible, la liste des « missions » payées du jour.

Deux centimes d’euro pour cliquer sur un article du Figaro, 18 centimes pour installer un logiciel admettant de lire des fichiers PDF, 36 pour inscrire ses coordonnées dans une requête de devis pour le réparateur automobile Speedy… « Ça ne paraît pas énorme comme ça, mais, en me connectant tous les jours, j’arrive à encaisser 200 à 300 euros par mois », ajoute cette mère de 26 ans.

Il y a cinq ans, après la naissance de son deuxième enfant et les premières « galères financières », elle est venue grossir les rangs de l’armée visible des « travailleurs du clic », ces personnes réalisant en ligne des tâches, fréquemment très rapides, rémunérées à la pièce. Ils seraient aujourd’hui plus de 250 000 en France à se connecter occasionnellement sur des plates-formes de microtravail – un nombre qui dépasse celui des personnes œuvrant pour Uber ou Deliveroo –, et 15 000 à y être « très actifs » selon une étude éditée en février par des chercheurs de Télécom ParisTech, du CNRS et de MSH Paris Saclay.

Pour l’heure, le travail du clic n’est ni entouré ni reconnu comme tel. Et Sarah Guyon, qui vit à Montmeyran, dans la Drôme, est continuellement regardée par l’Insee comme « inactive ».

Course contre la montre

Sa journée, cadencée par les allers-retours matin, midi et soir jusqu’à l’école, où quatre de ses six enfants sont scolarisés, ressemble malgré cela à une course contre la montre. L’après-midi, une fois le ménage fait et ses deux derniers nourris et endormis, Sarah se met au salon et se connecte une autre fois sur ses deux plates-formes de microtravail préférées – Moolineo et Loonea. Elle commence alors les tâches : donner son adresse pour obtenir et tester la dernière lessive Ariel 3 en 1, solliciter pour participer au panel de téléspectateurs de l’institut d’études marketing Harris Interactive, cliquer sur des articles de Grazia et Challenge, s’inscrire à la newsletter de la parfumerie Marionnaud, remplir de nouvelles demandes de devis…

La sélection discriminatoire de l’ENA

Professionnel en science des organisations, Alain Klarsfeld note, que ce sont une consistante assistance familiale et financière et les biais de sélection inconsciente qui reproduisent une augmentation de la fonction publique électif.

Entre les annonces espérées jeudi 25 avril, il en est une qui fait jaillir beaucoup d’encre. L’Ecole nationale d’administration (ENA) serait annulée. On peut comprendre aisément les motifs d’une telle cession. Avec les années, l’ENA en est venue à participer tout ce qu’une grande partie des Français haïssent, à savoir l’élitisme, non pas en tant que tel, mais en tant qu’il ne repose pas sur une base légale. Que l’ENA soit ou pas effacée, une pensée s’impose à elle (ou à l’école qui prendra la relève), comme à toute la grande fonction publique.

Un des concepts sous-tendant le caractère immérité des évolutions de sélection de l’ENA est celui de la ségrégation sociale. Pour cela ils appellent de différencier les notions de discrimination directe et indirecte. Qualifier les processus de sélection (à l’entrée et au classement de sortie) de l’ENA de discriminatoires socialement pour en tirer la conclusion qu’il faut annuler l’ENA, c’est aller trop vite en besogne et c’est passer à côté des enjeux les plus importants.

Le processus de sélection de l’ENA ne produit pas de discrimination directe. Par discrimination directe, il faut savoir la prise en compte directe de critères interdits tels que l’origine, le sexe, les mœurs, la condition économique, etc. (la loi liste 25 critères). Il est fort peu acceptable, même si jamais entièrement à exclure, que les examinateurs des copies anonymes et les jurys d’oraux prennent en compte l’un ou l’autre de ces critères dans leur évaluation.

Enfants de hauts fonctionnaires

Le processus de sélection de l’ENA produit par contre une discrimination indirecte. Cette ségrégation détournée repose à la fois sur l’initiative de la composition peu diverse de la population des « gagnants » (admis au concours externe, et surtout, ceux sortis dans la « botte », ou élevé de la distribution de sortie mélangeant toutes les voies d’accès) et sur la conformité des épreuves de sélection (ou plutôt leur absence de légitimité).

