Drame de Valence: pas de « prête-nom » pour le DRH
Carnet de bureau. Au départ, il y a un profil Viadeo présentant en tête des compétences d ’ une DRH : « Prête-nom devant le tribunal des prud’hommes pour protéger le DRH ». La page est celle d’Estelle Luce, 39 ans, assassinée le 26 janvier à Wolfgantzen (Haut-Rhin) sur le parking de son entreprise, probablement par le meurtrier du drame de Valence, selon les premiers éléments de l’enquête pénale. Et ce drame a braqué les projecteurs sur ce type de pratique.
Les entreprises enverraient donc des hommes ou des femmes de paille au tribunal pour endosser le rôle du « méchant » ? Autant le dire tout de suite, ce profil Viadeo se révélera être un « fake » qui circule depuis la campagne Twitter #balance ton DRH.
Si la fonction de « prête-nom » se retrouve dans l’article 1201 du code civil, qui définit la possibilité de déléguer par contrat l’exécution d’un accord occulte, elle n’a pas sa place dans le code du travail, et encore moins dans la résolution de conflit aux prud’hommes.
La délégation de pouvoirs existe, certes, en entreprise pour décharger une fonction, une mission, ou certaines tâches. Le chef d’entreprise peut, par écrit, permettre à une personne qui en a les compétences et les moyens, de représenter la société en son nom. Dans les entreprises qui comptent plusieurs établissements, l’employeur peut difficilement être partout. Cette personne doit avoir un lien de subordination avec le dirigeant. La clause de délégation implique la responsabilité juridique de celui qui la signe et peut s’accompagner d’une hausse de salaire.
« Trois types de délégations »
« Mais c’est seulement pour la représenter au pénal, que l’entreprise délègue sa responsabilité à un tiers. Dans une action au pénal, il faut toujours une personne physique pour représenter l’entreprise. Dans le cas d’un accident du travail, le délégataire est généralement le directeur ou la directrice des ressources humaines. Il y a trois types de délégations : financières, en matière d’hygiène et de sécurité, et commerciales concernant par exemple les pratiques concurrentielles », explique Aymeric Hamon, avocat associé en droit du travail du cabinet Fidal. C’est sans doute par amalgame avec cette possible délégation de pouvoirs que les créateurs du faux profil Viadeo ont inventé – sous une appellation erronée en droit – la compétence de « prête-nom devant le tribunal des prud’hommes pour protéger le DRH ».
Aux prud’hommes, où sont traités les licenciements et les litiges individuels notamment dans le cadre des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), « que le DRH soit là ou pas, ça n’a pas d’importance, puisque c’est l’entreprise qui peut être condamnée », souligne Me Hamon. « La procédure est orale, un représentant de l’entreprise, DRH ou salarié dûment mandaté, peut éventuellement être présent pour parler à l’audience, mais la décision concerne l’entreprise », décrit Yan-Eric Logeais, avocat en droit du travail du cabinet Gide. Aux prud’hommes, le représentant de l’entreprise est souvent un avocat.
Il vous reste 12.64% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.