« L’objectif de la plupart des réformes de retraite, à l’étranger, est d’unifier des systèmes disparates »

Troisieme journee de mobilisation contre la reforme des retraites. Un homme tient un pancarte represantant un tableau d Emmanuel Macron en monarque et lisant
Troisieme journee de mobilisation contre la reforme des retraites. Un homme tient un pancarte represantant un tableau d Emmanuel Macron en monarque et lisant « 14 mai 2017 restauration de la monarchie ». JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

Monika Queisser est chef de la division des politiques sociales à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Elle a participé à la publication du rapport de l’OCDE Pensions at a Glance 2019 (« Panorama des retraites 2019 », non traduit), qui fait un point statistique et analytique sur les systèmes de retraite des 36 pays membres et ceux du G20. Le premier chapitre fait le point sur les dernières réformes mises en œuvre entre 2017 et 2019.

Le gouvernement français affirme que la plupart des pays comparables ont déjà réformé leurs systèmes de retraite, et que la France serait en quelque sorte la dernière à ne pas avoir franchi ce pas. Est-ce exact ?

La plupart des pays de l’OCDE ont, en effet, mené des réformes au cours des dernières décennies, mais elles sont extrêmement diverses, portent sur des paramètres différents (âge de départ en retraite, montant des cotisations ou des pensions versées, parts respectives des caisses publiques et privées, etc.) en fonction des systèmes préexistants et des projections démographiques ou économiques nationales.

Mais y a-t-il des points communs entre ces réformes, en particulier des points communs avec le projet de réforme actuel en France ?

Oui. L’un des objectifs de la plupart des réformes a été d’unifier des systèmes jusque-là disparates, offrant des modalités d’ouverture de droits et de versement de pensions différentes selon les statuts, les professions… Ce qui créait d’importantes difficultés pour les « polypensionnés », c’est-à-dire les travailleurs passant d’un système à l’autre au cours de leur carrière ; mais aussi des inégalités difficiles à justifier, par exemple lorsqu’un travailleur exerçant le même métier dans les mêmes conditions touche des pensions différentes selon la caisse de retraite dont il dépend.

Pour le bon fonctionnement, pour combattre ces inégalités, l’unification autour d’un système unique, soit par leur fusion, soit par leur harmonisation, est effectivement souhaitable. C’est ce qu’ont fait la plupart des pays. Le système français reste aujourd’hui un des plus fragmentés.

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Cela dit, il reste encore à faire dans ce domaine dans d’autres pays que la France. Ainsi, la France est, avec l’Allemagne, la Corée et la Belgique, l’un des quatre pays où il existe des régimes complètement différents pour les fonctionnaires et pour les salariés du privé. En Allemagne, si ces derniers relèvent tous du même régime, il existe 89 régimes spécifiques pour les indépendants – un par profession.

Le succès de la bande dessinée ne profite pas aux auteurs, qui s’appauvrissent

Le ministre de la culture, Franck Riester, au Festival de la bande dessinée d’Angoulême, en janvier.
Le ministre de la culture, Franck Riester, au Festival de la bande dessinée d’Angoulême, en janvier. YOHAN BONNET / AFP

« La France aime le 9art ! » Franck Riester, ministre de la culture, a déclaré sa flamme à la bande dessinée, en présentant l’évènement BD 2020, devant un parterre de professionnels, rue de Valois, à Paris, mercredi 18 décembre. « La programmation est multiple et protéiforme, avec, pour le moment, plus de 350 événements prévus » en France, s’est réjouie le ministre. « Il est grand temps de consacrer à la BD toute l’attention qu’elle mérite. La reconnaissance a été trop tardive. » Le coup d’envoi sera donné lors de la 47édition du Festival d’Angoulême, le 30 janvier 2020.

Car derrière l’engouement des Français pour la BD − 8,4 millions de Français en achètent, et le secteur a généré un chiffre d’affaires de 276,2 millions d’euros, en 2018, selon le Syndicat national de l’édition − se cache un mal-être grandissant. Selon les derniers chiffres officiels, qui datent de 2014, 53 % des 1 500 auteurs interrogés à l’époque déclaraient un revenu inférieur au smic et, parmi eux, 36 % étaient au-dessous du seuil de pauvreté.

« [Et depuis], on sait que la situation s’est aggravée. Il ne passe pas une semaine sans qu’un auteur jette l’éponge », explique Samantha Bailly, autrice et vice-présidente de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse et de la Ligue des auteurs professionnels.

