A Saint-Dizier, la Manufacture de pianos et la petite musique de la relocalisation
Cette année, à Saint-Dizier, le Père Noël a déposé un cadeau inattendu au pied du sapin : un atelier flambant neuf de fabrication de pianos, avec quelque 70 à 80 emplois à la clé dans un premier temps, puis 120 à terme. La Manufacture de pianos, installée dans cette ville de Haute-Marne depuis 2004, a en effet pris la décision de rapatrier dans l’Hexagone la production de ses pianos d’entrée de gamme, vendus en grande distribution sous la marque Colmann et fabriqués en Chine depuis trois ans. Une bonne nouvelle pour ce territoire d’environ 150 000 habitants, haut lieu de l’industrie de la fonte, qui subit comme tant d’autres le déclin des filières de sous-traitance de l’industrie automobile.
L’arrivée de cette usine de pianos n’est cependant pas tombée du ciel. Elle résulte plutôt de la crise liée au Covid-19 et des perturbations qu’elle a engendrées dans les chaînes de production mondiales. « Entre le moment où l’on passe commande à nos sous-traitants chinois et le moment où l’on peut réceptionner les pianos et les mettre en vente, il faut désormais compter neuf à dix mois d’attente : on ne peut pas conquérir de nouveaux marchés avec un tel manque de flexibilité, explique Raphaël Faber, directeur général de la Manufacture de pianos. Et avec la crise, le coût du transport en bateau – qui représente un tiers du prix de revient de l’instrument – a été multiplié par sept en un an, un surcoût qui met en danger la rentabilité de l’entreprise. »
Gagner en souplesse et en réactivité
La Manufacture a fait les comptes. Pour gagner en souplesse et en réactivité, et réduire les coûts, décision a été prise de rapatrier les pianos. « Les coûts finaux seront à peine plus élevés qu’en Chine », argue M. Faber. Pour démarrer la production en mai ou juin 2022, l’entreprise finalise actuellement l’installation d’un nouvel atelier d’environ 5 000 mètres carrés à Saint-Dizier, à proximité de l’atelier de sa gamme plus élitiste, vendue sous la marque Gary Pons. Le bois destiné à la fabrication du meuble qui accueille clavier et pièces électroniques sera sourcé, découpé et laqué localement. Seule la carte mère, pièce maîtresse de ces instruments numériques, continuera à provenir de Chine. L’investissement représente au total 5 millions d’euros.
Reste à recruter le personnel pour assembler ces jolies mécaniques. Malgré les pénuries de main-d’œuvre qui frappent de nombreuses activités manufacturières, cette perspective n’inquiète pas outre mesure. La tâche ne demande pas un savoir-faire extrêmement qualifié. « Nous pourrons toucher des personnes qui ont du mal à accéder à des emplois dans les entreprises industrielles de la région », remarque M. Faber, qui a d’autres projets dans les cartons tels que « le développement de nouveaux produits comme un piano d’extérieur, qui n’a pas besoin d’être accordé ». Et cette envie de s’attaquer au marché américain avec ces pianos désormais labellisés « made in France ».