A Clichy-sous-Bois, le tramway pour « désenclaver les âmes »

A Clichy-sous-Bois, le tramway pour « désenclaver les âmes »

Dans une station de Clichy-sous-Bois, lors de l’inauguration de la nouvelle branche du T4, en décembre 2019.
Dans une station de Clichy-sous-Bois, lors de l’inauguration de la nouvelle branche du T4, en décembre 2019. LAURENT HAZGUI / DIVERGENCE

Elles ont à peine 15 ans et pensent déjà à leur curriculum vitae, à ce nom, chargé de fantasmes et de discriminations, qu’elles devront un jour inscrire dans la case « adresse » : Clichy-sous-Bois, Seine-Saint-Denis. Un moment qu’elles redoutaient – « Clichy, ça fait peur aux gens sur un CV » –, du moins jusqu’au 14 décembre 2019.

C’est à cette date que le dernier tronçon du tramway T4 a été inauguré, à cette date que Yasmine, Aïssatou, Fatoumata, Leila, Yricia et Abissetou ont commencé à envisager l’avenir – un peu – plus sereinement. « On n’a plus l’impression de vivre dans une ville-ghetto repliée sur elle-même, lance Fatoumata, attablée avec ses copines au fast-food Chicken Spot. Le regard des autres sur notre ville va évoluer. » « Avant, on dégoûtait tout le monde, renchérit Aïssatou. Ça fait du bien qu’on s’occupe de nous. »

Pour les habitants de cette commune de 30 000 âmes, plus connue du grand public pour ses faits divers que pour sa résidence d’artistes Ateliers Medicis, l’arrivée du tramway – qui relie Bondy (où se trouve le RER E) à Montfermeil, en passant notamment par les Pavillons-sous-Bois et Clichy-sous-Bois – représente bien davantage qu’un gain de temps pour rejoindre Paris ou Aulnay-sous-Bois (RER B) – depuis 2006, le T4 assurait une liaison entre Bondy et Aulnay-sous-Bois. « Voir le tram, c’est déjà un bonheur, s’émerveille Benyoussef Bouzidi, 58 ans, Clichois de longue date et président d’honneur du collectif AC Le Feu, en admirant les voies recouvertes de pelouses et bordées d’arbres (plus de 500 ont été plantés ainsi que 25 000 arbustes et plantes). C’est tellement joli, c’est le fruit d’une bataille de toute une vie, ça fait beaucoup de bien d’avoir du beau dans nos quartiers, pour nous, cela signifie que l’Etat, la France, mise enfin sur nous. »

A Clichy-sous-Bois et Montfermeil, cela faisait plus de quinze ans que le tramway était attendu et trois ans que les travaux avaient démarré (pour un budget de 370 millions d’euros). L’objectif : relier Livry-Gargan à Montfermeil afin de désenclaver ces villes proches de Paris mais mal desservies par les transports en commun. Si seulement 15 kilomètres séparent Clichy-sous-Bois de Paris, il fallait compter au moins une heure trente, voire une heure quarante, en transports en commun, pour s’y rendre.

L’inauguration, « une vraie fête »

Batina Beauregard a 60 ans, un bonnet vissé sur la tête et un chariot chargé d’emplettes : elle vient de faire ses courses au petit centre commercial du Chêne Pointu, à deux stations de tramway de chez elle. « Le tramway, ça nous donne la force de sortir plus souvent et de venir faire nos petites courses », dit-elle, assise sur un banc à la station Clichy-sous-Bois-Mairie. Femme de chambre en intérim dans un hôtel du parc d’affaires Paris Nord 2 depuis huit ans, elle gagne une demi-heure sur chacun de ses trajets, soit une heure par jour. Elle reçoit également plus souvent amis et membres de sa famille, qui viennent désormais lui rendre visite plus volontiers. « Notre ville, elle est en train de devenir trop belle », se réjouit-elle.

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LJD

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