« Les auteurs ne peuvent plus vivre convenablement »

Depuis plusieurs années, les auteurs ne sont plus payés à la page, mais signent un contrat avec les éditeurs sur l’ensemble de l’ouvrage. « Le prix a diminué. Les auteurs ne peuvent plus vivre convenablement. Même les plus anciens ont peu de garanties. Il y a une véritable paupérisation », constate Emmanuel Lepage, l’un des rares auteurs à vivre du métier (Ar-Men, l’enfer des enfers, publié chez Futuropolis en 2017).

« A part les rares Zep, Arleston…, ceux qui travaillent le plus, avec les plus gros éditeurs, ont un petit smic », déplore Emmanuel De Rengervé, délégué général du Syndicat national des auteurs (SNAC). « Les difficultés sont connues. Trop nombreux sont ceux qui souffrent d’une précarité », a reconnu Franck Riester, qui, en début d’année, a commandé un rapport sur la situation des créateurs.

Un rapport Racine très attendu

« Un travail achevé, que Bruno Racine [ancien président du Centre Pompidou, puis de la Bibliothèque nationale de France] me remettra prochainement. Nous pourrons alors décider d’actions concrètes », a déclaré le ministre. Une remise très attendue par les auteurs. « Le rapport Racine est un animal fabuleux, comme le Marsupilami ! On sait qu’on va le voir, mais on ne sait pas quand ! », a déclaré Jul (Silex and the City), parrain de BD 2020, devant le ministre et sous des rires un peu gênés. Or ce rapport ne sera pas le dernier. Une enquête qualitative complémentaire, censée permettre de mieux connaître la situation des auteurs, a été demandée par le ministre.

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« Après quatre ans de mobilisation des auteurs, nous n’avons encore rien vu de concret », regrette Marc-Antoine Boidin, scénariste, dessinateur et vice-président du SNAC, tout en reconnaissant que c’est la première fois qu’un ministre se penche réellement sur ce sujet. « [M. Riester] a annoncé une allocation d’achats de matériel pour les artistes, même si on ne connaît pas encore son montant ni ses conditions. Il s’est cependant montré frileux sur la question de la rémunération des auteurs dans les festivals. »

Mme Bailly attend des mesures fortes : « Il faut un vrai courage politique face aux éditeurs. » Elle demande au gouvernement de « mettre de la régulation dans cette jungle absolue » et de créer un statut professionnel pour les auteurs, avec des protections sociales.

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Emploi, marques, gouvernance… les questions que posent la fusion PSA-FCA

L’union à 8,7 millions de véhicules entre PSA et Fiat-Chrysler (FCA), dévoilée mercredi 18 décembre par les deux constructeurs automobiles, ne sera pas concrétisée avant le début 2021. Elle soulève pourtant déjà questions et inquiétudes, à commencer par celle de sa réalisation effective. Le projet traversera-t-il les validations indispensables à sa concrétisation : assemblées générales, autorités de la concurrence américaine et, surtout, européenne ? « En matière d’antitrust nous n’anticipons aucune difficulté particulière », a commenté ce même 18 décembre, Carlos Tavares, le président de PSA et futur patron de la nouvelle entité. Dont acte. Mais d’autres points méritent d’être examinés.

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Le projet comporte-t-il des risques pour l’emploi en Europe ?

C’est l’interrogation numéro un en France, en Italie mais aussi en Allemagne et au Royaume-Uni, autrement dit partout où les marques de FCA-PSA ont laissé une trace industrielle historique. Pourtant, les nouveaux mariés l’ont promis : les 3,7 milliards d’euros de synergies générées par cette fusion n’impliqueront aucune fermeture d’usine. Il n’empêche : côté PSA, Force ouvrière, premier syndicat de l’entreprise, a réclamé la création d’un « comité de suivi de la fusion » et « entend obtenir (…) des garanties sur les volumes de production de l’ensemble des sites français ».

Ce n’est pas dans l’Hexagone que la situation est la plus préoccupante, les usines françaises, hors Poissy, tournent à plein régime. En Italie, en revanche, les surcapacités sont fortes. La première priorité est « la question de l’emploi », a déclaré, mercredi, Rocco Palombella, secrétaire général du syndicat italien UILM. « Les usines FCA fonctionnent toutes à moins de 75 % de leur capacité, valeur que l’on considère comme économiquement problématique », explique un consultant.

