Dans les start-up, la frontière est ténue entre engagement total et management toxique
« L’un des patrons appelait un manager “mon toutou” devant tout le monde, alors qu’il faisait juste bien son travail, raconte au Monde Vincent (les prénoms ont été modifiés), un ancien salarié de la start-up d’intérim Iziwork. Après six mois d’humiliation, ils ont imprimé un t-shirt avec une photo de chien, et au verso la phrase “bonne petite bête or go home (rentre chez toi)” ».
La victime présumée de cette anecdocte s’incrit en faux et la qualifie de « plaisanterie entre amis ». « Il y a bien eu un t-shirt, mais jamais je n’ai été appelé toutou, et jamais je ne me suis senti humilié. Quant à l’expression “bonne petite bête or go home” c’est un détournement humoristique de notre mantra “go big or go home” ».
De son côté, Chloé, ex-chargée de recrutement dans la même entreprise, se souvient : « On me faisait travailler en arrêt de travail. Un jour, je me suis fait renverser par une voiture, ma manageuse m’a demandé de bosser ». Chez Iziwork comme ailleurs, les témoignages de mauvaises pratiques pleuvent sur le réseau social Instagram.
Créé le 25 décembre 2020 par une ancienne employée de start-up, le compte Balance ta start-up (BTS) relaie, depuis deux mois, la parole de centaines de salariés qui dénoncent anonymement les méthodes de management toxiques des start-up. « J’ai été témoin d’abus. Souvent, les mêmes schémas s’y reproduisent, liés au non-respect du droit du travail », explique Louise, la fondatrice de BTS, qui tient à rester anonyme.
Eviter la diffamation
Balance ta start-up s’inscrit dans une lignée de libération de la parole amorcée par #balancetonporc en 2018. « Il y a une grande omerta. Quand on est bloqué, les réseaux sociaux sont le dernier recours », observe Louise. Pour vérifier l’authenticité des témoignages et éviter la diffamation, « je demande si la personne a bien travaillé dans l’entreprise, elle doit m’envoyer une preuve : un extrait de profil LinkedIn, un contrat de travail… », explique cette trentenaire. Au 25 février, quelque 147 start-up sont mises en cause par plus de 1 200 témoignages. Parmi elles, les très populaires Lou Yetu, Lydia, Swile et Doctolib.
BTS invite évidemment les entreprises à exercer leur droit de réponse, mais sans grand succès. Seules quatre ont répondu, dont une seule reconnaît le problème. Lou Yetu, qui vend des bijoux, dénonce une « campagne de dénigrement » et parle de « choses fausses et infondées ». Pour y voir plus clair, elle a toutefois annoncé le lancement d’un « audit indépendant ».
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