En effet, à la sortie du concours extérieur et à l’organisation de sortie, la proportion dominante d’enfants de cadres supérieurs et notamment de hauts fonctionnaires (ou anciens hauts fonctionnaires passés au privé) est nettement stupéfiante, et n’a fait que s’accroître au cours des dernières décennies. Cette proportion est provocante, mais pas encore, en tant que telle, particulière de discrimination indirecte, laquelle suppose en outre une épreuve attentif des processus de sélection.

« La cession d’entrée direct aux grands corps est un point de passage exigé »

Enarque et historien, Marc-Olivier Baruch propose, un changement en cinq clés de l’Ecole nationale d’administration pour initier la haute fonction publique à l’entreprise qu’elle est censée administrer.

Il se trouve que j’ai approximativement tout fait à l’Ecole nationale d’administration (ENA) : j’y suis (simplement) entré fin 1978 et en suis (mal) sorti trente mois plus tard, après une scolarité sans intérêt. J’y ai noté l’histoire administrative au début des années 2000 (discipline non notée et donc peu prise au sérieux par les élèves les mieux adaptés), au début deux jours par an, puis deux heures. J’ai arrêté cet enseignement avant qu’on ne me sollicite d’y dédier deux minutes… J’ai également été vice-président des concours d’entrée de 2010, ai siégé au comité de rédaction de la revue d’administration publique de l’ENA et collaboré à son comité d’histoire, qui produit de fort riches (mais peu lus) Cahiers [Cahiers pour une histoire de l’ENA] exprimant l’institution, promotion par promotion.

L’histoire, exactement, en dit beaucoup sur l’institution. Elle articule certes les audaces mais aussi les fissures initiales d’un projet qui n’était que relativement modernisateur. Le général de Gaulle de 1945 savait trop avoir besoin de l’appareil d’Etat pour en secouer les élites – dont il connaissait pourtant, mieux que personne, la conduite, peu engageant et peu engagé, durant les années de guerre et d’occupation.

Dès 1945, alors que se bâtit l’ENA, le ministère des finances ne se rassemble au projet de corps commun des administrateurs civils qu’à la condition que ceux servant dans ses rangs continueront à bénéficier d’un régime compensatoire favorisé, faute de quoi, face à l’aridité de la matière qui s’y trouve traitée, il risquerait de se voir déserté.

Un essai de découpe de poulet rôti

Dans ce domaine où les techniciens hors pair de la gestion administrative connaissent si bien énucléer la volonté réformatrice du politique – Nicolas Sarkozy, homme volontaire s’il en est, ne parvint pas à effacer le classement de sortie –, la loi doit poser des principes forts. Nous proposons cinq clés pour ouvrir la haute fonction publique à la société qu’elle a appel à diriger.

La première comporte à effacer les crises structurelles entre les métiers auxquels destine l’ENA. Nul n’irait consciemment manier des liasses de pièces comptables ou s’adonner au contentieux fiscal s’il ne savait que, très vite, son appartenance à la Cour des comptes ou au Conseil d’Etat serait pour lui, après un tout petit nombre d’années, un énergique accélérateur de carrière.

La cession de l’accès direct aux grands corps, comme l’harmonisation des régimes compensatoires entre ministères, est donc un point de passage obligatoire d’une telle réforme. Changements qui ne sont guère coûteuses budgétairement, mais dont les auteurs seront vus comme traîtres à leurs corps, ce qui les inquiéta longtemps.

Ces sociétés transformées au 100 % télétravail

Quentin Hugon

Elles sont encore peu abondantes, mais le modèle de ces sociétés utilisant ce mode de progression augmente. Malgré cela, s’il offre des avantages, il interroge sur son productivité.