L’angoisse est palpable aussi au Royaume-Uni où les salariés de la marque Vauxhall, rachetée par PSA en 2017, redoutent que le Brexit ne devienne un prétexte pour rompre la promesse du zéro fermeture. Le syndicat britannique Unite a demandé une « réunion d’urgence » avec les responsables du groupe pour obtenir des « garanties sur l’avenir à long terme sur la fabrication au Royaume Uni ».

L’inquiétude est-elle fondée ? « Avec Peugeot-Citroën, puis avec Opel, à chaque fois, Carlos Tavares a fait la même chose, explique Franck Don, délégué CFTC de PSA. Il a compacté les usines, chassé les dépenses superflues, négocié des accords de modération salariale, le tout avec l’œil rivé sur un indicateur : le rapport entre le coût du travail et la production écoulée. »

A Radio France, le conflit s’enlise

Des employés de Radio France manifestent devant le ministère de la culture, à Paris, le 29 novembre.
Des employés de Radio France manifestent devant le ministère de la culture, à Paris, le 29 novembre. GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

« Comprenez bien que, dans une radio, il y a des moments de grâce… et des moments où on dégraisse ! » Ce mercredi 18 décembre, dans la matinale de France Inter, Charline Vanhoenacker prend une voix de grande bourgeoise pour imiter Sibyle Veil, la présidente de Radio France. « Dites plutôt, on réorganise », lui rétorque son coéquipier, Guillaume Meurice, qui endosse le rôle du chargé de communication.

En ce 25e jour de grève de la radio publique, le duo d’humoristes évoque, à sa façon, un conflit qui s’enlise entre les syndicats et la direction du groupe, qui souhaite mener un plan de départs volontaires portant sur 299 postes sur 4 600.

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Jusque-là, ce mouvement social était essentiellement conduit par la CGT, ce qui permettait à la direction d’expliquer qu’il était très peu suivi, chiffre de (faible) mobilisation à l’appui. Ce qui n’a pas empêché les grilles d’être fortement perturbées : sur France Inter, les soirées sont animées par des playlists depuis trois semaines, tandis que cent vingt heures de programmes ont été annulées sur France Info.

« Pourquoi ce blocage ? »

Mais, jeudi 19 décembre, la situation devait être bien pire : tous les syndicats ont appelé à la grève, s’élevant contre des discussions qui patinent depuis un mois. « Sibyle Veil confond négociations et information des instances », se plaint Renaud Dalmar, de la CFDT. Jusqu’à présent, la direction ne voulait discuter que du montant des chèques des partants. « Pour être éligible au départ, il faut avoir un projet derrière ou un CDI. Est-ce que les secrétaires de France Bleu visées par le plan auront un CDI ? Il faut réduire le nombre de départs », explique Valeria Emanuele, du SNJ.

Lire l’interview : Sibyle Veil : « Si nous ne faisons rien, Radio France aura un déficit de 40 millions d’euros d’ici à 2022 »

Devant cette nouvelle levée de boucliers, la direction a élargi le champ des discussions de jeudi au « projet de réorganisation », au « plan d’adaptation des effectifs » ou à « l’utilisation des CDD », autrement dit « les précaires, qui vont se multiplier et constituent un vrai potentiel de dérives », explique Renaud Delmas, qui y voit là un début d’ouverture.

« Le Chœur, c’est un instrument à part entière. Son identité est mise en péril »

Au sein de la « maison ronde », la situation se tend sensiblement. « Le Chœur, c’est un instrument à part entière. Son identité est mise en péril », regrette la soprano Laurya Lamy, protestant contre l’amputation d’un tiers des 90 chanteurs du Chœur de Radio France.

« Le harcèlement managérial mis en exergue par le procès France Télécom relève d’une stratégie globale »

Tribunal. Le procès France Télécom a souvent été présenté comme un procès hors norme par son ampleur, ses protagonistes, le nombre de ses victimes. C’est aussi un procès qui fera date sur le plan juridique.

« Le but de ce procès n’est pas de poser un jugement de valeur sur vos personnes, mais de démontrer que l’infraction pénale de harcèlement moral peut être constituée par une politique d’entreprise, par l’organisation du travail, et qualifier ce que l’on appelle le harcèlement managérial », a affirmé la procureure de la République. Et elle a ajouté, s’adressant aux juges : « L’évolution du droit vous permet de reconnaître l’infraction pénale de harcèlement managérial ».

