Automobile : « En danger de mort, les constructeurs allemands rationalisent à tout-va »
Soulagement à Rüsselsheim. Au siège allemand d’Opel, les syndicats ont gagné leur premier vrai bras de fer avec leur maison mère, Stellantis. La maison fondée par Adam Opel en 1862 ne sera pas démantelée comme ils le craignaient. Un accord est intervenu mercredi 17 novembre entre la puissante centrale IG Metall et le géant franco-italien. Ce dernier renonce à sa réorganisation.
Depuis que PSA et Fiat Chrysler ont fusionné officiellement en janvier, le patron, Carlos Tavares, s’attache à rationaliser un outil industriel gigantesque et à faire jouer les synergies. Il se proposait donc de sortir les usines allemandes d’Opel pour les rattacher directement à une unité basée à Amsterdam. L’idée étant de transformer les usines de la société de sorte qu’elles puissent produire tous les modèles du groupe, de façon à s’adapter le plus vite possible à la demande.
Mais les syndicats ont vu le loup, caché derrière cette rationalisation de bon sens : la volonté de sortir les usines allemandes du système de cogestion qui donne aux syndicats un droit de regard sur la gestion et l’emploi dans les sites. Et ceux-ci ont fort à faire en ce moment pour protéger ce pilier du système économique outre-Rhin, face à la transition considérable que vit la construction automobile du thermique vers l’électrique.
Land actionnaire
En danger de mort, les constructeurs rationalisent à tout-va. Stellantis n’est pas la seule préoccupation d’IG Metall. L’empereur de l’automobile allemande, Volkswagen (VW), lui donne aussi du fil à retordre. Son PDG, Herbert Diess, a affirmé en privé qu’il y aurait 30 000 personnes de trop chez VW. Avec un raisonnement simple : Tesla, qui est en train d’implanter une usine à Berlin, à moins de 200 kilomètres du siège de VW, peut fabriquer une voiture en dix heures, quand il en faut trois fois plus chez Volkswagen.
La guerre de la productivité est lancée et fera des victimes, car la construction d’une voiture électrique demande moins de main-d’œuvre. Sauf à produire plus de voitures, mais il faut alors les exporter et donc être compétitif avec tous les Tesla du monde. Douloureux dilemme.
La grande différence entre Stellantis et Volkswagen est que le Land de Basse-Saxe est actionnaire de VW et se range traditionnellement du côté des syndicats. Ensemble, ils peuvent imposer leurs vues au conseil de surveillance, ou au moins être en position de force pour négocier. Ce système, aussi envié que décrié à l’étranger, n’a pour l’instant pas empêché l’Allemagne de rester un géant industriel. Et le pouvoir politique l’a constamment soutenu. La transition actuelle sera un test de la résilience de ce modèle face à la tempête qui s’annonce.