Où va le travail ? Ils ont privilégié l’Ardèche comme cadre de vie et lieu de travail. Depuis prochainement trois ans, Rachel Peter et Jean-Baptiste Audras, un couple de trentenaires, œuvrent depuis leur maison de Saint-Péray, petite agglomération située près de Valence (Drôme). Tous deux sont salariés chez Whodunit, une agence de création de sites Internet. « Avec Whodunit, on a fait le choix du télétravail. C’est devenu notre mode de vie », explique Jean-Baptiste Audras. « Avec deux façons de travailler opposées », déclare Rachel Peter. Elle dans une pièce créée à cet usage, sur un ordinateur fixe, avec des horaires classiques : 9 heures-18 heures. Lui, sur son portable, n’importe où dans la maison, durant la journée et, parfois, de la nuit.

C’est une société dématérialisée, nulle part et partout à la fois

Chaque matin, ils dispensent cependant le même rituel : la réunion quotidienne de l’équipe, en visioconférence. Chaque salarié de Whodunit – ils sont dix, prochainement quinze – se connecte de chez lui. Ils habitent à Nantes, Metz, Paris ou encore Lyon. Car l’agence n’a pas de bureau : c’est une entreprise en full remote ou une distributed compagny (entreprise distribuée), dans le jargon anglo-saxon. Dématérialisée, nulle part et partout à la fois.

Ces sociétés modifiées au 100 % télétravail sont peu abondantes, mais le modèle se développe, à en croire Rodolphe Dutel, créateur du site Remotive.io, spécialiste de l’emploi à distance dans le secteur de la technologie. Sa plate-forme rassemble un millier d’entreprise qui embauchent des télétravailleurs – dont deux tiers outre-Atlantique et une vingtaine uniquement en France. En 2016, elles n’étaient que deux cents. Il s’agit « aussi bien de petites start-up de dix personnes que de licornes valorisées au-delà d’un milliard de dollars, comme Automattic », ajoute M. Dutel. Pionnière en la matière, la société éditrice WordPress a fermé son siège à San Francisco en 2017, basculant ses 550 salariés en télétravail.

« Ce modèle prendra de l’ampleur »

La technologie n’est pas le seul secteur intéressé. « On trouve aussi des entreprises en full remote dans l’e-commerce ou la formation en ligne », remarque Clément Marinos, maître de conférences en économie à l’université Bretagne-Sud, faisant l’hypothèse que « ce modèle prendra de l’ampleur, car les secteurs intéressés ont tendance à créer de l’emploi ».

Quand les sociétés s’attachent à la reconversion

Au sein du groupe PSA, plus de 3 700 salariés ont ainsi bénéficié, depuis 2012, du programme Top Compétences, qui accompagne les salariés dans leurs projets de reconversion « forte ».
Au sein du groupe PSA, plus de 3 700 salariés ont ainsi bénéficié, depuis 2012, du programme Top Compétences, qui accompagne les salariés dans leurs projets de reconversion « forte ». CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

La Poste, PSA, la Société générale, explorent des passerelles entre les métiers pour mieux reclasser leurs laborieux.

Du centre correspondance de Mortagne-au-Perche (Orne) à la direction des systèmes informatiques de La Banque postale à Nantes, la vie professionnelle de Géraldine Autrique, âgée de 48 ans dont dix-huit passés à La Poste, a pris un changeant. Fini l’armature aux organisations des tournées, place à la création d’applications mobiles. Depuis octobre 2018, cette salariée de La Poste se forme en alternance pour avoir le diplôme de concepteur développeur informatique, avant d’assimiler à plein temps une nouvelle équipe informatique. Le cursus « va très vite » et se révèle « assez violent en informations », accorde la mère de famille. Mais, choisie par La Poste au terme de divers tests sélectifs et déjà mordue de création de sites Web, Géraldine a confiance.

« On a des besoins nouveaux et on a des postiers qui doivent se projeter dans des nouveaux univers métiers », déclare Valérie Louradour, directrice du développement des ressources humaines à La Poste. Cette passerelle a donc été commencé « à tous les postiers » et le groupe réfléchit à étendre la démarche de reconversion professionnelle à d’autres filières. Même si les moins qualifiés en font moins souvent la demande que les autres, les deux tiers des salariés souhaitent se former, quel que soit le niveau de qualification, déclare le Centre de recherches et d’études sur les qualifications (« La formation en entreprise face aux aspirations des salariés », Céreq).

