La mort du juriste, spécialiste du droit du travail, Philippe Waquet
« J’aime le droit. Il n’y a pas de paix entre les hommes sans droit. J’aime la dialectique, la recherche, l’imagination juridiques », aimait dire Philippe Waquet.
L’ancien doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation est mort le 6 février, à l’âge de 87 ans. Il aimait la Bretagne et en particulier le golfe du Morbihan, berceau de sa famille, où il venait aussi travailler. Car Philippe Waquet était bon vivant, et grand travailleur. Associée à une autorité naturelle, à son intelligence pétillante et à sa culture peu commune, cette puissance de travail lui a assuré un rôle central partout où il a exercé. Et ses six enfants ont souvent eu droit à la parabole des talents, ou au poème de Jean de La Fontaine « Le Laboureur et ses enfants » : « Le travail est un trésor », individuel mais aussi collectif.
Il était un vrai juriste, « car celui qui ne connaît que la technique juridique ne connaît rien du droit » : l’adage est connu. Le « doyen Waquet » maîtrisait évidemment cette technique ; mais au-delà de cette indispensable technique d’organisation de la société, le droit reflète un système de valeurs. Dans les deux parties de sa vie professionnelle, ce catholique social formé à l’école du scoutisme et du mouvement Vie nouvelle n’a cessé de les mettre en avant.
Voir plus loin que le bout de son code
Entre 1967 et 1987, comme avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, spécialisé dans le droit des étrangers, il conseille le Groupe d’information et de soutien des immigrés. Puis cet homme d’action décide, en 1988, de rejoindre la chambre sociale de la Cour de cassation, à une époque cruciale car y arrivent des milliers de dossiers liés au tremblement de terre des quatre lois Auroux, de 1982, sur les droits des travailleurs.
Face à ce tsunami, comment tenir bon la barre de la « fabrique du droit » ? Car son rôle n’est pas de rendre au coup par coup des milliers d’arrêts discrètement marqués par les faits de l’espèce, mais assurer unité et cohérence avec une politique jurisprudentielle stable : mission accomplie.
Et voir plus loin que le bout de son code. Ainsi de la loi du 4 août 1982 « relative aux libertés des travailleurs dans l’entreprise » : sa traduction jurisprudentielle figure dans le sous-titre de l’ouvrage de Philippe Waquet, L’entreprise et les libertés du salarié (éd. Liaisons, 2003) : « Du salarié-citoyen au citoyen-salarié ».
Il vous reste 44.48% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.