A Mazingarbe, près de Lens, une usine Seveso abandonnée par ses propriétaires

A Mazingarbe, près de Lens, une usine Seveso abandonnée par ses propriétaires

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Publié hier à 16h00, mis à jour à 09h18

C’est ubuesque. Et dangereux. A Mazingarbe, petite commune située près de Lens, dans le Pas-de-Calais, la direction madrilène de Maxam Tan, site classé Seveso, a déserté l’entreprise installée sur un terrain de 160 hectares et abandonné ses soixante-quatorze salariés. Ces derniers, en attendant la liquidation judiciaire actée par le tribunal de commerce de la Métropole européenne de Lille pour le 13 avril, sont désormais seuls à assurer la sécurité de l’usine d’ammonitrate (des engrais azotés) et sa « sphère ».

Cette cuve d’ammoniac, encore remplie de 750 tonnes de produit, doit être vidée selon un protocole strict que seuls les employés de Mazingarbe maîtrisent. « Cette sphère, ce n’est pas une bombe, mais c’est hautement toxique, explique la directrice adjointe de Maxam Tan, Colette Jardin, vingt ans d’ancienneté. On peut tuer des gens à des kilomètres à la ronde. »

La sphère, emblème du site, contient encore 750 tonnes d’ammoniac. A Mazingarbe (Pas-de-Calais), le 26 février 2021.

Chaque jour, les salariés veillent sur le gaz liquéfié dans cette cuve arrondie. « Le danger, c’est la montée en pression de l’ammoniac, ajoute Mme Jardin. En cas de fuite, il y a un risque de nuage toxique. » Olivier Bouchez, 46 ans, chef de fabrication depuis vingt et un ans, continue d’animer son équipe, même si la motivation est au plus bas :

« La direction a posé les clés et dit débrouillez-vous. Plus personne ne se préoccupe de nous, mais on a le sens des responsabilités, alors pas question de laisser les soupapes de la sphère s’ouvrir et tuer des milliers de gens alentour. »

On est loin de l’époque des ouvriers de Cellatex, dans les Ardennes, qui, en 2000, avaient menacé d’utiliser les produits chimiques de la dernière fabrique française de viscose pour « tout faire sauter ».

Olivier Bouchez, chef de fabrication. Comme tous les salariés, il porte un sac a dos qui contient un masque de protection en cas de fuite de produit toxique.

Le groupe espagnol MaxamCorp a tenté de céder sa filiale à un repreneur, mais le seul candidat a jeté l’éponge

Situé entre les terrils de Grenay et Loos-en-Gohelle, ce site dit « Seveso seuil haut » est à vocation industrielle depuis 1897. Il a cessé, depuis la mi-juin 2020, de produire du nitrate d’ammonium industriel, composant chimique intervenant dans la fabrication d’explosifs de carrières. Un choix justifié par l’effondrement du marché dû à la crise sanitaire, selon la maison mère espagnole, MaxamCorp, détenue par le fonds américain Rhône Capital.

Le groupe espagnol a tenté de céder sa filiale à un repreneur, mais le seul candidat, anglais, a jeté l’éponge mi-octobre. Sans surprise, le tribunal de commerce de la Métropole de Lille a annoncé la liquidation judiciaire de l’entreprise, le 13 janvier 2021, avec poursuite d’activité de trois mois pour sécuriser le site.

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LJD

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