« Harcèlement managérial » : la formule n’est pas nouvelle, mais elle a longtemps été utilisée comme synonyme ou comme sous-catégorie du harcèlement moral. La jurisprudence de la Cour de cassation avait consacré l’existence d’un harcèlement moral « de type managérial », mais celui-ci se caractérisait par les méthodes de gestion « mises en œuvre par un supérieur hiérarchique ».

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Mais le harcèlement managérial mis en exergue par le procès France Télécom relève pour sa part d’une réalité différente, dès lors qu’il ne se rattache pas à un harceleur ou à un groupe de harceleurs, mais à une stratégie globale. On déplace le point focal, depuis la conduite d’un ou de plusieurs individus vers le système de management lui-même. Cela a été explicitement souligné par la procureure : « Il est incontestable qu’en programmant la restructuration par des réductions massives d’effectifs et des mutations professionnelles en trois ans, les dirigeants ont conscience qu’ils déstabilisent les salariés ». Elle a précisé : « Vous allez même plus loin. Vous la recherchez, cette déstabilisation. Et vous la baptisez déstabilisation positive ».

C’est bien la manière dont s’est déroulée la réorganisation de l’entreprise qui est en cause. Les plans de réorganisation, baptisés NeXt et Act, s’accompagnaient d’un changement de paradigme : ils transformaient les métiers en processus, privant par là même les salariés de la possibilité de valoriser leurs expériences ou leurs compétences. Le programme Time to Move, lui, institutionnalisait leur instabilité temporelle, géographique et professionnelle.

« On a poussé le ballon un peu trop loin »

Dans ce contexte, les salariés les plus investis sont devenus les plus vulnérables. Au procès, le psychiatre Christophe Dejours a souligné que « ce ne sont pas les paresseux, les tire-au-flanc qui se sont suicidés, mais les plus impliqués. En cas de mise au placard, leur ardeur au travail pouvait constituer une véritable menace pour leur état psychique ». Et loin d’être prise en charge, cette implication, transformée en fragilité, devenait fautive.

La maison Sonia Rykiel, liquidée en juillet, va être relancée

Lors du défilé de la collection prêt-à-porter Sonia Rykiel printemps-été 2019 à Paris, le 29 septembre 2018.
Lors du défilé de la collection prêt-à-porter Sonia Rykiel printemps-été 2019 à Paris, le 29 septembre 2018. ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

L’emblématique maison de prêt-à-porter Sonia Rykiel, liquidée le 25 juillet faute de repreneur, va être relancée par deux des fondateurs du site Showroomprivé, qui veulent « faire rayonner » la marque, qualifiée de « fleuron du patrimoine français ».

Mercredi soir, le tribunal a tranché entre la vingtaine d’offres en lice qui avaient fait part de leur intérêt pour reprendre les « actifs » restants de la griffe – soit essentiellement son nom, ses archives et ses stocks. « Il a autorisé la cession des actifs de la marque au profit d’Eric et de Michael Dayan », deux des quatre cofondateurs (avec David Dayan et Thierry Petit) du site de commerce en ligne Showroomprivé, selon un communiqué publié mercredi 18 décembre.

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« Forts de leur savoir-faire et de leur parfaite expertise dans les secteurs de la mode, des marques et du digital », les deux frères entrepreneurs disent avoir « pour objectif de faire rayonner la maison Sonia Rykiel en France et à l’international, qui reste ainsi un fleuron du patrimoine français ». « La maison Sonia Rykiel est de retour en 2020, une nouvelle aventure pour la marque et les deux entrepreneurs », est-il indiqué sans préciser le prix de rachat.

En 2018, la marque de prêt-à-porter de Saint-Germain-des-Prés, fondée à la fin des années 1960, avait enregistré 35 millions d’euros de ventes, pour une perte nette de 30 millions d’euros. Au moment de son placement en redressement judiciaire, elle employait également 131 salariés.

Donner un second souffle à la marque

Les frères Dayan mettent en avant « leur solidité financière et leur expertise dans ce secteur, deux atouts qui leur permettront de développer et de donner un second souffle à la marque ». Ils soulignent également le fait que la marque, « avant-gardiste sur la libération de la femme, retrouve des actionnaires français » et « reste ainsi un fleuron du patrimoine français ».

