A Alfortville, la lutte des sans-papiers d’un sous-traitant de Chronopost
Après six mois et six jours sur le piquet de grève devant l’agence Chronopost d’Alfortville, Sekou, Demba et sept autres travailleurs sans-papiers, qui déchargeaient les camions de colis de l’opérateur, sont soulagés. Ils ont obtenu, le 17 décembre, leur « admission exceptionnelle au séjour » en France, indique la préfecture du Val-de-Marne. Ils sont donc régularisés. Venus d’Afrique, ces travailleurs avaient été recrutés, racontent-ils, en présentant les papiers d’un ami ou d’un cousin en règle, un « alias », par Mission intérim, une société de travail temporaire à Créteil, pour le compte d’un sous-traitant de Chronopost, Derichebourg.
Un montage en cascade « qui dilue les responsabilités et permet d’exploiter les sans-papiers », estime Christian Schweyer, animateur du collectif des sans-papiers de Vitry (Seine-et-Marne), une ville voisine, qui soutient ce combat. Ces neuf régularisations viennent s’ajouter à celles obtenues par cinq de leurs collègues début décembre. « Je suis content, sourit Demba, un travailleur sénégalais régularisé, mais pas à 100 %. » Car 13 autres travailleurs sont encore dans l’attente. Alors la lutte continue.
Une lutte très visible à Alfortville. De part et d’autre du trottoir qui longe le site de Chronopost, la filiale de La Poste qui livre des colis express, des dizaines de tentes vertes sont alignées, recouvertes de bâches bleues. A un bout du camp se trouvent quatre Sanisettes, financées par la mairie d’Alfortville (PS). A l’autre bout, un barnum chauffé en cas de besoin, fourni par le conseil départemental (PCF). Ils sont environ 120 sans-papiers à vivre sur place, dont 27 qui affirment avoir travaillé sur le site de Chronopost.
« Toutes les heures n’étaient pas payées »
Même régularisé, Sekou, un Malien de 29 ans qui a travaillé vingt mois chez Chronopost entre 2016 et 2018, « ne veu[t] pas quitter le camp tant que la situation des 13 autres n’est pas débloquée. Il est plus important d’obtenir des papiers que d’avoir un travail sans papiers », estime-t-il.
A partir de 3 heures 30 ou 4 heures 30 du matin, jusqu’à 7 heures 30, ils déchargeaient les camions chez le logisticien. « Il fallait aller le plus vite possible », raconte l’un d’eux. Mais le 11 juin 2019, ils ont dit stop. Stop à leur précarité, qui permettait aux chefs d’équipe de « leur mettre la pression en permanence, sous la menace de les remplacer par d’autres sans-papiers », ajoute M. Schweyer. « Toutes les heures n’étaient pas payées, raconte Demba. Mais si tu réclames, tu es viré. »