« Allons jusqu’à au moins un tiers d’administrateurs représentant les salariés dans les grandes entreprises »
Tribune. Comme l’a rappelé la crise sanitaire du Covid-19, quelques entreprises, très concentrées, dominent la production mondiale. Depuis deux décennies, cette tendance s’est accentuée au détriment d’une répartition efficiente des ressources. Tant le capital productif et les investissements associés que le travail et les personnes qui le réalisent se trouvent privés des gains issus de la croissance.
La science économique nous enseigne que plus la concurrence est forte, plus les profits sont contrôlés, et plus le bien-être des consommateurs est grand. Mais, en réalité, une entreprise a toujours intérêt à adopter une stratégie anticoncurrentielle visant à instaurer des barrières à l’entrée sur leurs marchés à l’encontre des autres entreprises afin de bénéficier de rentes monopolistiques.
De nouvelles armes
Clairement, l’évolution des grandes firmes et de leurs pouvoirs de marché ne sert pas l’intérêt général mais accentue les inégalités et freine l’instauration de régimes de croissance plus prospères et plus distributifs. L’incapacité des grandes économies de la planète à gérer la mondialisation a servi l’essor économique de ces puissantes entreprises au détriment de ce que l’économiste américain Joseph Stiglitz nomme la « vraie richesse des nations », celle qui se fonde sur l’innovation, la créativité et les interactions productives entre les personnes.
Force est de constater que les grandes entreprises modernes s’affranchissent nettement des régulations antitrust traditionnelles, même si la Commission européenne est de plus en plus vigilante en matière d’abus de position dominante, comme en témoigne l’enquête en cours contre la puissance algorithmique d’Amazon et ses atteintes à la concurrence.
Car il est vrai que les dispositifs de propriété intellectuelle, qui permettent de déployer des stratégies de brevets agressives (comme en témoigne le secteur pharmaceutique), et les possibilités d’évasion fiscale – comme en abusent les Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) –, offrent aux très grandes entreprises de nouvelles armes pour accroître leur puissance économique.
C’est pourquoi il est important pour les autorités de la concurrence et les Etats d’élargir le spectre de l’action publique en matière de régulation afin de lutter contre l’utilisation socialement inefficace (car non redistributive) de ces pouvoirs de marché excessifs, et de ces mouvements immodérés de fusion et d’acquisition.
Un capitalisme renouvelé
Il n’est ni utopique ni idéologique de penser dès maintenant, et avant que l’occasion ne nous échappe et ne se présente plus de sitôt, les fondements d’un capitalisme renouvelé, qui le préserverait de lui-même et qui donnerait une signification historique singulière à la relance des économies post-Covid-19 à l’échelle internationale.
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