Commencer un emploi à distance, un exercice d’équilibriste
Alexia, jeune cadre spécialiste de la logistique, a débuté un nouveau travail durant le premier confinement, en télétravail. « J’ai vraiment eu du mal à trouver ma place et à nouer des liens. En réunion en visio, je ne savais pas ce que je pouvais dire ou pas, si je pouvais blaguer… Je suis restée très en retrait pendant un bout de temps », rapporte-t-elle. Outre les difficultés pour trouver sa place, Alexia se souvient aussi avoir tardé à se sentir opérationnelle : « Quand on change de structure, toutes les procédures et les outils changent. Ne pas savoir comment faire les choses a été pour moi très stressant. Au bureau, on peut interpeller la personne à côté, mais en distanciel, quand les gens ne répondent pas par mail, on se retrouve juste seul face à son problème. »
Depuis un an, les jeunes qui ont réussi à décrocher un emploi ont fait leurs premiers pas dans l’entreprise de manière totalement inédite en raison de la pandémie. Un exercice forcément difficile pour les nouvelles recrues, selon Tarik Chakor, maître de conférences en sciences de gestion à Aix-Marseille Université : « Quand on arrive dans une entreprise, on apprend un nouveau travail, mais aussi à connaître son équipe. Certaines choses ne sont pas formalisées et s’acquièrent en observant ses collègues ou en discutant à la machine à café. Ce sont des choses toutes bêtes mais qui sont primordiales pour la bonne socialisation. » Le distanciel rend alors plus difficile la compréhension du fonctionnement de l’entreprise pour les nouveaux venus, qui peuvent plus rapidement se sentir isolés.
Une situation potentiellement facteur de stress, mais aussi de perte de sens. Laura (le prénom a été modifié), 30 ans, a débuté un nouveau poste de responsable des services culturels d’une mairie au printemps 2020 : « Malgré toute la bienveillance de mon équipe et leur disponibilité, même un an après, je ne me rends pas encore compte de ma capacité à m’épanouir sur ce poste, vu que je n’ai pas connu une situation normale. Et puis j’ai passé mes premiers mois à annuler des événements culturels, alors que mon travail aurait dû être d’en programmer. » La jeune femme a aussi l’impression de prendre du retard : « Je n’ai pas commencé à constituer mon réseau, alors que c’est crucial dans ce métier. »
Ce nouveau monde du travail en distanciel est marqué par un formalisme beaucoup plus poussé dans tous les échanges. Sans discussions quotidiennes pour dissiper les frictions, et alors que le second degré passe difficilement à l’écrit, la tension peut monter plus facilement.
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