Adecco renvoyé en correctionnelle pour discrimination à l’embauche après vingt ans de procédure
La cour d’appel de Paris a décidé, jeudi 25 février, de renvoyer le groupe d’intérim Adecco et deux anciens directeurs de l’agence de Paris-Montparnasse devant le tribunal correctionnel, où ils devront répondre dans un jugement public du délit de discrimination à l’embauche et de fichage « en raison de l’origine, de la nationalité ou de l’ethnie » de 500 intérimaires entre 1997 et 2001.
La Maison des potes et SOS Racisme se sont félicités de cette « victoire » obtenue après vingt ans de bataille judiciaire acharnée. « L’enjeu désormais est de permettre aux 500 victimes de pouvoir se constituer partie civile, explique Samuel Thomas, à l’origine de la plainte déposée en 2001 contre le géant suisse du travail temporaire. Il est essentiel pour nous d’avoir obtenu un procès public pour que toutes les victimes de discrimination soient encouragées à engager des poursuites judiciaires contre les discriminations dont elles sont victimes », a souligné le président de la Maison des potes et ancien vice-président de SOS Racisme.
Un système organisé
L’affaire remonte, en effet. A la suite d’une plainte déposée en février 2001 par Samuel Thomas au nom de SOS Racisme, une information judiciaire est ouverte en mars. L’association de lutte contre le racisme avait été alertée par un ancien salarié d’une agence Adecco de Montparnasse faisant état d’un système de discrimination qui, selon lui, écartait les candidats noirs de certaines missions de chef de rang ou commis de salle dans les restaurants.
SOS Racisme dénonce alors la mise en place d’un système organisé avec fichage « racial » (article 226-19 du Code pénal) fondé sur les codes « BBR » (bleu blanc rouge) et « PR4 » (pour les personnes de couleur), refusant à ces travailleurs l’accès à certains postes, en réponse à la demande d’entreprises clientes. L’agence de Montparnasse concernée travaillait notamment avec le ministère des affaires étrangères, Eurodisney et la Société des wagons-lits. 500 candidats auraient ainsi été victimes de discrimination dans le secteur de l’hôtellerie-restauration en Île-de-France entre 1997 et 2001.
« Malheureusement, comme pour le procès que j’avais obtenu contre Adecco Bruxelles pour usage du code discriminatoire « BBB » [Blanc bleu belge], aucune des entreprises donneuses d’ordre ne sera jugée » Samuel Thomas, SOS Racisme
Les accusations sont étayées par les témoignages des anciens salariés d’Adecco, le fichier des intérimaires PR4 saisi par huissier de justice, le rapport de l’inspection du travail et « les aveux enregistrés en caméra cachée de la direction d’Adecco, affirme M. Thomas. Le premier commandant de police chargé de l’enquête avait par ailleurs obtenu dès le début de l’instruction tous les aveux des salariés d’Adecco chargés de ficher les “PR4” et de répercuter les ordres des clients qui ne voulaient que des “BBR” », ajoute-t-il.
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