Le sujet des reconversions internes « reprend un peu plus de place dans les stratégies RH », remarque Thomas Germain, directeur général de Sémaphores, cabinet de conseil du groupe Alpha spécialisé dans les réaménagements. Confrontées à des « bouleversements plus rapides et plus permanents », les sociétés voient leurs métiers transformer en interne. Et alors que le marché du travail se montre tendu, « la reconversion s’impose par la force aux entreprises », décalre Sophie Piot, directrice commerciale grands comptes chez LHH Altedia.

Habileté, le maître mot

Avec la rupture conventionnelle collective, qui donne plus de flexibilité aux sociétés pour diminuer leurs effectifs, le sujet risque d’être davantage abordé. « Dans 48 % des cas, les améliorations en interne sont liés à des restructurations ou à des réorganisations », ajoutait l’Association pour l’emploi des cadres dans sa dernière enquête sur les mobilités professionnelles (« Panorama des mobilités professionnelles des cadres », édition 2018, Apec, voir lien PDF).

Le changement de la formation impose les DRH à reconsidérer l’évolution des travailleurs

Le chef cuisinier du Mandarin oriental Paris était, mardi 16 avril, le « grand témoin » des Rencontres RH consacrées à la formation professionnelle. Sa recette ? Rendre au salarié sa place d’« homme libre » sur le marché du travail (Photo: Thierry Marx en novembre 2018 à Paris).
Le chef cuisinier du Mandarin oriental Paris était, mardi 16 avril, le « grand témoin » des Rencontres RH consacrées à la formation professionnelle. Sa recette ? Rendre au salarié sa place d’« homme libre » sur le marché du travail (Photo: Thierry Marx en novembre 2018 à Paris). PASCAL LE SEGRETAIN / Getty Images/AFP

Les Rencontres RH, le nouveau meeting  sur les demandes de nouveauté des ressources humaines s’est tenu le 16 avril à la Maison de l’Amérique latine. Au planning : la puissance de la réforme de la formation professionnelle, entrée en vigueur début 2019.

« Avec 48 000 postes à assurer chaque année dans les cuisines, on s’est dit qu’il nécessitait casser les codes. La carence de main-d’œuvre pousse à assimiler de nouveaux profils », déclare le chef Thierry Marx, à l’origine de la « success story » Cuisine mode d’emploi(s), qui garantit 80 % de retours à l’emploi à un public qui en était espacé, grâce à une formation aux bases du métier en douze semaines.

Sa recette ? Rendre au salarié sa place d’« homme libre » sur le marché du travail. Comment ? « On forme en admettant que les salariés une fois formés partent ailleurs. La formation est un sachet de thé qui diffuse dans l’eau », réputée par une métaphore bien à lui le chef cuisinier du Mandarin oriental Paris, qui était mardi 16 avril le « grand témoin » des Rencontres RH employées à la formation professionnelle.

Le récent rendez-vous mensuel de réflexion sur la nouveauté du management, a tenu sa deuxième édition à la Maison de l’Amérique latine, à Paris, avec la présence de l’économiste Bertrand Martinot et d’une dizaine de responsables des ressources humaines venus troquer sur le potentiel de la réforme de la formation professionnelle, initier début 2019.

L’implication embaucheur du maintien de l’employabilité des salariés est inscrite dans le code du travail. « Il [l’employeur] veille au maintien de leur capacité à servir un emploi, au regard surtout de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations », mentionne l’article L-6321-1. Un véritable défi dans une période de profond changement industriel. D’autant que l’actuel système de formation continue ne collabore que très peu à la montée en compétences de la population active et que les réformes passées n’ont pas progressé la situation.

