« En France, des usines reviennent, et parfois grâce à de jeunes start-up, mais la réindustrialisation massive n’est pas encore d’actualité »
Pertes et profits. En ce début décembre grisâtre, où les vieilles peurs resurgissent – épidémies, inflation, cataclysmes climatiques –, toutes les bonnes nouvelles sont à prendre. L’hebdomadaire L’Usine nouvelle nous en apporte une au sujet de la réindustrialisation de la France. Selon son classement annuel, il y a eu, en 2021, deux fois plus d’ouvertures de sites, cinquante-trois répertoriées, que de fermetures (vingt-quatre). Ces dernières auraient chuté de 43 % sur les neufs premiers mois de l’année par rapport à l’année 2019.
La Laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel construit un nouvel entrepôt dans le Loiret et une usine d’embouteillage dans le Maine-et-Loire : 300 millions d’euros d’investissement et 300 emplois d’ici à 2024. Faurecia crée un hub industriel dans le Doubs, Chamatex a démarré sa fabrication de chaussures de sport en Ardèche… La liste est longue et comprend aussi bien de la production que des entrepôts et de la recherche et développement. A cela s’ajoutent une trentaine d’extensions de capacités existantes. Tous les secteurs sont concernés, avec une forte présence de l’agroalimentaire, de l’énergie ou de la pharmacie. Et toutes les régions aussi.
C’est bien ce qui donne son caractère précieux à l’industrie, sa capacité à s’implanter hors des grands pôles urbains et de structurer la vie de bourgs ou de villages. Dans leur dernier et formidable ouvrage La France sous nos yeux (Seuil, 496 pages, 23 euros), Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely chroniquent, par exemple, la disparition des clubs de football de ces petites villes, tous sponsorisés par l’industriel local et instrument majeur de lien social.
Réaliser des gains de productivité
Des usines reviennent, et parfois grâce à de jeunes start-up, mais la réindustrialisation massive n’est pas encore d’actualité. La chronique régulière des drames industriels ne s’est pas arrêtée, comme en témoigne la fermeture récente de la fonderie SAM, dans l’Aveyron, sans parler des grands groupes comme Michelin, Renault ou Stellantis, qui réduisent les effectifs en silence pour ne pas fermer d’usines.
Interrogé, mercredi 1er décembre, par l’agence Reuters, Carlos Tavares a été très clair à propos de la voiture électrique : « Elle impose à l’industrie automobile une électrification qui ajoute 50 % de coûts additionnels à un véhicule conventionnel. Il est impossible que nous répercutions 50 % de coûts additionnels au consommateur final, parce que la majeure partie de la classe moyenne ne sera pas capable de payer. » Résultat, il estime qu’il lui faut réaliser des gains de productivité de 10 % par an au lieu des 2 % à 2,5 % habituels. Une manière de préparer les esprits à plus d’automatisation, de pression sur les fournisseurs et… de délocalisations. La bataille des usines n’est pas encore gagnée.