Sur un plan plus stratégique, Eric et Michael Dayan estiment que « ce rachat s’inscrit dans la continuité de leur parcours entrepreneurial, deux ans après avoir quitté la direction opérationnelle du site ». Showroomprivé, groupe de déstockage en ligne, a engrangé 672 millions d’euros de ventes en 2018. Il a également réduit sa perte nette à 4,4 millions d’euros, contre − 5,2 millions en 2017.

De son côté, la maison Sonia Rykiel, célèbre pour sa maille et ses rayures colorées, s’appuyait au moment de sa liquidation sur un réseau, en propre, de six boutiques et quatre outlets (magasins de déstockage) ; elle réalisait un peu plus de 50 % de ses ventes en France.

En 2012, alors qu’elle était à la tête d’une des dernières maisons de mode encore indépendantes en France, la créatrice Sonia Rykiel avait décidé de céder 80 % du capital de la société au fonds d’investissement chinois Fung Brands (devenu depuis First Heritage Brands), holding de la famille Fung de Hongkong, dirigé par le Français Jean-Marc Loubier.

Ce fonds – qui possède aussi la marque belge de maroquinerie de luxe Delvaux et le chausseur Clergerie – était monté à 100 % du capital au début de 2016. En sept ans, quelque 200 millions d’euros avaient été investis dans la marque Sonia Rykiel par ses actionnaires.

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Rentrée 2020 : les académies de Versailles et Créteil en tête des créations de postes d’enseignant

Un instituteur dans une classe à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), le 2 septembre.
Un instituteur dans une classe à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), le 2 septembre. BERTRAND GUAY / AFP

A quoi ressemblera la rentrée scolaire 2020 ? Poser la question, alors que l’éducation nationale est aux prises avec un mouvement social d’ampleur, peut sembler décalé. Ça ne l’est pas tant que ça : mercredi 18 décembre a été présentée aux syndicats de professeurs, comme chaque année à la même période, la répartition des postes d’enseignants, académie par académie, donnant un avant-goût de ce que sera la troisième « rentrée Blanquer ». Viendra, en mars 2020, la distribution des moyens d’enseignement établissement par établissement, école par école.

D’ordinaire, c’est lors de cette seconde étape – au printemps – qu’enseignants et parents donnent de la voix. Signe d’un climat social dégradé, les protestations ont pris de vitesse le calendrier : la FSU, première fédération chez les enseignants, a quitté mercredi la séance du comité ministériel où étaient présentées ces mesures de rentrée. « D’ores et déjà décidées, [celles-ci] vont continuer de dégrader les conditions d’études des élèves et de travail des personnels », fait valoir la FSU, expliquant, par voie de communiqué, « attendre du gouvernement qu’il change de méthode ».

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A ce stade, la surprise est relative : les tableaux de chiffres divulgués reflètent, peu ou prou, les données inscrites dans la loi de finances. Du point de vue arithmétique, un point d’équilibre se dessine : 440 emplois sont créés dans le primaire, 440 sont supprimés dans le secondaire. Le solde apparaît nul quand, à la même époque, en 2018 et en pleine crise des « gilets jaunes », il était négatif, révélant 1 800 suppressions de postes pour la rentrée 2019, les réductions dans le secondaire n’étant pas compensées, alors, par les créations au primaire.

« Rééquilibrage »

Certaines académies s’en sortent mieux que d’autres. Ainsi de Versailles et de Créteil qui récupèrent, respectivement, 243 et 201 postes au primaire, 82 et 99 pour le secondaire ; elles se positionnent loin devant Aix-Marseille (76 créations au primaire, 2 dans le secondaire), Lyon (55 et 94), la Guyane (49 à chacun des niveaux) ou encore Mayotte (48 et 78). A l’inverse, Lille devra rendre des postes par dizaines, comme Amiens, la Normandie (fusion des académies de Caen et de Rouen), Nancy-Metz ou encore Dijon. Paris, académie-capitale où l’on sait les enseignants prompts à la mobilisation, devra accepter 16 suppressions dans le premier degré, 78 dans le second degré.

Un autre monde social émerge

« L’âge de la négociation collective », de Christian Thunderoz, aux éditions PUF, 376 pages, 21 euros.
« L’âge de la négociation collective », de Christian Thunderoz, aux éditions PUF, 376 pages, 21 euros.