« Les salariés acteurs de la formation »

« La formation est en continuelle réforme, tous les trois ou quatre ans. Il y a eu 2002, 2004, 2009, etc. Il y aura possiblement 2022. Le cru 2018 marque une avancée sur plusieurs sujets. Mais dans les profondeurs de l’entreprise, il y a des pénuries, et c’est un euphémisme, d’appropriation de la réforme. Elle bouleverse les habitudes et le positionnement des DRH », remarque l’ex-conseiller social de Sarkozy et délégué général à la formation professionnelle de 2008 à 2012.

Les « deux clans» du travail

« Le PLouQ n’aime rien tant que les voyages professionnels. Il n’a pas encore compris qu’il passera la majorité de son temps dans des salles de réunion sans charme, pour des discussions qui auraient tout aussi bien pu se tenir au téléphone. »
« Le PLouQ n’aime rien tant que les voyages professionnels. Il n’a pas encore compris qu’il passera la majorité de son temps dans des salles de réunion sans charme, pour des discussions qui auraient tout aussi bien pu se tenir au téléphone. » Ingo Boddenberg/Flirt / Photononstop

Vaut-il mieux embaucher des cadres « créatifs et proactifs » ou « un peu ternes et casaniers » ? Ces derniers, qui ne sont pas tourmentés par l’idée que l’herbe dominerait être plus verte ailleurs, seraient plus assidus à leurs patrons.

Il est très mal de plagier. Mais faute avouée étant à moitié justifiée, je le dis tout de suite. Cette chronique m’a été emportée par celle de Bartleby, du magazine The Economist daté 2 février. Selon cet observateur, la population des cadres se distribuerait en deux groupes : les « PLouQ », soit ceux qui ont « peur de louper quelque chose », et les BRaQ, qui apprécient, au contraire, que c’est un « bonheur de rater quelque chose ».

Les PLouQ ne failliraient pour rien au monde une conférence ou une soirée qui pourrait leur permettre – sait-on jamais –, de rencontrer des personnes intéressantes ou utiles. Leur emploi du temps est de ce fait alourdi. Un nouveau groupe de travail se met en place ? Le PLouQ va immédiatement se porter volontaire. N’est-ce pas une occasion rêvée de montrer, à plus gradé, ce dont il est capable ? Un PLouQ – contradictoirement à ce que cet acronyme pourrait laisser présupposer – saute aussi sur toute nouveauté technologique. Les différents logiciels de travail en groupe n’ont aucun secret pour lui.

Des salles de réunion sans enchantement

Au contraire, l’annonce d’un rendez-vous annulé, met le BRaQ en joie. Et la seule évocation de création d’un nouveau groupe de travail le fait se presser sur sa chaise à l’idée de devoir perdre du temps en conversation, répondre à encore plus de mail, pour un projet qui n’a que peu de chances d’achever. Il estime avoir beaucoup mieux à faire en apercevant ses vrais amis, ou en passant du temps en famille. Il est sensible aux applications soi-disant collaboratives, type Slack, Teams et autres, dont le nombre est à peu près aussi élevé que celui des groupes de travail auxquels il collabore. Car, dans tout groupe, il existe constamment un PLouQ enthousiaste qui va encenser les mérites de la dernière version de la dernière application du marché, dont il faut apprendre les codes.

Le PLouQ n’aime rien tant que les voyages professionnels. Il n’a pas encore compris qu’il passera la plupart de son temps dans des hôtels ou des salles de réunion sans charme, pratiquement identiques d’un continent à l’autre, pour des discussions qui posséderaient tout aussi bien pu se tenir au téléphone.

Accumulation pacifique

Le BRaQ sait cela depuis considérablement. Il estime donc que supporter des nuits sans sommeil, faible dans un avion, est un investissement dont le retour est rarement suffisant. Une telle description pourrait laisser penser que mieux vaut recruter des PLouQ, a priori plus innovants et proactifs, plutôt que des BRaQ un peu ternes et casaniers.

Ultime ligne droite pour la redémarrage d’Ascovale, British Steel grand favori

La chambre commerciale du TGI de Strasbourg doit vérifier, mercredi 24 avril, les offres de redémarrage de l’usine de Saint-Saulve. Entre les quatre candidats, le groupe administré  par les frères Meyohas tient la corde.

