A Marmande, la reprise réussie d’un « petit patron métallo »

A Marmande, la reprise réussie d’un « petit patron métallo »

Par et Ugo Amez

Publié aujourd’hui à 03h30, mis à jour à 08h52

« Cinq mille pièces, douze minutes de soudure par pièce, presque six mois de boulot pour un soudeur… » Calculatrice en main, croquis étalés sur son bureau, Alain Bonnet jongle avec les chiffres et les plannings pour établir un devis. Cinq mille inserts métalliques à fabriquer pour des sièges de cinéma. « J’ai intérêt à regarder si je peux le faire avec notre robot, ça diviserait le coût par trois », note-t-il. Par la grande baie vitrée, la brume matinale noie encore la zone pavillonnaire de Marmande (Lot-et-Garonne), au bout de laquelle seul un panneau « Sortie d’usine » signale les bâtiments bas en tôle ondulée de sa PME, Meca d’Aquitaine.

100 « Fragments de France »

A six mois de l’élection présidentielle, Le Monde brosse un portrait inédit du pays. 100 journalistes et 100 photographes ont sillonné le terrain en septembre pour dépeindre la France d’aujourd’hui. Un tableau nuancé, tendre parfois, dur souvent, loin des préjugés toujours. Ces 100 reportages sont à retrouver dans un grand format numérique.

Voilà huit ans que cet ancien « ingénieur métallo » a repris cette entreprise en faillite. Chaises et tables pour des chaînes de restaurant, poussettes d’aéroport, lits à barreaux pour hôpitaux pédiatriques ou fauteuils ergonomiques à destination des Ehpad : chez Meca, répondre à une commande demande au dirigeant non seulement de vérifier le calendrier de ses 17 salariés – dont quatre cadres et un apprenti – mais aussi, bien souvent, de concevoir les produits qui seront découpés, soudés et peints à partir de tubes d’acier, avant d’être livrés en pièces détachées ou entiers à ses quelque 80 clients, industriels ou intermédiaires spécialisés. A 61 ans, le patron a abandonné la cravate depuis une dizaine d’années – « mon fils m’a dit un jour : papa, tu es un industriel, pas un banquier ! » –, mais vient tous les matins en chemise et pantalon de costume. « Quand j’ai repris la boîte, un copain chef d’entreprise m’a dit : Bienvenue, tu deviens un connard de patron ! Moi, ça m’a rien changé. Les gens font la différence entre les petits patrons comme nous et ceux du CAC 40 : l’un met ses billes dans sa boutique, l’autre pas. »

Alain Bonnet, repreneur de Meca d’Aquitaine, dans son usine, à Marmande (Lot-et-Garonne), le 23 septembre 2021.

Le bleu de travail de cet ancien d’Usinor-Sacilor, l’un des grands noms de la métallurgie des « trente glorieuses », est d’ailleurs toujours pendu au portemanteau. Au cas où. « En juillet, on a fait notre plus gros mois depuis la reprise de la boîte, il est venu aider. Les gars l’ont un peu chambré, mais ils ont bien aimé. Il a fallu quelques années, mais maintenant ils adhèrent au projet. » Peau burinée, barbe poivre et sel et tee-shirt maculé de sueur, Jean-Louis Barault, le doyen des cadres de Meca, est directeur opérationnel et partage le bureau d’Alain Bonnet. Ce matin, il a surtout aidé un de ses « gars » à porter des supports de groupes électrogènes brûlants, tout juste terminés. « Je n’allais pas le laisser faire ça tout seul ! Si c’est pour qu’il soit en vrac le lendemain… » Les risques du métier, ce Rochelais d’origine, fils de scaphandrier, qui a commencé à travailler dans l’usine en 1982, à l’âge de 18 ans, ne rigole pas avec.

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