Le Livre. Des salariés en souffrance réclament un meilleur pouvoir d’achat à des employeurs inquiets, les yeux rivés sur leurs carnets de commandes. Des indicateurs sociaux moroses traduisent inquiétude et frustration. A qui la faute ? Au patronat, jugé rétrograde et malveillant ? Aux syndicats, inutiles et bureaucratiques ? Aux hommes politiques velléitaires, cédant devant les puissants ? Dans L’Age de la négociation collective, Christian Thunderoz s’épargne d’accuser quiconque. Ce ne sont pas des coupables, mais une logique mortifère que montre du doigt le sociologue.

Ceux d’en haut ne veulent plus gouverner les hommes comme des choses ou des numéros ; et ceux d’en bas ne peuvent plus se conduire comme ils en ont pris l’habitude, tranche le directeur du programme Négo Lab, à l’Essec-Irené. « Comprendre cette double impossibilité, en tirer les leçons, et imaginer les scénarios d’avenir : telle est l’ambition de ce livre. »

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L’assertion, reconnaît l’auteur, peut faire sourire : les dirigeants souhaitent-ils vraiment gouverner autrement les entreprises qu’ils dirigent ? Et les syndicalistes souhaitent-ils vraiment modifier des comportements que leurs mandants semblent approuver ? Oui, car ils sont tous les deux dans l’impasse, assure le codirecteur de la revue Négociations : le management est à la peine, confronté à des défis inédits de mise au travail d’individus exigeant d’être associés dans l’entreprise aux décisions les concernant. Quant au syndicalisme, il recherche un nouveau souffle et de nouvelles pratiques militantes.

Emergence, en France, d’un autre monde social

Dans une première partie, l’ouvrage propose une analyse, historique et sociologique, de la négociation collective, et principalement la négociation dans l’entreprise. La négociation collective est peu un objet d’attention, ni académique ni journalistique. Pourtant, des structures d’appui existent – Réalités du dialogue social, Dialogue, Appui aux relations sociales (Areso), Format dialogue, etc. – et elles ne demandent qu’à servir, mais elles sont peu mobilisées.

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Le livre s’efforce ensuite au pragmatisme : si les forces vives veulent apprendre à se confronter sans s’affronter, il s’agit non seulement de repenser l’idée même de négociation collective, mais aussi de refonder notre système de relations sociales sur d’autres principes. Plusieurs propositions sont formulées, de la création d’un institut du dialogue social à la mise en place de formations conjointes communes rassemblant syndicalistes et employeurs des mêmes entreprises, en passant par la création des réseaux d’appui à la négociation collective (RANC) inspirés des réseaux de santé et qui regrouperaient des inspecteurs du travail, des chargés de mission de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), des médiateurs, des conseillers en relations sociales, des universitaires.

Livres : « Qu’est-ce qu’un directeur de collection ? »

« Dans un premier temps, cette décision a été suspendue par un recours auprès du Conseil d’Etat, qui finalement vient de trancher en faveur de l’Agessa » (Fronton du Conseil d'Etat, à Paris).
« Dans un premier temps, cette décision a été suspendue par un recours auprès du Conseil d’Etat, qui finalement vient de trancher en faveur de l’Agessa » (Fronton du Conseil d’Etat, à Paris). Roger Rozencwajg / Photononstop

Tribune. Alors que l’Assurance-maladie et retraite des écrivains (Agessa) vit ses derniers mois, nous apprenons que le Conseil d’Etat n’a pas souscrit aux protestations du Syndicat national de l’édition (SNE), qui réclamait le maintien des directeurs de collection dans leur statut d’auteur, qui leur donne accès au même mode de rétribution.

Rappelons quel a toujours été ce statut : la plupart des éditeurs, outre leurs employés salariés, font appel à des directeurs de collection ou à des apporteurs de projets qu’ils rétribuent en droits d’auteur. Cela signifie que ces responsables éditoriaux, non salariés, peuvent déclarer leurs revenus en droits d’auteur, en étant soumis au régime fiscal et au régime d’assurance et de retraite des auteurs et traducteurs.

Ce qui implique cependant des charges personnelles plus élevées que s’ils étaient salariés, une moindre garantie d’emploi, de moindres protections sociales, mais, en retour, une plus grande liberté et mobilité. Et, pour l’éditeur, cela signifie de moins lourdes charges. Les éditeurs, de ce fait, font volontiers appel à ces intervenants à la fois réguliers et extérieurs.