Au sein de l’aciérie Ascoval de Saint-Saulve (Nord), près de Valenciennes, en novembre 2018.
Au sein de l’aciérie Ascoval de Saint-Saulve (Nord), près de Valenciennes, en novembre 2018. Pascal Rossignol / REUTERS

C’est la dernière ligne droite pour les 270 travailleurs de l’aciérie Ascoval de Saint-Saulve (Nord). Après 4 ans d’agitation, leur avenir devrait enfin s’éclaircir. La chambre commerciale du tribunal de grande instance (TGI) de Strasbourg doit vérfier, mercredi 24 avril, les quatre dossiers de redemarrage déposés par les groupes British Steel, Calvi Network, le fonds Secufund et l’entrepreneur Pascal Cochez.

Deux mois après l’arrêt d’Ascoval par son dernier repreneur désigné, Altifort, les magistrats devraient se donner quelques jours pour trancher la meilleure offre. Cependant, l’une d’elles se détache carrément dans l’esprit des dirigeants et des syndicats d’Ascoval : British Steel, un groupe qui a effectué en 2018 un chiffre d’affaires de 1,4 milliard de livres (1,6 milliard d’euros).

« Sur les quatre dossiers, pour l’instant, seul British Steel a perfectionner son offre, tant en matière de financement que d’engagements sociaux », déclare un proche des négociations. Le groupe offrait sur la table 47 millions d’euros, qui seraient abondés par une somme égale des pouvoirs publics.

Le dossier de l’entreprise italienne Calvi Network, spécialiste des aciers spéciaux, qui a besoin d’un nouveau fournisseur d’acier, est également bien vu, mais il devait encore avoir mardi le feu vert de l’un de ses actionnaires. Quant aux deux derniers dossiers, ils demeure incomplets.

Performance environnementale

De fait, à l’usine , la confiance était de mise avant l’audience. La perspective d’être repris par British Steel, détenu par Greybull Capital, le fonds géré notamment par les frères français Marc et Nathaniel Meyohas, rassure. Il serait prêt à apporter de 200 000 à 300 000 tonnes de commandes d’acier pour nourrir entre autres son site de production de rail d’Hayange (Moselle). C’est la moitié de la capacité de production annuelle d’Ascoval, ce qui permettra de couvrir les coûts fixes du site. « C’est un beau projet à la fois solide socialement, industriellement et financièrement », conclu-t-on à Saint-Saulve.

Les motivations de British Steel sont de deux ordres. « Cela découle d’abord du Brexit », mentionne un connaisseur du dossier. Avec l’essentiel de ses aciéries implantées à l’Angleterre, l’aciériste, qui fournit notamment la SNCF en rail, doit produire en zone euro pour ne pas dépendre de droits de douane et atténuer les fluctuations de la livre sterling.

D’autre part, British Steel s’intéresse à l’usine française pour sa performance environnementale. « L’aciérie électrique est bien moins émissive de CO2 [dioxyde de carbone] qu’une aciérie traditionnelle », résume une source. Alors qu’Ascoval libère 200 kilogrammes de CO2 dans l’atmosphère pour chaque tonne d’acier produit, l’aciérie traditionnelle à coke, comme celle de Scunthorpe (nord-est de l’Angleterre), qui appartient à British Steel, en émet 1,8 tonne. « A moyen terme, avec l’augmentation des prix des crédits carbone, cela devrait compter et British Steel a tout intérêt à diversifier sa production », résume un observateur.

Le télétravail s’établit dans le panorama français

Deux études IWG et Malakoff Médéric Humanis ont évalué le télétravail. Les espaces de coworking touchent actuellement les grands groupes.

