A La Réunion, le « crépuscule » des deux quotidiens locaux
Partiellement soulagés, mais déjà inquiets pour la suite. C’est l’état d’esprit qui traverse les salariés du Quotidien de La Réunion, après avoir appris que le journal local placé en liquidation cession depuis le début octobre 2023 allait être repris par l’entrepreneur Henri Nijdam, PDG du Nouvel Economiste, via Media Capital.
Le tribunal de commerce de Saint-Denis a tranché en sa faveur, mercredi 3 avril, estimant que celle-ci engendrerait moins de casse sociale que l’offre concurrente de l’imprimeur réunionnais Alfred Chane-Pane.
Ce dernier s’engageait à reprendre seulement 20 % des effectifs, excluant tout bonnement de reprendre un seul journaliste, une offre dénoncée comme « brutale et abrupte » par Flavien Rosso, le représentant des salariés et les syndicats du journal. La veille, un collectif d’une quinzaine de journalistes avait campé devant le tribunal pour dénoncer « la volonté des repreneurs de faire des journaux sans journalistes ».
« Epuisement et lassitude »
M. Nijdam va reprendre 27 des 48 salariés (dont 15 journalistes des 36 qui constituent la rédaction), ainsi que 12 employés de presse et cadres. Les secrétaires de rédaction, photographes et rédacteurs en chef ne font pas partie de l’aventure, ce qui laisse craindre de grandes difficultés à très court terme pour boucler quotidiennement le journal. « Est-ce que ça vaut le coup de survivre dans ces conditions-là ? », s’interrogent plusieurs journalistes en interne, avouant « épuisement et lassitude après des mois d’incertitudes ».
Alors que le dernier journal de « l’ère Chane-Ki-Chune » (actionnaire depuis sa fondation en 1976) sortira jeudi 4 avril, la nouvelle direction de l’entreprise souhaite publier un nouveau journal dès samedi 6 avril.
« C’est irréaliste », répond Edouard Marchal, du Syndicat national des journalistes. « On doit rendre jeudi nos téléphones et ordinateurs professionnels, tout comme les voitures de fonction à l’ex-actionnaire, donc je vois mal comment on pourrait relancer le journal en même temps », complète Flavien Rosso.
Appel à lever « les zones d’ombre »
Aussi, les salariés du journal classé comme progressiste appellent leur nouvelle direction à lever « les zones d’ombre sur l’actionnariat, la gouvernance, l’organisation du journal ». En cause ? Si M. Nijdam doit devenir le directeur de la publication et de la rédaction, il représente seulement 1 % des 500 000 euros de capital, aux côtés de l’actionnaire majoritaire (70 %), le promoteur réunionnais Jean-Jacques Dijoux.
Le deuxième actionnaire, Jean-Pierre Lallemand (29 %), est à la tête d’une société de nettoyage et par ailleurs président du Syndicat autonome de la fonction publique territoriale de La Réunion. Les salariés réclament donc « des garanties d’indépendance de la rédaction », demande pour le moment sans réponse, et « rejettent par avance toute tentative d’instrumentalisation ».
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