Arrêts de travail : l’arbitrage polémique des médecins-conseils
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L’affaire a été révélée en octobre par le quotidien régional L’Indépendant. Refusant de se soumettre aux injonctions de son employeur qu’il estimait contraires à sa déontologie, un médecin-conseil de la Sécurité sociale à Narbonne a fait résilier son contrat de travail aux torts de la Caisse nationale de l’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et fait reconnaître le harcèlement moral qu’il avait subi. Le premier volet de cette affaire remonte à 2014.
Chargé de contrôler les arrêts maladie et les indemnités que touchent les patients, ce médecin-conseil estimait ne pas pouvoir faire son travail correctement au vu des objectifs de rendement qui lui étaient assignés. Consulté par Le Monde, le jugement des prud’hommes fait état de « pressions subies par le docteur […] par des exigences contraires à la déontologie médicale » et « de nombreux courriers à partir de 2012 [lui] demandant une rentabilité accrue ».
Alors que la hausse du coût des arrêts maladie est dans le collimateur du gouvernement, cette affaire met en lumière le malaise que peuvent connaître les médecins-conseils, tenaillés entre les objectifs de maîtrise des dépenses qui leur sont fixés par la caisse d’assurance-maladie et la prise en compte du patient.
« Il y a des pourcentages de refus et d’acceptation des dossiers », révèle Me Cambon, l’avocat qui s’est chargé de la défense du médecin-conseil de Narbonne. Ce médecin devait traiter les dossiers à la chaîne, sans avoir le temps de recevoir les patients. Son avocat dénonce la pratique de la « signature par lots » : des dossiers validés ou rejetés de manière groupée, sans même que les salariés en arrêt soient examinés. « Un technicien – pas même un médecin ! – est chargé de traiter l’ensemble des dossiers de lombalgies de moins de trois mois, par exemple », alerte Me Cambon. Sollicitée, la CNAM dit qu’elle n’a « pas de commentaire à apporter » sur cette affaire.
Maîtrise des coûts
Dans ces conditions, ces « contrôleurs de la Sécu » peuvent-ils réellement traiter équitablement les dossiers ? « Les médecins-conseils sont soumis à un objectif inavoué, mais réel, de maîtrise des coûts », affirme Arnaud de Broca, l’ex-secrétaire général de l’Association des accidentés de la vie (Fnath). En tout état de cause, ce sont les salariés en arrêt qui paient le prix de la pression à laquelle peuvent être soumis ces médecins.
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