« En matière de travail à distance, c’est le travail à la maison qui prédomine. Dans l’étude Malakoff Médéric Humanis, 92 % des télétravailleurs interrogés exercent parfois ou régulièrement depuis leur domicile, 35 % dans un autre bureau mis à disposition par leur entreprise et 21 % dans un tiers lieu. »
« En matière de travail à distance, c’est le travail à la maison qui prédomine. Dans l’étude Malakoff Médéric Humanis, 92 % des télétravailleurs interrogés exercent parfois ou régulièrement depuis leur domicile, 35 % dans un autre bureau mis à disposition par leur entreprise et 21 % dans un tiers lieu. » Jamie Jones/Ikon Images / Photononstop
Le télétravail et le coworking décolleraient-ils ? Suivant l’édition 2019 de l’enquête « Global Workspace Survey » effectuée chaque année par IWG (Regus), une multinationale de prêt de bureaux, 62 % des sociétés françaises questionnées disent avoir mis en place une politique « d’espaces de travail flexibles », que ce soit sous forme de télétravail ou de bureaux partagés. La tendance est d’ailleurs générale, puisque la France est dans la moyenne mondiale (60 %).Des résultats à minimiser puisque des clients d’IWG tracent parmi les 15 000 professionnels issus de plus de 80 pays et questionnés début 2019 par l’entreprise de sondage MindMetre Research pour cette enquête (il n’est pas précisé dans quelles proportions). Mais ils réaffirment le succès croissant du télétravail signalé en février par l’étude Malakoff Médéric Humanis réalisée par l’IFOP. Selon ce sondage, 29 % des salariés français ont déjà adopté le télétravail de manière occasionnelle ou régulière en 2018, contre 25 % l’année antérieure.

Télétravail : intérêts peu communs entre salariés et patrons

La première orientation des salariés à demander le télétravail est de diminuer leur temps de trajet ; la principale motivation des dirigeants à proposer le télétravail est d’améliorer l’équilibre vie privée/vie professionnelle, la seconde est de fidéliser les employés. La principale difficulté du télétravail, aux yeux des salariés, est la pauvreté de séparer vie privée et travail. Pour les dirigeants, c’est le management à distance.

En 2018, près d’un tiers (29 %) des salariés ont adopté le télétravail contre un quart en 2017, selon une enquête éditée mardi 19 février par le mutualiste Malakoff Médéric Humanis et effectuée par le Comptoir de la nouvelle société.

Sur les 1 604 travailleurs (dont 581 manageurs) consultés de novembre à décembre 2018, 95 % sont en CDI et 92 % à temps plein. Ils travaillent majoritairement dans de grandes entreprises. 51 % des télétravailleurs interrogés sont cadres. En moyenne, ils considèrent la durée idéale de télétravail à 6,7 jours par mois, qu’il soit entouré ou non par un accord de société.

Aux yeux de Virginie Houzé, directrice des études et recherches du cabinet de conseil en immobilier d’entreprise Jones Lang LaSalle (JLL), contribuée lors d’une conférence sur le coworking le 17 avril au salon Workspace Expo, le changement ne fait pas de doutes : « Depuis la fin des années 2000, on est sur une vraie évolution des modes de travail, à la fois technologique et managériale. » Tandis que les sociétés désirent optimiser les taux d’occupation de leurs locaux avec une dose de « flex office », les salariés veulent réduire le temps qu’ils passent dans les transports.

Diminution du temps de trajet

La première motivation des sociétés françaises à recourir au « travail flexible » est la diminution du temps de trajet de leurs salariés, selon le sondage IWG – pour 84 % d’entre elles, contre 75 % en moyenne au niveau mondial. Les jeunes salariés se montrent en outre peu désireux de passer leurs journées dans des bureaux traditionnels, ringardisés par les espaces de travail à « la Google » avec canapés pratiques et café à volonté.

« La tendance est mondiale, mais la conversion en France est plus avancé, avance Mark Dixon, le fondateur d’IWG. Le gouvernement se compromet davantage, surtout pour développer le coworking au niveau local. » Afin de stimuler les territoires, l’Etat a en effet prévu d’investir 110 millions d’euros sur trois ans dans un programme national de développement des tiers lieux. Un coup de pouce pour conduire l’économie de la législation sur le télétravail guidé par les ordonnances Macron de 2017 ?