Du jour au lendemain, à la surprise générale, il y a maintenant plus de deux ans, le directeur de l’Agessa, sans consulter personne, ni éditeurs, ni auteurs, ni bien sûr directeurs de collection, a décidé unilatéralement qu’il n’accepterait plus parmi ses adhérents ces derniers. Cette décision obligeait donc les éditeurs à salarier les directeurs de collection ou contraignait les directeurs de collection à devenir autoentrepreneurs, comme de simples prestataires de services, entrant alors dans un tout autre système de fiscalité et de cotisations sociales.

Un directeur de collection est en droit de revendiquer un statut d’auteur. C’est un éditeur qui, par son goût personnel, donne aux livres qu’il sollicite auprès des auteurs contactés (aguerris ou débutants), une couleur particulière

De très vives protestations se sont élevées. Le SNE lui-même est alors entré en conflit avec l’Etat. Et, dans un premier temps, cette décision a été suspendue par un recours auprès du Conseil d’Etat, qui finalement vient de trancher en faveur de l’Agessa.

Libre à chaque éditeur, et à vrai dire plutôt à chaque directeur de collection, de se débrouiller.

Or, qu’est-ce qu’un directeur de collection et pourquoi est-il en droit de revendiquer un statut d’auteur ? Un directeur de collection est un éditeur qui, par son goût personnel, donne aux livres qu’il sollicite auprès des auteurs contactés (aguerris ou débutants) une couleur particulière. Sa collection, qui porte en général un titre, en tous les cas sa marque, propose un thème. Une rencontre, un souvenir d’enfance, un fait divers, la partie d’une vie, un souvenir amoureux, une passion littéraire, un tableau, une musique, un pamphlet.

« L’anglais comme langue de la recherche comptable est inéluctable mais il confronte la recherche comptable francophone à un défi paradoxal »

« La norme comptable est un instrument du soft power. Ceci nous invite à nous interroger sur l’anglicisation actuelle de la recherche comptable francophone. »
« La norme comptable est un instrument du soft power. Ceci nous invite à nous interroger sur l’anglicisation actuelle de la recherche comptable francophone. » Ingram / Photononstop

Tribune La comptabilité est un instrument de régulation économique et sociale de première importance et les pays qui contrôlent sa normalisation donnent un avantage compétitif considérable à leurs entreprises ; la norme comptable est un instrument du soft power. Ceci nous invite à nous interroger sur l’anglicisation actuelle de la recherche comptable francophone.

Il y a cinquante ans seulement, elle n’existait pas alors que la recherche comptable anglo-saxonne prospérait depuis longtemps. Diverses initiatives lui ont permis de rattraper son retard par rapport à celle-ci. En 1979, est créée une société savante, l’Association Française (devenue depuis Francophone) de Comptabilité (AFC). Des séminaires de préparation à la recherche comptable sont créés au sein des DEA de sciences de gestion. Il est même créé à l’université Dauphine, à la rentrée 1990, un diplôme d’études approfondies (DEA) entièrement consacré à la comptabilité.

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De ces séminaires et de ce DEA, devenu un master de recherche, sont issus de nombreux docteurs qui constituent l’actuel corps professoral des universités et des écoles. Il est également créée en 1995, à l’initiative de l’AFC, une revue académique, Comptabilité-Contrôle-Audit (CCA), classée aujourd’hui en rang 2 par le CNRS (sachant que le rang 1 est réservé aux seules revues anglo-saxonnes).

Des effets pervers, non seulement scientifiques mais aussi économiques.

L’université française a, donc, réussi à créer un nouveau domaine scientifique dans un champ qu’elle avait complètement négligé. Ce domaine, comme les autres domaines scientifiques, s’anglicise. Ce qu’a d’ailleurs montré le 40ème congrès de l’Association Francophone de Comptabilité qui se tenait dans la prestigieuse Sorbonne les 22 et 23 mai 2019 : près de 50 % des communications qui y furent présentées le furent en langue anglaise et, le plus souvent, par des enseignants-chercheurs dont la langue maternelle n’était pas l’anglais…

Cette forte émergence de l’anglais au congrès de l’AFC est une manifestation de l’apparition des chercheurs francophones sur la scène internationale : de plus en plus de chercheurs formés dans les pays francophones publient dans les grandes revues académiques anglo-saxonnes et nombreux sont aujourd’hui ceux qui enseignent dans des pays non-francophones. On peut s’en réjouir mais, en même temps, on peut craindre que l’adoption par les chercheurs francophones de l’anglais comme langue de communication et de publication n’ait quelques effets pervers, non seulement scientifiques mais aussi économiques.