Salaire minimum européen : comment Paris tente de convaincre les pays nordiques

Le ton est amical, mais ferme. Calme, mais déterminé. « Nous ne voulons pas passer pour le pays du “non, non, non”, assure Therese Guovelin, vice-présidente de la centrale syndicale suédoise LO. Nous désirons contribuer à une discussion productive, mais pas que l’Europe interfère dans notre modèle social. » Voilà qui résume la position des pays nordiques à propos de l’Europe sociale en général. Et, en particulier, du projet de directive européenne sur les salaires minimums, contre laquelle ils bataillent depuis des mois.
Lundi 23 et mardi 24 août, le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, Clément Beaune, et la ministre du travail, Elisabeth Borne, ont rencontré les partenaires sociaux suédois et danois – dont Mme Guovelin – ainsi que leurs homologues ministériels. Une opération de déminage, visant à comprendre les réticences de ces pays à propos du smic européen, défendu par la France. Mais aussi, à entamer les préparations de la présidence française du Conseil de l’Union européenne – la « PFUE », dans le jargon –, qui se déroulera lors du premier semestre 2022. Une série d’autres rencontres bilatérales suivront ces prochaines semaines.
Car, pour Paris, l’enjeu est grand : faire avancer un maximum de dossiers concrets, notamment sur les questions sociales et environnementales, avant que l’élection présidentielle d’avril 2022 n’éclipse la PFUE tricolore. « Il est essentiel que le marché unique s’accompagne d’un socle de droits sociaux minimums, afin d’éviter le dumping social de certains Etats et la désillusion de certains Européens », a notamment défendu Elisabeth Borne devant les partenaires sociaux suédois, le 23 août, puis danois, le 24.
Accords de branche
Un objectif que les nations nordiques affirment partager. Notamment la Suède, où le socle européen des droits sociaux fut adopté en 2017. Seulement voilà : « Si nous comprenons la volonté d’améliorer la condition des travailleurs, nous sommes opposés à tout texte européen qui nous forcerait à imposer un salaire minimum par la loi », a résumé Jacob Holbraad, directeur général de la Confédération des employeurs danois.
« Ce modèle reposant sur le compromis nous a apporté harmonie et stabilité depuis la seconde guerre mondiale », explique Mattias Dahl, vice-président du patronat suédois
Au Danemark, comme en Suède et en Finlande, il n’existe pas de smic national uniforme. Les salaires sont négociés tous les un à trois ans au sein de chaque branche dans le cadre d’accords collectifs, en fonction du secteur, de l’âge et de la profession. Il existe près de 700 accords de ce genre en Suède, couvrant presque 80 % des travailleurs. Et le gouvernement n’a pas son mot à dire.
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